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Gilbert Chaussoy, une vie d'artiste entre terre et mer


Gilbert Chaussoy était un mordu de pêche hauturière. Ses tableaux représentent nombre de scènes de vie locale avec la mer comme source principale d'inspiration. (Photo : DR)
Gilbert Chaussoy était un mordu de pêche hauturière. Ses tableaux représentent nombre de scènes de vie locale avec la mer comme source principale d'inspiration. (Photo : DR)
PAPEETE, le 22 juillet 2015 - Le peintre et musicien originaire de Raiatea, fils de Joseph Chaussoy, nous a quittés mardi 21 juillet. Retour sur la carrière haute en couleur d'un artiste accompli, bien connu au fenua et dont la mer était la principale source d'inspiration.


Né le 30 janvier 1969, à Raiatea, Gilbert Chaussoy a grandi dans un univers artistique. Son papa, Joseph Chaussoy, peintre reconnu en Polynésie qui a appris son art auprès d'Herman Gouwe, lui a en effet transmis la passion de la création, ainsi qu'à son jeune frère Evrad. Un talent que possède également l'un des cinq enfants de Gilbert, sa fille Raina Chaussoy, reconnue en Nouvelle-Calédonie.

Gilbert Chaussoy mettait surtout en lumière des scènes de la vie locale sur ses toiles en acrylique et utilisait principalement la technique du couteau. L'artiste était un fervent défenseur de la culture polynésienne et aimait particulièrement peindre le monde de la mer, car il était lui-même un mordu de pêche hauturière. Ainsi, ses œuvres ont souvent été dédiées à l'environnement maritime, à travers des bateaux, des pêcheurs, des va'a taie (pirogues à voile)… mais rendaient aussi un bel hommage au quotidien des Polynésiens, comme lors des tu'aro ma'ohi (sports traditionnels), avec des lanceurs de javelots et autres porteurs de fruits. Il s'adonnait de temps à autre aux portraits de vahine, parfois enceinte ou dans le plus simple appareil.

DE TAHITI EN NOUVELLE-CALEDONIE

Comme son papa avant lui, Gilbert Chaussoy a essentiellement dévoilé ses travaux à la galerie Au Chevalet de Papeete : il a fait notamment des expositions individuelles tout d'abord en 2002, puis en 2006, et a participé à des expositions collectives en 2002, 2003 et 2005. Cette dernière restera dans les mémoires comme la plus symbolique, puisqu'elle réunissait trois hommes de la famille Chaussoy : Joseph, Gilbert et Evrad. Gérant de la société d'enseignes Arii Création, il était par ailleurs designer et créait des affiches de publicité ou de superbes cartes d'invitation.

Quand la boîte de nuit "Be Angel" à Papeete, dont il était le propriétaire, a brûlé dans un incendie, les difficultés financières ont commencé à poindre et il a décidé alors de changer d'air et de partir en Nouvelle-Calédonie. Ses nombreuses expositions ont vite séduit les habitants du Caillou qui abrite nombre de Polynésiens. Après cette parenthèse, il a enfin opté pour un retour aux sources et s'est définitivement installé chez lui, sur l'île Sacrée. Depuis quelque temps, il avait décidé de se consacrer davantage à la création de 'ukulele ; plus que de simples instruments de musique, ses pièces sont de vraies œuvres d’art, dont certains modèles sont parés de nacre et de pastilles en inox (Onaga à 8 fils).

"On me demande parfois ce qu'est une bonne peinture, et non une œuvre d'art, ce qui est un autre propos. Ma pensée sur la peinture est souvent liée à ceux qui ont su me donner l'envie de tenter l'aventure…", peut-on lire sur son site.

Nous adressons toutes nos condoléances à la famille. Repose en paix Gilbert Chaussoy.

Valérie Prokop devant une toile de Gilbert Chaussoy, qui représente un pêcheur de thon dans une pirogue.
Valérie Prokop devant une toile de Gilbert Chaussoy, qui représente un pêcheur de thon dans une pirogue.
Valérie Prokop de la galerie Au Chevalet
"C'était un homme très sympathique"


Valérie, l'épouse de Joseph Prokop, le gérant et le propriétaire de la galerie Au Chevalet, dans laquelle Gilbert Chaussoy a de nombreuses fois exposé ses toiles, nous confie : "Sur le plan humain, c'était un homme gentil, très sympathique, on s'entendait bien, c'était un vrai ami. Et puis, l'artiste est très intéressant, ses œuvres dégagent quelque chose de fort, d'authentique".

De plus, son père étant déjà reconnu, cela n'a pas été facile pour Gilbert Chaussoy de se lancer et de se faire un prénom. Valérie Prokop explique : "Il a su se démarquer grâce à sa façon de peindre, sa palette de couleurs ; quand on regarde ses tableaux, on arrive bien à faire la différence entre ceux de son père et les siens. Ses expositions ont connu un franc succès, les Polynésiens aimaient bien son travail".

Quant au prix d'une de ses œuvres, Valérie nous rapporte : "Comme il avait un autre travail (gérant de Arii Création, ndlr), il était peu productif et sa cotation était donc plus élevée que celle de son père, par exemple. Pour une toile de 50 x 60 cm, il faut compter environ 130 000 Fcfp. Au Chevalet, nous n'avons plus de tableaux de Gilbert, hormis une toile achetée peu avant son départ en Nouvelle-Calédonie. Ses nombreux admirateurs vont se ruer pour essayer d'acquérir une de ses œuvres".

Extrait d’un texte du livre "Peintres de Polynésie"

"Sa peinture est simple, claire. Elle s’attarde le plus souvent sur le quotidien, le vivant. Elle n’est pas une démonstration mathématique. Elle n’est pas destinée à être expliquée mais à provoquer une mémoire des choses, des moments auxquels nous avons tendance à ne pas prêter que peu d’attention et souvent d’intérêt, voire les oublier… La peinture de Gilbert Chaussoy est tout naturellement offerte à ceux qui pensent que dans toutes choses simples, anodines et humaines se trouve peut-être le juste milieu de l’équilibre de la vie. Il est plus difficile de voir que de mentir."

(Texte de Louis Devienne)

Rédigé par Dominique Schmitt le Mercredi 22 Juillet 2015 à 16:46 | Lu 1998 fois