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Hydrocarbures : Le conflit menace de s’étendre à Gaz de Tahiti


Tahiti, le 8 janvier 2024 – La société Gaz de Tahiti est sous le coup d’un préavis de grève déposé vendredi par la CSIP pour le compte de l’Union des travailleurs des hydrocarbures. Sans accord, une grève menace dès vendredi la société spécialisée dans le stockage et le conditionnement du gaz liquide.
 
Un préavis de grève a été déposé vendredi soir au siège de l’entreprise Gaz de Tahiti à Motu Uta par la Confédération des syndicats indépendants de Polynésie (CSIP) pour le compte de l’Union des travailleurs des hydrocarbures. Sans accord, ce nouveau conflit social menace de s’orienter vers “une grève générale pour une durée illimitée” dès ce vendredi zéro heure. Une première rencontre de négociation est fixée mercredi matin.
 
Le préavis signifié à la direction de l’entreprise – aujourd’hui encore, la seule société spécialisée en Polynésie française dans le stockage, le conditionnement de gaz liquide et la commercialisation du gaz domestique – liste 12 points de revendication avec en premier lieu des demandes d’embauches, notamment d’un technicien de maintenance, de deux opérateurs de production et d’un employé en charge de la logistique. “Ces postes sont vacants à la suite de démissions ou de licenciements”, souligne le délégué du personnel, Etera Tainanoarii. “On demande des embauches”, explique-t-il en déplorant que pour l’heure la mission qui incombe à ces postes vacants vienne surcharger les employés restants. Huit points de revendication concernent aussi des demandes de revalorisation salariale ou de primes spécifiques pour le personnel de manutention et pour les livreurs : prime de déchargement des butaniers ; prime de pénibilité pour port de charges lourdes ; prime d’intervention et de déplacement dans les îles. Un point évoque une demande de reclassement du personnel. Le dernier point de revendication fait enfin état d’un défaut de déclaration à la Caisse de prévoyance sociale de salariés victimes d’accident du travail dans l’entreprise et de pressions qui auraient été exercées pour obtenir une modification de certificats médicaux.
 
“Un cheveu sur la soupe”
 
Après bientôt quatre semaines d’une grève qui piétine dans le secteur des hydrocarbures, le mouvement menace dorénavant de s’étendre dans le secteur stratégique du gaz. Le préavis n’ayant été transmis que dans la soirée de vendredi à Gaz de Tahiti, aucune rencontre de négociation n’était encore programmée lundi. “Nous sommes en train de voir les points du préavis”, expliquait dans la matinée Judith Siu, la secrétaire générale de Gaz de Tahiti dans la perspective d'une première rencontre avec les syndicats qu’elle espérait possible dès mardi. Mais de son point de vue, ce dépôt de préavis de grève, “tombé comme un cheveu sur la soupe” sur fond de conflit social qui s’éternise dans le secteur pétrolier, est à mettre sur le compte d’un “soutien au conflit actuellement en cours”. D’autant qu’“aucune doléance ne nous a été clairement signifiée jusqu’à présent”, ajoute la responsable d’entreprise.
 
“Il n’y a pas de lien”, conteste de son côté Cyril Le Gayic, le porte-parole de la CSIP. Difficile pourtant de ne pas constater que le préavis est porté par l’Union des travailleurs des hydrocarbures et signé à ce titre par Vetea Tehahetua, employé gréviste de la Société tahitienne des dépôts pétroliers (STDP) et porte-parole des grévistes dans le secteur des hydrocarbures. De même, ce préavis est transmis sous l’égide de la CSIP.
 
Dernière option
 
“C’est vrai que le préavis est porté par l’Union des travailleurs des hydrocarbures. Mais le gaz, c’est vraiment un domaine particulier. Le gaz a sa propre convention collective”, souligne cependant Cyril Le Gayic. “Ce n’est pas la même convention que dans les hydrocarbures liquides. Ce sont deux choses différentes.” Pour le leader syndical, ce préavis de grève chez Gaz de Tahiti a ses origines propres : “C’est un peu l’échec de onze mois de réunions mensuelles. La loi impose que l’employeur reçoive tous les mois les représentants du personnel pour aborder les problèmes qui sont constatés dans le fonctionnement de l’entreprise.” Entrevues qui, selon le leader syndical, se sont déroulées dans des conditions insatisfaisantes pour les représentants du personnel. “Arrivé à un moment donné, ils n’avaient plus d’autre option que d’en venir à déposer un préavis.”
 
“Ils se réveillent un peu tard”, admet pourtant Le Gayic. “Peut-être qu’ils ont vu que la grève dans les hydrocarbures commençait à donner des résultats et qu’ils ont décidé de se joindre au mouvement.”
 
Du côté de la grève en cours dans le secteur des hydrocarbures justement, la dernière rencontre organisée vendredi avec les représentants des employeurs n’a donné lieu qu’à des propositions verbales de la part de ceux-ci. Lundi, les syndicats attendaient toujours qu’elles leur soient transmises par écrit avant d’organiser une nouvelle rencontre : “J’ai senti un déblocage à la réunion que l’on a eue la semaine dernière au Cesec”, se félicite au demeurant Cyril Le Gayic. Mais il relativise tout de suite : “S’il avait eu lieu dès le début, on ne serait peut-être pas en grève aujourd’hui. On aurait suspendu pour poursuivre les négociations. Mais jusqu’à présent, on avait affaire à un refus ferme de la part des employeurs de considérer les demandes syndicales. Maintenant, les gars sont en grève. Allez les convaincre de cesser ce mouvement pour le peu qui a été lâché après trois semaines de grève. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils se contentent des petites avancées qui ont été concédées. Aujourd’hui, ils veulent plus.”
 
Quant à Gaz de Tahiti, la dernière grève qui avait affecté cette entreprise, en 2015, avait duré 34 jours et conduit à des ruptures d’approvisionnement en bonbonnes de gaz dans les stations-service et dans les archipels.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 8 Janvier 2024 à 16:21 | Lu 2632 fois