Tahiti Infos

Il y a 80 ans, la mort de “Papa Broche” à Bir Hakeim


Tahiti, le 8 juin 2022 - Le Bataillon du Pacifique est entré dans l’histoire avec les honneurs à Bir Hakeim en juin 1942. Sous la plume de Jean-Christophe Shigetomi, Tahiti Infos se propose de relater les dures heures de ces combattants héroïques. Aujourd’hui, comment est mort le colonel Félix Broche, commandant du bataillon du Pacifique.
 
Depuis plus une semaine maintenant, en ce 8 juin 1942, le camp retranché allié de Bir Hakeim est pilonnée par une incessante grêle de tirs d’obus, bombardé, et l’objet de régulières tentatives d’invasion ennemies. La dernière en date vient de se produire les 6 et 7 juin. Elle vient d’échouer à enfoncer les lignes tenues par le bataillon du Pacifique, au sud-est du camp retranché. Les munitions s’épuisent, comme les réserves en vivres et en eau. De nombreuses armes mitrailleuses sont hors d’usage. L’eau est rationnée à un demi-litre par soldat et par jour. Depuis le 5 juin, les forces italo-allemandes attaquent de toute la puissance dont elles disposent, appuyées par quatre-vingts bombardiers légers Stuka qui bombardent et mitraillent Bir Hakeim jusqu’à huit heures par jour. “L'adversaire se terrait dans ses trous individuels, et restait invisible”, témoignera le général Rommel. “Il me fallait Bir Hakeim, le sort de mon armée en dépendait”. Le renard du désert est en effet bloqué là, sur la route de Tobrouk. Son offensive d’Afrique du nord vise El-Alamein avant de pouvoir prendre Le Caire. Pour lui, le temps presse. Il vient de recevoir de nouveaux chars lourds, de canons de 88 mm et de pionniers du colonel Hacker. Une nouvelle offensive est lancée dès le matin du 8 juin.


​“Une vague d’une centaine d’avions est venue nous pilonner”

Un abri était, ce jour-là, une possession très précieuse”, notera le chroniqueur militaire allemand Lutz Koch. “Mais c’était bien plus terrible pour les défenseurs de Bir Hakeim qui, jusqu’au matin du 8 juin où commence le deuxième acte de l’attaque sur la forteresse du désert, ont subi vingt-trois vagues de Stukas. Sans interruption, les lourdes puis les plus lourdes bombes allemandes venaient de tomber dans leurs positions et sur leur artillerie. Des Stuka italiens venaient aussi, toujours et toujours, au-dessus du point d’appui, répandre la mort”. “Vers dix-sept heures”, se souvient le Calédonien Édouard Magnier, “une vague d’une centaine d’avions dont soixante bombardiers est venue nous pilonner à nouveau. Trois bombes de cent kilos sont tombées à proximité immédiate, à peine à quelques mètres de mon trou. Je fus presque enterré, assourdi. Mon camion fut broyé, incendié. Ma guitoune fut pulvérisée et toutes mes affaires perdues.
 
L'infanterie allemande attaque couverte par la 15e Panzerdivision. La 9e compagnie du capitaine Messmer et le centre tenu par la section de l'aspirant Morvan sont enfoncés, mais l’ennemi est repoussé par une charge de bren carriers. “Les Allemands nous envoyèrent des obus fumigènes. On ne voyait plus rien. Heureusement une brise dispersa la fumée (…), et dévoila les troupes allemandes aux abords de la position. Quelques Allemands avaient déjà franchi les barbelés. Comme nous n’étions pas encore tous morts, nous les mitraillâmes. Ils se replièrent. Trois-quarts d’entre eux tombèrent sur le terrain”. Le sergent Louis Holozet et le 2e classe Tetautuarii Puarii sont tués au cours de ce 8 juin 1942.
Le colonel Félix Broche, commandant du bataillon du Pacifique.
Le colonel Félix Broche, commandant du bataillon du Pacifique.

​“Quand j’ai appris sa mort, je me suis effondré”

Le sergent Louis Holozet.
Le sergent Louis Holozet.
Mais c’est le lendemain, 9 juin, qui restera dans la mémoire des survivants de Bir Hakeim comme un jour de tragédie avec la mort du colonel Félix Broche, le commandant du bataillon du Pacifique.  “Papa Broche”, comme le nommaient ses troupes, avait accompagné les Tamari’i volontaires depuis Tahiti, où il était depuis 1938 affecté au commandement du détachement d'infanterie coloniale de Papeete. En début de soirée, vers 20 heures, il était accoudé à la fenêtre de son poste de commandement, enfoui dans le sable et la rocaille. Il était en train de montrer quelque point de l’horizon à son adjoint lorsqu’un obus pénétra par la meurtrière. Et ce ne fut pas un hasard : le mouvement des motards, la légère ligne de crête avaient donné l’éveil à un canon ennemi. Ce genre d’objectifs est repéré très soigneusement comme il est normal dans une guerre de siège, et l’ennemi les traite les uns après les autres. Ce n’était pas un obus perdu. Félix Broche ne fut pas tué sur le coup. La tempe labourée par un gros éclat d’obus, il devait mourir quelques heures plus tard. 
“Je me souviens avec émotion de la nouvelle de la mort de Broche”, raconte Robert Hervé. “Je me suis approché du PC dévasté à la nuit tombée. Appuyé sur une camionnette, j’ai demandé où était le colonel. On m’a dit qu’il était là, en me désignant une forme allongée sur le sol. C’est comme si j’avais reçu une décharge électrique. Je n’arrivais pas à croire que notre chef, celui qui nous avait conduits de Tahiti à Bir Hakeim, était mort”. Walter Grand témoigne aussi : “Quand j’ai appris sa mort, je me suis effondré. Le PC du Colonel était juste dans l’axe de nos deux pièces de 75 mm qui étaient visées par quatre pièces allemandes de 88. Mais ce n’est pas un obus explosif qui les avait atteints parce qu’on n’aurait plus rien trouvé de lui et de Bricourt (le capitaine de Bricourt, son adjoint, tué sur le coup, ndlr). Je les ai vus tous les deux allongés, à la nuit tombée. Broche était touché à la face. Chacun essayait de le voir pour un dernier adieu.” Ce 9 juin tombèrent aussi les 2e classe tahitiens Tahua Nahenahe, d’une balle en plein front, Teroitehoa Patii et Huriau Onuu. 
 
Reste que la position de Bir Hakeim devenait impossible à tenir plus longtemps, face aux assauts de l’Afrika Korps. Le général Koenig était en train de préparer pour le 10 juin au soir une sortie de vive force, afin de sauver les hommes de sa compagnie du feu de l’enfer. Quant à Félix Broche, sa dépouille sera transportée et enterrée au cimetière de Tobrouk où elle git toujours. En mai 1943, il sera fait Compagnon de la Libération à titre posthume.

Rédigé par Jean-Christophe Shigetomi le Mercredi 8 Juin 2022 à 08:47 | Lu 1067 fois