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Huit femmes, huit destins : portraits des Poerava 2023


Tahiti, le 15 juin 2023 - L'Union des femmes francophones d'Océanie (UFFO) organise ce vendredi sa traditionnelle remise de distinctions aux Poerava 2023, sous le fare pote'e de l'assemblée de la Polynésie française. En 2018, 2019, 2020, 2022, l’UFFO a choisi de mettre en avant huit Polynésiennes qui se démarquent par leur engagement, leur réussite, leur rayonnement et leurs initiatives dans des domaines divers ; ces femmes sont inspirantes pour les autres et contribuent ainsi à valoriser la femme polynésienne, à dynamiser le développement culturel, social et économique du fenua. L'UFFO remet ces distinctions aux femmes de Polynésie française qui se sont distinguées par leurs actions ou leur présence sur la scène entrepreneuriale ou associative du fenua. Tahiti Infos, en partenariat avec l'UFFO, vous propose les portraits des huit femmes actives qui seront mises à l'honneur ce vendredi matin à l'assemblée de la Polynésie française.

Aline Flore

Koui Len Yeun Long Meho, plus connue sous le nom d’Aline Flore a un long engagement associatif qu’elle considère comme “un sacerdoce”. Elle fait partie de ces femmes discrètes mais solides qui donnent une bonne partie de leur temps à des causes sociales et culturelles et font du tissu des associations une force de notre cohésion sociale, à l’image du tīfaifai dont les multiples pièces assemblées s’intègrent dans un ensemble harmonieux de couleurs et de formes.
 
Aline adhère à  l’association Te Vahine Porinetia et à son contact fait de belles rencontres, renoue avec la culture et la langue chinoises car jusque là “elle vivait à la tahitienne et ne connaissait pas les rites chinois”. Au sein de cette association, Aline prend des responsabilités et en devient présidente après le décès de Rose Jonc. Elle est aussi active dans l’Association Si Ni Tong qui regroupe des associations chinoises pour promouvoir leur culture d’origine et s’affirmer comme composante de la société polynésienne multiculturelle contemporaine. Te Vahine Porinetia est membre du Conseil des femmes de Polynésie française et tout aussi naturellement, Aline prend une part engagée dans ses activités et œuvres sociales, notamment dans la gestion de Pu O Te Hau, le foyer d’accueil des femmes victimes de violences. Là, elle fait d’autres rencontres qui l’enrichissent puisque le Conseil des femmes est composé d’associations d’horizons divers dont le point commun est de promouvoir et défendre les femmes. Sa récente nomination comme présidente du Conseil des femmes traduit la reconnaissance de son action.
 
En reconnaissance de son investissement personnel, Aline Flore a été faite chevalier dans l’ordre national du mérite. Pour son engagement, l’association UFFO l’a choisie pour être une des Poerava de l‘année 2023.
 

Celestine Hitiura Vaite

“L’arbre à pain”, “Frangipanier”, “Tiare” : la trilogie écrite par Célestine Hitiura Vaite est un succès international, publié dans près d’une vingtaine de pays, étudié dans des universités et reconnu par des prix littéraires. Avec l’histoire de Materena et de sa famille, le lecteur embarque pour la vraie vie des petites gens d’un quartier populaire de Tahiti : il en ressort rempli d’affection pour les personnages et leur histoire. Les étudiants de l’Université de la Polynésie Française lui ont attribué par deux fois leur prix littéraire.
 
Célestine la Polynésienne a puisé le réalisme si attachant de ses récits dans la force que lui a donné sa vie : les premières années à Fariipiti dans une famille aimante, auprès de sa marraine, Henriette Estall, une maison pleine de taties et de tontons, d’enfants, de feti’i de passage. Puis à Faa’a avec sa Maman. “Je prie pour que tout enfant connaisse cela, dit-elle : Je n’aurais pas pu écrire si je n’avais pas vécu dans cette grande famille.” L’amour et la solidarité ont été des valeurs fortes. Sa marraine lui a offert son premier livre pour répondre à son goût de la lecture. Puis Célestine a dévoré des livres pendant son enfance et son adolescence. Guy de Maupassant, Balzac, Zola ont nourri son imagination et l’ont aidée à écrire.
 
Célestine est une écrivaine connue de par le monde où elle a contribué à faire mieux connaître la Polynésie et les Polynésiens.
 

Élodie Lansun

Élodie Lansun est née à Papeete dans une famille chinoise commerçante, implantée depuis deux générations à Tahiti. Son grand-père avait un magasin de “curios”  sur le front de mer. Sa fibre commerciale l’a tout naturellement conduite à faire des études supérieures de commerce en France. L’ouverture aux autres et sur le monde, traduite par l’accueil, la générosité, le sens du service, a aussi imprégné son éducation et donc sa personnalité profonde. À cela s’ajoute un sentiment fort : “Dans mon cœur, je suis Polynésienne” ; le fenua est sa terre et elle l’aime. Le désir d’y revenir ne l’a pas quittée pendant ses années d’études pour, dit-elle, donner en retour à sa famille, à son pays ce qu’ils lui ont apporté : une éducation fondée sur le travail, la famille et la joie de vivre.
 
À son retour, elle devient directrice de Avis en Polynésie : elle a 25 ans, 35 salariés et 350 voitures à gérer ! Aujourd’hui elle est toujours à la tête de cette entreprise !
 
Mais après une dizaine d’années de management plutôt strict, Élodie est convaincue qu’il faut miser sur le potentiel des salariés et instaurer un projet collaboratif dans l’entreprise. S’ils sont formés et mis en confiance, les salariés contribuent à l’innovation grâce à leurs idées et leur implication. Au cours du temps, elle établit de nouvelles approches managériales et organisent des formations centrées sur l’humain qui permettent la mise place d’outils modernes dans l’activité et aussi de maîtriser le nécessaire changement. Cette façon d'inclure ses équipes, la fortifie en tant que leader, l'aide à partager sa vision entrepreneuriale et lui permet de tisser des collaborations avec d'autres entreprises, basées sur la confiance.

Henriette Kamia

Son parcours de vie révèle tant d’étapes, de responsabilités associatives et électives, de distinctions honorifiques que l’on pourrait penser qu’Henriette Kamia a vécu plusieurs vies ! Pourtant cette femme passionnée et volontaire a centré l’essentiel de ses engagements sur l’amélioration de la place accordée aux personnes porteuses de handicap en Polynésie. L’histoire retiendra qu’elle a réellement fait avancer cette cause.
 
Atteinte brutalement de cécité à l’âge de 19 ans alors qu’elle entamait une carrière d’enseignante, Henriette aurait pu tout lâcher et vivre une vie repliée sur son handicap. C’était sans compter sur sa force de caractère. Elle s’est battue chaque jour, pour elle d’abord afin de se prendre en charge, de s’adapter à sa nouvelle situation et d’être enseignante comme elle l’a toujours voulu. Après un séjour en France pour apprendre le Braille dans un établissement spécialisé, Henriette a dû être tenace auprès de l’administration pour obtenir le droit de passer un CAP (Certificat d’aptitude pédagogique) et faire reconnaître sa légitimité à enseigner aux enfants mal voyants ou aveugles. Ce qu’elle fera pendant trente années au sein du Cedop, le Centre d’éducation de l’ouïe et de la parole. Mais Henriette s’engage aussi pour les autres puisque sa sécurité personnelle et celle de son fils sont assurées par la conquête de son autonomie.
 
On l’a compris Henriette est une femme passionnée, persévérante et franche. Sa volonté d’autonomie, elle l’a aussi mise au service des Polynésiens porteurs de handicaps. Le changement de regard comme les progrès acquis au cours du temps lui doivent beaucoup. Au sein de la Fédération Te Niu o te Huma, comme dans la Fédération polynésienne des sports adaptés et handisports (FPSAH), Henriette a su fédérer autour d’elle le monde du handicap. Les Journées polynésiennes du handicap sont l’occasion annuelle d’évaluer les avancées.
 

Noelline Parker

Née à Papeete, troisième enfant d’une fratrie de six, Noelline Parker a découvert la vie associative à l’âge de 17 ans en intégrant les Scouts Liahona et elle ne l’a plus jamais quittée. Noelline est une Polynésienne aux engagements multiples au service de la jeunesse, du sport et de causes sociales.
 
Après avoir exercé 17 ans comme institutrice en maternelle, elle reprend des études à l’Université de Polynésie, obtient son Capes d’anglais et enseignera 10 ans au collège Henri Hiro. En 2001, elle rencontre Reynald Temarii et devient sa directrice de cabinet au ministère de la Jeunesse et des Sports. S’ensuit toute une série de défis personnels et professionnels qui, selon ses mots, lui donneront “autant d’opportunités de grandir et d’augmenter son potentiel.
 
Noelline découvre le monde du sport et acquiert des compétences en matière d’organisation et de mise en réseau. Elle participe à l’organisation d’événements majeurs tels que la coupe du monde de beach soccer en 2013, les championnats du monde de va’a en 2017. Elle est aujourd’hui présidente du comité organisateur des Jeux du Pacifique qui se tiendront à Tahiti en 2027.
 
En parallèle, Noelline est engagée dans de nombreuses associations : elle a été présidente de l’Union polynésienne de la Jeunesse (UPJ) pendant 7 ans et a organisé en 2006 le Festival international de la Jeunesse ; elle a siégé 4 ans au Cesec au titre des associations de Jeunesse et depuis 2015 elle fait partie de l’association d’aide aux victimes Te Rama Ora (l’Apaj). Cette liste d’engagements doit être complétée par l’organisation de deux tentatives de record du monde de ukulele, en 2015 et en 2018.
 
Aujourd’hui Chevalier dans l’Ordre de Tahiti Nui, Noelline souhaite avant tout continuer à promouvoir la paix, la tolérance, la diversité, le vivre ensemble.

Stella Taaroamea

Huit femmes, huit destins : portraits des Poerava 2023
Le parcours professionnel de Stella Taaroamea l’a conduite à être aujourd’hui la première Polynésienne rédactrice en chef de Polynésie la 1ère TV, radio et web. Au fil des années elle a gravi les échelons et occupé les différentes fonctions de l’audiovisuel public à force de travail et d’engagement.
 
Stella,  née à Papeete, a grandi près de la rivière Fautaua dans le quartier Smith – aujourd’hui appelé Vaitavatava – dans un environnement familial protestant rattaché à la paroisse de Taunoa où elle fréquente l’École du dimanche.
 
Stella n’avait jamais envisagé d’être journaliste ! Ne pouvant projeter de faire des études supérieures à l’étranger par manque de moyens, elle envisageait de devenir hôtesse de l’air et de voyager. Son baccalauréat en poche, elle hésite un peu à accepter à 19 ans un poste de pigiste à RFO qui lui est proposé en raison de sa connaissance du reo Tahiti. Après avoir été la première journaliste polynésienne à présenter le journal télévisé en tahitien en 1991 elle occupe 32 ans après les fonctions de rédactrice en chef à Polynésie la 1ère.
Son parcours remarquable n’aurait pu exister, dit-elle, sans le soutien de professionnels comme Eugène Roe ou Thomas Teriiteporoarai qui est à l’origine de son entrée à RFO. De même elle est reconnaissante envers tous les directeurs de la chaîne – aujourd’hui Polynésie la 1ère – qui ont repéré son  potentiel, lui ont fait confiance, tous portés par des valeurs qui lui parlent comme l’empathie, l’humanité.
 

Victoire Laurent

Au fil du temps, Victoire Laurent est devenue une préférence dans le domaine de la météorologie en Polynésie tant pour le grand public et que pour la communauté des scientifiques du Pacifique Sud.
Née à Papeete, Victoire a connu plusieurs déménagements dans sa jeunesse en raison de la carrière militaire de son père. De retour à Tahiti où elle obtient un bac Biologie et Mathématiques, Victoire recherche un métier dans le domaine scientifique et intègre l’équipe des météorologistes de Météo-France à Tahiti comme aide-technicienne.  Elle fait ses armes et accumule de l’expérience en occupant des postes dans les stations installées dans les différents archipels, avant de rejoindre le siège à Tahiti. Elle est la première en Polynésie à avoir réussi le concours d’ingénieur de la météorologie en 2001. Aujourd’hui Victoire dirige la division Études et climatologie au sein de la station Météo-France en Polynésie française.
 
Victoire aime étudier, partager ses connaissances et transmettre comme lors de cours à l’université ou l’accueil d’étudiants dans son service.
 
Enfin Victoire Laurent est 3e adjointe de la commune de Faa’a, en charge de l’éducation, de l’emploi et du secteur primaire. Ces responsabilités lui ont permis de mieux comprendre les difficultés à joindre les deux bouts de nombre de familles polynésiennes. Pour elle, le travail, l’assiduité, l’écoute et la connaissance des dossiers sont nécessaires à la réussite de ces responsabilités.
 

Natacha Helme

En 2020 Natacha Vahineura Helme succédait à Patricia Grand à la présidence du Comité polynésien de la Ligue de lutte contre le cancer. Depuis cette date elle met son énergie et son engagement au service de cette cause, pour venir en aide aux personnes atteintes de cancer mais aussi pour encourager les Polynésiens à recourir au dépistage et à la prévention.
Comme beaucoup d’enfants au fenua, Natacha a été élevée par ses grands-parents. Sa confrontation avec le cancer a pris une forme personnelle lorsque son grand-père, âgée de 80 ans a été atteint par un cancer de la gorge qu’il refusait d’admettre.
 
Cette prise de conscience a impulsé chez elle le désir de donner de son temps à l’association. Alors que son projet était au départ de “se limiter à faire du bénévolat”, elle prend rapidement des responsabilités en devenant vice-présidente du Comité polynésien de la Ligue puis présidente en 2020, au départ de Patricia Grand qui s’était fortement et longuement investie.
 
Ces diverses expériences professionnelles et associatives, son implication dans son église lui ont apporté des connaissances dans des domaines diversifiés, dans le fonctionnement des institutions ainsi qu’un réseau de relations utiles aujourd’hui pour développer son action au sein de la Ligue. “J’ai toujours un ami, une amie quelque part pour ouvrir les portes nécessaires.”

Rédigé par Thibault Segalard le Vendredi 16 Juin 2023 à 11:11 | Lu 3334 fois