Tahiti Infos

Heures sup' : 481 recours d'enseignants polynésiens


Tahiti, le 30 janvier 2023 – Pas moins de 481 recours indemnitaires ont été déposés devant le tribunal administratif de Papeete par des enseignants polynésiens du premier degré qui estiment effectuer 2 heures d'enseignement hebdomadaires supplémentaires que leurs collègues de Métropole. Pas si on compte les autres heures de “missions diverses” a rappelé la rapporteure publique du tribunal qui a conclu au rejet des requêtes…
 
C'est une procédure assez inédite – sur le fond, comme sur la forme – qui n'a pas connu pour l'heure beaucoup d'écho médiatique au fenua. Pas moins de 481 recours indemnitaires ont été déposés il y a quelques mois par des enseignants polynésiens du premier degré – écoles maternelles et primaires – devant le tribunal administratif de Papeete. Plus petite juridiction administrative de France, l’instance n'est évidemment pas dimensionnée pour examiner individuellement toutes ces requêtes d'un seul coup. Aussi va-t-elle traiter ce dossier comme une “série”. C’est-à-dire que le tribunal administratif a d'abord audiencé, mardi dernier, trois premiers recours d'enseignants, qui demandent en moyenne près de 15 millions de Fcfp d'indemnités chacun, afin de prendre une décision de principe sur ces recours identiques. Le tribunal attendra ensuite qu'une jurisprudence soit fixée par sa décision, ou éventuellement par la cour administrative d'appel de Paris, voire par le Conseil d'État. Ce n'est qu'à la suite de ces étapes qu'il rendra une série des 478 décisions restantes par ordonnance en suivant la jurisprudence. Voilà pour la forme.
 
24 contre 27 heures…
 
Sur le fond maintenant, les 481 enseignants affectés en Polynésie française demandent l'engagement de la responsabilité du Pays et de l'État sur le préjudice qu'ils estiment né d'une différence de temps de travail hebdomadaire avec leurs collègues de métropole. En effet, les enseignants polynésiens font valoir qu'en application de l'arrêté du Pays du 24 juillet 1996, la durée hebdomadaire de scolarité dans les écoles polynésiennes consiste en : “des semaines de 27 heures de cours, alternées de 9 semaines prévoyant un volume de cours de 23h30 suivi d'une demi-journée de concertation pédagogique”. Or le décret national de 2008 relatif “aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré” prévoit un “service d'enseignement de 24 heures hebdomadaire„” sur l'ensemble de l'année scolaire.
 
Les enseignants polynésiens estiment donc accomplir en moyenne deux heures d'enseignement hebdomadaire en plus de leurs obligations de service prévues par le décret national de 2008. Et ils insistent sur le fait qu'ils ne bénéficient d'aucune compensation pour les heures supplémentaires qu'ils estiment accomplir. Chacun des 481 enseignants requérants a donc calculé le manque à gagner ces dernières années à raison de deux heures supplémentaires par semaine. La facture est salée. En extrapolant après les trois premiers recours à 15 millions de Fcfp chacun, on atteint plus de 7 milliards de Fcfp de préjudice… Mais même si l'État et le Pays ont soulevé en défense qu'une prescription quadriennale devait s'appliquer sur ces demandes indemnitaires, le tribunal a choisi de répondre sur le fond sans même s'attarder sur ce dernier point de procédure.
 
… mais 3 heures de plus
 
Dans ses conclusions rendues mardi dernier à l'audience du tribunal administratif, la rapporteure publique qui s'est intéressée aux trois premiers recours des enseignants polynésiens a commencé par rappeler qu'en raison du partage de compétence sur l'Éducation entre le Pays et l'État, il n'est pas anormal que la nature des obligations hebdomadaires de service que les personnels enseignants du premier degré sont tenus d'assurer en Polynésie française diffère de celle applicable aux enseignants affectés en métropole”. Mais surtout, la magistrate a fait remarquer que le décret national de 2008 qui fixe les 24 heures de service d'enseignement hebdomadaire prévoit “qu'en plus” les enseignants doivent assurer 108 heures annuelles  – soit 3 heures par semaine – de “missions diverses telles que les activités pédagogiques complémentaires, les travaux en équipes pédagogiques, l'élaboration et le suivi des projets personnalisés de scolarisation pour les élèves handicapés, les actions de formation ou encore la participation aux conseils d'école obligatoires”.
 
Pour la rapporteure publique, ce décompte d'obligations de service aboutit donc “dans les deux cas”, au niveau national comme au niveau local, à une “obligation de service réglementaire de 27 heures par semaine et de 972 heures annuelles”. Le volume d'heures annualisé est donc le même et seule la répartition de ces heures diffère, comme la répartition des compétences le permet à la Polynésie française. “Dans ces conditions, les requérants, ne [peuvent] à notre sens être regardés comme accomplissant un service supplémentaire non rémunéré”, conclut la magistrate. La décision du tribunal sera rendue le mardi 7 février prochain. Mais vu l'enjeu, notamment financier, il y a fort à parier que les enseignants fassent appel à Paris si le tribunal devait suivre sa rapporteure. Le dossier devrait donc encore faire parler de lui.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 30 Janvier 2023 à 19:19 | Lu 2500 fois