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Hinatea Luyssen, prof. version geek


Hinatea Luyssen, prof. version geek
TAHITI, le 8 septembre 2021 - Professeure des écoles à Faa’a, Hinatea Luyssen crée des ressources pour les élèves, parents et enseignants du territoire. Elle nourrit un blog et anime une page Facebook baptisés L’Univers de Hinatea. Mais avant d’en arriver là, elle a vécu en métropole, aux États-Unis, a été vendeuse, formatrice… Elle raconte son parcours atypique qu’elle n’a cessé de réinventer.

Hinatea Luyssen a été professeure de français et assistante pédagogique à l’étranger. Elle est désormais de retour chez elle, à Tahiti en tant que professeure des écoles à Faa'a. En parallèle, Hinatea anime un blog et une page Facebook, L'univers de Hinatea. Elle y partage des ressources et des astuces pour les enfants, parents et enseignants. "Je suis pour le partage de ressources et d'astuces qui, pour moi, est essentiel dans l’intérêt des enfants", écrit-elle sur sa page Facebook. Son contenu est accessible gratuitement. Un support bien utile en ces temps de confinement et de continuité pédagogique.

"Je suis pour une école du futur avec une pédagogie active, innovante, différenciée et positive en classe, une ouverture sur le numérique avec des dispositifs innovants ; une école où les élèves sont acteurs de leurs apprentissages. Je suis pour une école plurilingue où se mêlent français, tahitien et anglais. C’est là toute ma vision de l’école", précise Hinatea Luyssen.

Un parcours atypique

"Ce que j’ai fait avant d’en arriver là ?", reprend Hinatea Luyssen, "différentes choses. J’ai un parcours atypique". À l’issue de son baccalauréat obtenu au lycée Paul Gauguin, elle s’est inscrite dans une école à Nice pour obtenir un diplôme universitaire de technologie (DUT devenu le BUT). Elle rêvait de devenir commerciale. "Je me voyais chef de produits chez Chanel."

Son DUT en poche, elle ne savait finalement plus trop où aller. Elle a pris le temps de réfléchir à ses projets, s’est remise en question. Elle a pris des cours d’anglais et a cherché du travail. "J’ai commencé par un métier accessible : vendeuse." Rapidement, elle a évolué dans la société qui l’employait. Elle a fait du merchandising, plaçant savamment les produits en boutique. Elle a aussi formé d’autres salariés. "Mais tout cela m’a dérangé, car je voyais bien que les chiffres passaient avant l’humain. J’avais 28 ans et je voulais autre chose."

Elle est tombée enceinte, a eu un fils qui a sans doute été un déclic pour la suite. "Ma profession n’était plus compatible, selon moi, avec une vie de famille. Cela a été une nouvelle remise en question." Alors, Hinatea Luyssen a changé de voie, elle est repartie à zéro. Elle a suivi et obtenu un CAP petite enfance, espérant devenir agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) dans une école. "En Polynésie, ce sont les équivalents de nos taties."

Elle a intégré une classe en tant qu’Atsem et a eu tout le loisir d’observer et d’écouter les maîtresses. "Je me suis dit alors que j’étais moi-même capable d’être maîtresse. Je voulais faire les cours, ce que j’entendais ne me convenait pas toujours." Pourtant, petite, voyant sa propre mère enseignante travailler dur, Hinatea Luyssen s’était juré de ne pas faire ce métier. "Ça bouffe la vie !" La vie, pourtant, l’a mise sur les rails de l’éducation nationale. "J’ai une fois encore repris mes études. Je me suis lancée, à distance, dans une licence mention sciences de l’éducation."

"Que faire maintenant ? "

À l’époque, Hinatea Luyssen vivait à Montpellier. Elle a pu faire valoir son DUT, gagnant quelques années. Elle a trouvé un poste dans une école bilingue alternative. "Une école tenue par une directrice qui m’a fait comprendre que j’avais tout à fait ma place dans ce milieu." Alors qu’elle gagnait confiance en elle et prenait conscience de son intérêt pour l’enseignement, elle a dû tout quitter pour suivre son mari, muté aux États-Unis. "Nous y sommes restés trois ans, avons vécu sur la côte Est puis sur la côte Ouest. Je me suis dit, en arrivant en Amérique, que faire maintenant ?"

Sa licence en poche elle s’est alors dit : "Pourquoi ne pas obtenir un master en langue étrangère ?" Un nouvel objectif qu’elle a atteint. En parallèle, elle a donné des cours dont un certain nombre en ligne, ce qui l’a un peu plus familiarisé avec l’enseignement à distance et les outils informatiques. Après l’Amérique, elle a repris la direction de la métropole, s’installant en famille à la frontière suisse où elle a également donné des cours. "J’avais beaucoup d’étrangers et je récupérais des enfants en grandes difficultés." Un défi de plus qu’elle a relevé. Et puis, à 40 ans, Hinatea Luyssen a senti l’appel du pays. "Mon envie de rentrer était trop forte." Elle est arrivée à Tahiti, sans emploi, avec son mari qui avait également tout quitté pour la suivre.

Que faire ? La question est revenue. La même réponse a été donnée. "Me former, encore", s’amuse Hinatea Luyssen. Elle s’est retrouvée sur les bancs de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espe) "à côté de jeunes de 20 ans. Il a fallu que je m’adapte !" Elle a obtenu son concours en 2019. Elle est titulaire de son poste pour la deuxième année consécutive. Elle a opté pour l’enseignement en maternelle et primaire. Cette année, elle a une classe de CM2.

"Je suis une petite geek"

Lors du premier confinement, Hinatea Luyssen, alors stagiaire, n’avait pas de classe attitrée. Mais elle a voulu aider. "J’avais du temps et l’expérience du travail en ligne." Pour ses collègues, elle s’est mise à chercher des ressources numériques. "Ce qui m’a beaucoup plu, je suis une petite geek en fait. Je passe beaucoup de temps sur internet à chercher des informations. Cela ne me demande aucun effort." Elle parvient toujours à se frayer des chemins vers des documents, jeux, exercices, vidéos susceptibles d’intéresser les élèves. Elle s’est mise à récolter "tout ce qui pouvait servir en période de confinement", des exercices en lien avec le programme, mais également des jeux pédagogiques, des recettes, du coloriage. "Tout ce qui permettait de faire gagner un peu d’autonomie aux enfants."

Elle restait néanmoins frustrée de ne pas avoir sous la main de ressources locales qui parleraient aux enfants de Polynésie. Elle s’est mise à produire elle-même du contenu. À l’issue du confinement, elle a eu le sentiment d’avoir été utile.

Elle a été très surprise de constater que les enseignants, enfants, parents étaient de plus en plus nombreux à découvrir et apprécier ses créations. "Je pensais sincèrement que tout cela resterait discret et confidentiel." La fin du confinement n’a donc pas mis un terme à son projet. Son blog est plus vivant que jamais. "Il est un peu devenu mon journal intime. J’aime communiquer, dire ce que je pense, partager mes raisonnements, mes idées…" Elle fait part de ses interrogations, décrit son quotidien, présente ses solutions. "Je reçois des messages très positifs."

"Je m’éclate", assure-t-elle. "L’essentiel, c’est d’être bien dans ses baskets, de se trouver là où tu as envie d’être." Elle a été seule souvent, étudiant ou travaillant à distance, elle a dû faire de très nombreux choix, elle a douté régulièrement. Pour surmonter tout cela, elle a adopté un credo. "J’essaie de croire en ma bonne étoile, de faire confiance en la vie."

L’aventure continuera "tant qu’il y aura du bon ! Le corps enseignant a besoin de se rassembler." Cette année, elle a lancé une édition papier de ses contenus, sur demande, pour ses collègues qui le souhaitent. Elle le donne à qui veut. "Je sais que ce que je fais n’est pas idéal, mais il sert et permet d’avancer. Au diable la perfection, qu’on reste investi et, surtout, qu’on donne ! "

Contacts

Mail : [email protected]
FB : L’univers de Hinatea
[Blog]url:http://lunivers-de-hinatea.com de Hinatea

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 8 Septembre 2021 à 18:06 | Lu 5985 fois