Sainte-Rose, France | AFP | jeudi 01/12/2021 - Les voitures sont garées par centaines sur le bas-côté en amont, les habitants passent à pied, pour se ravitailler, aller travailler ou toute autre activité. Impossible de traverser l'épais barrage du pont de La Boucan, bastion de la contestation qui secoue la Guadeloupe depuis deux semaines.
Des carcasses de voitures brûlées, des débris en tous genres parfois enflammés ou encore une benne à ordures renversée bloquent l'entrée du pont, qui enjambe la Grande Rivière, plus long cours d'eau de l'île, à Goyave.
Seul point d'accès par le sud à Sainte-Rose, commune de la Basse Terre qui se retrouve enclavée (l'entrée par le nord est également barrée), le passage est surveillé par des hommes pour certains cagoulés.
Il faut montrer patte blanche pour entrer dans la "République de la Boucan", surnom donné - avec humour - par ceux qui contrôlent la succession de barrages jusqu'au centre-vile de Sainte-Rose.
Ils ont chassé la maire, Claudine Bajazet, déclarée inéligible pour 30 mois, en mai, pour ne pas avoir respecté la réglementation en terme de comptes de campagne. Elle a fait appel, suspensif, devant le Conseil d'Etat.
"Une vingtaine de barrages, sur 8 km", mènent jusqu'au bourg, selon Ludovic Tolassy, porte-parole du mouvement Moun Gwadloup et qui sert justement sur place d'"accréditation" aux médias.
Certains barrages sont gardés en permanence, certains constitués de débris, frigos et autres voitures calcinées, d'autres uniquement de pneus.
"Les carcasses peuvent être poussées par les blindés (des forces de l'ordre), par contre ils sont obligés d'attendre face à un mur de feu, qu'il s'éteigne. Ca laisse le temps de s'organiser" explique à l'AFP Ludovic Tolassy.
Les barrages peuvent être renforcés par des provisions cachées dans les ruelles adjacentes, pierres, pneus, bouteilles, palettes ou appareils électroménagers, en cas de venue des forces de l'ordre.
Ludovic Tolassy assure qu'elles ne seraient pas reçues "par des tirs à balles réelles".
Il balaie aussi la rumeur, invérifiable, selon laquelle des bouteilles de gaz, servant d'explosifs, attendraient les impétrants: "Vu le prix (27 euros, NDLR), vous croyez que les habitants l'utiliseraient pour ça?"
Cordons sanitaire et alimentaire
Alors qu'ont été débloqués (temporairement ?) la quasi-totalité des barrages de Guadeloupe, les contestataires de La Boucan se disent prêts à tenir longtemps.
Leurs revendications dépassent largement le retrait de l'obligation vaccinale pour les pompiers et soignants et du pass sanitaire, point de départ de la crise qui secoue l'île.
Pêle-mêle, ils dénoncent comme ailleurs le coût de la vie, le fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, le manque d'accès à l'eau potable et des conditions de vie précaires.
Chauffeur routier, un homme cagoulé qui refuse de donner son prénom gagnait "3.000 euros en métropole". "Je suis revenu car j'aime trop mon pays. Je gagne 1.200 euros ici pour le même métier, alors que la vie est plus chère. Il y a un problème", ajoute ce père de sept enfants.
La détermination est là, alors que les 20.000 habitants de Sainte-Rose commencent à manquer de tout.
"La population nous a demandé de continuer la lutte, mais d'aménager des passages, pour ne pas être trop pénalisés. Les agriculteurs avaient aussi besoin de sortir leur récolte", explique Yanis, âgé d'une trentaine d'années.
Le dispositif a donc été assoupli depuis mardi.
Pompiers, Samu et ambulances, auparavant obligés de transférer leurs patients de part et d'autre du pont de La Boucan, peuvent désormais circuler librement.
Personnels soignants et médecins ont eux la permission de 18h, alors que les livraisons sont autorisées selon les besoins de la population: des premiers camions, ravitaillant en gaz, essence et nourriture, ont pu entrer mardi.
Ils ont auparavant été dûment inspectés pour vérifier que des forces de l'ordre n'y étaient pas cachées. "Ca devient un peu un truc de parano" reconnaît Ludovic Tolassy.
Une nouveau "cordon alimentaire" est mis en place jeudi, d'autres suivront probablement.
"Aucune prise" des syndicats
Cet assouplissement a été voté. "Sur chaque barrage, il y a des personnes assez représentatives de la population sainte-rosienne. On se réunit en démocratie pour prendre des décisions, sur le fonctionnement, la suite de la contestation", affirme Ludovic Tolassy.
Quelle forme prendra-t-elle, justement ? Moun Gwadloup, à la pointe du combat dans "La République du Boucan", fait le voeu d'une coordination entre les différents barrages.
Connu depuis une poignée d'années pour ses actions coups de poing, ce mouvement citoyen radical se place en dehors des négociations, pour l'instant au point mort, entre le gouvernement, l'intersyndicale et les élus locaux.
"Contrairement à 2009, le mouvement n'est pas parti d'eux. Les syndicats n'ont aucune prise sur les barrages", estime Ludovic Tolassy.
Gina, vieille militante, avait activement participé à cette dernière grande mobilisation sociale, longue de 44 jours.
"C'était extraordinaire" se souvient-elle, montrant fièrement une photo d'elle en action.
"2009 était plus un mouvement de syndicats", acquiesce-t-elle, admirant "cette espèce de hargne de la jeunesse", depuis sa maison en contrebas du pont de La Boucan où continue la transhumance des habitants.
Des carcasses de voitures brûlées, des débris en tous genres parfois enflammés ou encore une benne à ordures renversée bloquent l'entrée du pont, qui enjambe la Grande Rivière, plus long cours d'eau de l'île, à Goyave.
Seul point d'accès par le sud à Sainte-Rose, commune de la Basse Terre qui se retrouve enclavée (l'entrée par le nord est également barrée), le passage est surveillé par des hommes pour certains cagoulés.
Il faut montrer patte blanche pour entrer dans la "République de la Boucan", surnom donné - avec humour - par ceux qui contrôlent la succession de barrages jusqu'au centre-vile de Sainte-Rose.
Ils ont chassé la maire, Claudine Bajazet, déclarée inéligible pour 30 mois, en mai, pour ne pas avoir respecté la réglementation en terme de comptes de campagne. Elle a fait appel, suspensif, devant le Conseil d'Etat.
"Une vingtaine de barrages, sur 8 km", mènent jusqu'au bourg, selon Ludovic Tolassy, porte-parole du mouvement Moun Gwadloup et qui sert justement sur place d'"accréditation" aux médias.
Certains barrages sont gardés en permanence, certains constitués de débris, frigos et autres voitures calcinées, d'autres uniquement de pneus.
"Les carcasses peuvent être poussées par les blindés (des forces de l'ordre), par contre ils sont obligés d'attendre face à un mur de feu, qu'il s'éteigne. Ca laisse le temps de s'organiser" explique à l'AFP Ludovic Tolassy.
Les barrages peuvent être renforcés par des provisions cachées dans les ruelles adjacentes, pierres, pneus, bouteilles, palettes ou appareils électroménagers, en cas de venue des forces de l'ordre.
Ludovic Tolassy assure qu'elles ne seraient pas reçues "par des tirs à balles réelles".
Il balaie aussi la rumeur, invérifiable, selon laquelle des bouteilles de gaz, servant d'explosifs, attendraient les impétrants: "Vu le prix (27 euros, NDLR), vous croyez que les habitants l'utiliseraient pour ça?"
Cordons sanitaire et alimentaire
Alors qu'ont été débloqués (temporairement ?) la quasi-totalité des barrages de Guadeloupe, les contestataires de La Boucan se disent prêts à tenir longtemps.
Leurs revendications dépassent largement le retrait de l'obligation vaccinale pour les pompiers et soignants et du pass sanitaire, point de départ de la crise qui secoue l'île.
Pêle-mêle, ils dénoncent comme ailleurs le coût de la vie, le fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, le manque d'accès à l'eau potable et des conditions de vie précaires.
Chauffeur routier, un homme cagoulé qui refuse de donner son prénom gagnait "3.000 euros en métropole". "Je suis revenu car j'aime trop mon pays. Je gagne 1.200 euros ici pour le même métier, alors que la vie est plus chère. Il y a un problème", ajoute ce père de sept enfants.
La détermination est là, alors que les 20.000 habitants de Sainte-Rose commencent à manquer de tout.
"La population nous a demandé de continuer la lutte, mais d'aménager des passages, pour ne pas être trop pénalisés. Les agriculteurs avaient aussi besoin de sortir leur récolte", explique Yanis, âgé d'une trentaine d'années.
Le dispositif a donc été assoupli depuis mardi.
Pompiers, Samu et ambulances, auparavant obligés de transférer leurs patients de part et d'autre du pont de La Boucan, peuvent désormais circuler librement.
Personnels soignants et médecins ont eux la permission de 18h, alors que les livraisons sont autorisées selon les besoins de la population: des premiers camions, ravitaillant en gaz, essence et nourriture, ont pu entrer mardi.
Ils ont auparavant été dûment inspectés pour vérifier que des forces de l'ordre n'y étaient pas cachées. "Ca devient un peu un truc de parano" reconnaît Ludovic Tolassy.
Une nouveau "cordon alimentaire" est mis en place jeudi, d'autres suivront probablement.
"Aucune prise" des syndicats
Cet assouplissement a été voté. "Sur chaque barrage, il y a des personnes assez représentatives de la population sainte-rosienne. On se réunit en démocratie pour prendre des décisions, sur le fonctionnement, la suite de la contestation", affirme Ludovic Tolassy.
Quelle forme prendra-t-elle, justement ? Moun Gwadloup, à la pointe du combat dans "La République du Boucan", fait le voeu d'une coordination entre les différents barrages.
Connu depuis une poignée d'années pour ses actions coups de poing, ce mouvement citoyen radical se place en dehors des négociations, pour l'instant au point mort, entre le gouvernement, l'intersyndicale et les élus locaux.
"Contrairement à 2009, le mouvement n'est pas parti d'eux. Les syndicats n'ont aucune prise sur les barrages", estime Ludovic Tolassy.
Gina, vieille militante, avait activement participé à cette dernière grande mobilisation sociale, longue de 44 jours.
"C'était extraordinaire" se souvient-elle, montrant fièrement une photo d'elle en action.
"2009 était plus un mouvement de syndicats", acquiesce-t-elle, admirant "cette espèce de hargne de la jeunesse", depuis sa maison en contrebas du pont de La Boucan où continue la transhumance des habitants.