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Il y a 80 ans, les “Pacifiens” défendent Bir Hakeim


Tahiti, le 24 mai 2022 - Il y a 80 ans, le Bataillon du Pacifique entrait dans l’histoire à Bir Hakeim. Sous la plume de Jean-Christophe Shigetomi, Tahiti Infos se propose de retracer l’épopée des combattants dans une série d’articles jusqu’au 10 juin prochain. Cette tranche d’histoire débute en février 1942 avec l’arrivée des “Pacifiens” sur la position de Bir Hakeim.
 
Les “Pacifiens” , nom donné aux volontaires du Bataillon du Pacifique par le général Koenig, ont été formés à la guerre du désert pour occuper en février 1942 la position de Bir Hakeim. Le 15 février 1942, la 1re Brigade française libre a relevé la 150e Brigade indienne en position à Bir Hakeim. Un site que les nomades appellent le puits du vieillard. Le Bataillon du Pacifique s’installe avec la mission de maintenir l’intégrité en “V” du champ de mines qui sépare la botte de Got El Oualeb, tenue par les Britanniques, et Bir Hakeim.

L’intérieur de la position est divisé en quartiers.
-        au nord-ouest, le quartier des Mamelles, occupé par le bataillon de marche n°2 ainsi que par les 1re  et 2e  batteries du 1er  Régiment d’artillerie ;
-        à l’est, le 2e bataillon de la Légion étrangère soutenu par la 4e batterie du 1er Régiment d’artillerie ;
-        au centre, l’état-major de Koenig, le service de santé, le 3e bataillon de Légion étrangère, la 3e compagnie du BIM et le 22e nord-africain
-        le bataillon du Pacifique hérite de la position sud-ouest avec le fortin italien ;
-        les batteries de DCA (Bofors) du 1er Régiment de fusiliers marins sont disséminées sur l’ensemble de la position.
 
Le terrain est plat, désertique à l’exception de deux petites collines artificielles que l’on appelle les Mamelles. Il s’agit en réalité de deux vieilles citernes sans eau. Un petit fortin italien fait de quelques bouts de murailles émerge du terrain aride. La position occupe environ quatre kilomètres sur quatre.
 
Le bataillon du Pacifique, en position autour du fortin italien est divisé en trois compagnies. La 1re est sous les ordres du capitaine Raymond Perraud, un avocat de Nouméa. La section tahitienne est conduite par l’aspirant André Salvat et son second John Martin, tandis que la section calédonienne est commandée par l’aspirant Jean Bellec.

Positions enterrées
 
La première compagnie compte un peloton de Bren carriers. Elle est aussi renommée pour la qualité de ses mécanos tahitiens. Certains Tahitiens sont parfois affectés dans d’autres unités.
Le général Koenig, ancien de la Grande Guerre, sait l’importance de positions enterrées : “Un homme dans un trou est un seigneur.”
Alors que les Calédoniens rechignent un peu à la corvée de terrassement, les Tahitiens entreprennent de creuser, sur l’ensemble de la position, des trous de renard, de courtes tranchées, des abris pour les véhicules, des observatoires et des emplacements de combat.
Ainsi, les hommes se terrent dans des trous individuels espacés de deux à trois mètres. Seul un coup au but peut les atteindre.
La qualité des tranchés des Pacifiens est reconnue. Ainsi, lorsqu’au retour de Rotonda Signali le BP1 retrouve ses tranchées, la 1re compagnie du bataillon d’infanterie de marine les occupe. Sous les explosions de l’offensive de Rommel, les hommes du BIM refusent de les rendre, car il s’agit de tranchées particulièrement protectrices comparées aux trous individuels de leur secteur des Mamelles. Ils devront néanmoins regagner leurs abris sommaires pour permettre au BP1 de reprendre ses positions.
Le poste de commandement du bataillon occupé par Félix Broche et par son adjoint Gaston Duché de Bricourt se compose d’un trou de trois mètres sur trois, profond d’une hauteur de moins de deux mètres, auquel on accède par un escalier fait de ferraille et de sacs de sable. Une embrasure s’ouvre sur l’ouest. À l’intérieur, deux lits de camp, une table et des cartes d’état-major.

Trois mois d’attente
 
Les Pacifiens sont assez bien armés. Ils disposent de mousquetons, pistolets, mitraillettes et de soixante fusils mitrailleurs de tous calibres. Ils disposent en outre de seize mitrailleuses de type Hotchkiss de 8 mm, neuf fusils antitanks, six canons antichars de 75 et quatre de 25 mm, quatre mortiers de 81 et six de 60, soit une puissance de feu assez considérable.
Les pièces d’artillerie sont enterrées, les canons de 75 et les canons antiaériens disposent de circulaires d’appui qui permettront à quatre pièces de 75 de diriger leur feu vers un même point. Les camions sont également enterrés le moteur vers l’avant.
La position est entourée par un champ de mines antichars de forte densité. Les sapeurs de la 1re compagnie du génie du capitaine Gravier ont en effet posé plus de soixante-cinq mille mines en étoile puis des marais de mines destinés à freiner les attaques des chars. Quatre passages ou chicanes très étroites permettent de sortir de la position retranchée.
Le décor est posé. Reste maintenant à attendre. L’épreuve du feu de Bir Hakeim commencera le 27 mai. On la relate dans notre édition de ce vendredi.

​Exposition des 80 ans au Fare Tauhiti Nui

Te Fare Tauhiti Nui, avec le concours de l’association Mémoire polynésienne, commémore en juin la bataille de Bir Hakeim, avec l’exposition “Quand l’Art se conjugue avec l’histoire militaire”.
La salle Muriāvai de la Maison de la culture accueille cette exposition dédiée du mardi 7 au samedi 18 juin 2022. Elle relate la bataille de Bir Hakeim, racontée jour après jour, en textes assortis de riches iconographies, avec notamment les illustrations réalisées par le graphiste Jean-Louis Saquet, mais aussi de sons et de documents numériques.
Les archives audios inédites en langue tahitienne du tamari’i volontaire Georges Durietz dit Toti ont été recueillies par ses petites filles. Toti livre un autre pan de sa guerre et celle de la bataille de Bir Hakeim. La transcription et la traduction de ces témoignages ont été effectuées sous l’égide de l’association Mémoire polynésienne avec le concours linguistique de Jacques Vernaudon, de Mirose Paia, et de Vāhi Tuheiava Richaud, présidente de la Société des études océaniennes.
Le vendredi 10 juin, l’exposition accueillera l’Office des Postes et des télécommunications pour la vente d’un timbre commémoratif et d’une enveloppe 1er jour : Il y a 80 ans Bir Hakeim.
Des visites guidées de cette exposition seront organisées les samedis 11 et 18 juin à 9 heures.
Il y a 80 ans, les “Pacifiens” défendent Bir Hakeim

Rédigé par Jean-Christophe Shigetomi le Mardi 24 Mai 2022 à 19:35 | Lu 1198 fois