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Greffes : vos dons d'organes sauvent des patients polynésiens


Une greffe de rein au CHU d'Amiens
Une greffe de rein au CHU d'Amiens
PAPEETE, le 14 novembre 2014 - Le Professeur Méjean, médecin chef du service d'urologie de l'Hôpital Georges Pompidou à Paris, a déjà réalisé sept greffes rénales en Polynésie, sauvant autant de patients. À l'occasion de son dernier voyage, il était l'invité d'honneur d'une conférence qui a fait salle comble. Il nous raconte sa démarche.

Il y a un an, le 8 octobre 2013, le professeur Méjean réalisait avec Stéphane Leroux du CHPF la première greffe rénale prélevée sur un donneur vivant en Polynésie. Depuis, ce sont 7 patients qui ont bénéficié de cette procédure qui a transformé leur vie, et 4 autres ont reçu un rein de patients en état de mort cérébrale.

À l'occasion de son retour à Tahiti pour une nouvelle mission, le professeur Méjean a été invité par l'association Proscience (à l'origine de la Fête de la Science chaque année) pour donner une conférence mercredi dernier, qui a fait salle comble. Entretien :


Le professeur Méjean lors d'une rencontre avec l'association Proscience
Le professeur Méjean lors d'une rencontre avec l'association Proscience
De quoi a traité votre conférence ?
En fait, je suis à Tahiti pour réaliser ma troisième mission et greffer 4 nouveaux patients. C'est aussi l'anniversaire de la première greffe à partir d'un donneur vivant en Polynésie. À l'occasion, l'association Proscience m'a invité pour une conférence. Elle s'est très bien passée, elle avait pour but d'expliquer comment fonctionne un rein, comment le garder en bonne santé, mais aussi expliquer ce qu'est l'insuffisance rénale, la dialyse et la greffe.

Sachant qu'il y a plusieurs moyens d'obtenir des greffons. Soit à partir de donneurs vivants, ce qui est largement préférable, soit avec les patients en état de mort encéphalique. Et donc là, j'ai précisé très clairement que les croyances, les on-dit, les histoires selon lesquelles quelqu'un se réveille (en pleine opération)... sont des croyances absolument stupides, et aujourd'hui on a une fiabilité à 100% pour affirmer qu'un patient est en état de mort cérébrale.


Vous dites aux Polynésiens de faire la démarche de se déclarer donneur ?
L'idée est qu'il y a un effort collectif qui est fait par les associations et l'hôpital pour communiquer sur les greffes de son vivant et les greffes en état de mort encéphalique. Toutes les religions de Polynésie ont accepté le principe de prélever les organes de patients en mort encéphalique. Aujourd'hui, tous les feux sont au vert pour promouvoir les greffes. Après cette démarche collective, il faut qu'un effort individuel soit fait par chacun pour se prononcer sur son choix personnel, ce qui aidera les proches à se prononcer en cas de décès. Actuellement toutes les greffes en Polynésie se font grâce à des donneurs polynésiens.

Quels sont les besoins en Polynésie ? Une dizaine de greffes par an seront suffisantes ?
Non. Ce qu'il faut savoir que la population polynésienne a une prévalence, c'est-à-dire un taux d'insuffisance rénale, très importante. Elle est due à l'obésité, à l'hypertension, au diabète et à des maladies génétiques. Elles ne sont pas toujours bien traitées, et le taux d'insuffisance rénale terminale, notamment, est importante. L'accès à la dialyse est compliqué, surtout dans les îles lointaines. Véritablement, pour tous ces gens-là, qui ont des fratries en plus, le but est vraiment de promouvoir la greffe de donneur vivant qui leur permet de sortir de cette contrainte épouvantable qu'est la dialyse.

On considère actuellement qu'il y aurait 200 patients qui seraient en insuffisance rénale terminale et 68 patients sont en attente de greffe. Mais cette population va augmenter.


Vit-on bien avec une greffe ?
On vit très bien avec une greffe. On vit avec des médicaments qui sont très importants à prendre, qui peuvent certes provoquer des effets secondaires mais qui dans la majorité des cas sont bien tolérés, d'autant qu'il y en a une large gamme. Et pour les patients qui donnent un rein, le taux de survie est similaire à ceux qui n'ont pas donné de rein, et leur taux d'insuffisance rénale est à peine plus important que des patients similaires qui ont leurs deux reins.

Je veux surtout insister sur l'importance, pour tous ceux qui ont dans leur entourage un patient sous dialyse, de lui parler et de ne pas hésiter à essayer de savoir ce qu'il ressent, et qui dans son entourage serait amené à lui offrir ce don extraordinaire de la vie. Et pour ceux qui ne sont pas dans cette situation, que chacun se positionne pour savoir si, par hasard il était amené à avoir un accident ou une maladie qui malheureusement le conduirait en état de mort encéphalique, quelle serait sa position vis-à-vis du prélèvement et du don d'organes.


Le professeur Méjean sera de retour l'année prochaine pour réaliser de nouvelles greffes.

Si je suis donneur va-t-on me prélever un organe alors que j'ai une chance, même minuscule, de me réveiller ?
Les procédures sont très strictes pour le prélèvement d'organes sur les donneurs en état de mort cérébrale. La famille devra donner son accord, et pour être certain que le cerveau du patient est effectivement mort, un scanner est réalisé en plus de tous les autres tests. Le scanner et les autres tests prouvent aux médecins que le cerveau n'est plus alimenté en sang et en oxygène, qu'il n'a plus aucune activité électrique ni aucune vascularisation.

La différence entre un état végétatif, où le cerveau est endommagé mais encore vivant, et l'état de mort cérébral est médicalement très clair. Lorsqu'après un accident un œdème bloque l'alimentation en sang frais du cerveau, celui-ci meurt en un peu plus de trois minutes. Si cela ce produit, le patient n'a plus aucune chance de s'en remettre et son cœur ne continuera de battre qu'avec l'assistance des machines.

Qui peut donner un rein de son vivant ?
Le don d'organe de son vivant est très réglementé. La vente d'un organe est strictement prohibée, et même le don est limité pour éviter les abus possibles. Il est possible d'offrir un rein à un membre de sa famille, à son conjoint (même pacsé), et désormais également à un ami à condition de pouvoir justifier d'au moins deux ans de relation amicale.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 14 Novembre 2014 à 13:25 | Lu 1612 fois