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Gap France, nouvelle victime du déclin du prêt-à-porter


Crédit Daniel LEAL / AFP
Crédit Daniel LEAL / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 01/03/2023 - Conséquences du Covid-19, concurrence des ventes en ligne, inquiétudes sur le pouvoir d'achat, essor du marché de la seconde main : l'activité du prêt-à-porter et des chausseurs fait face depuis trois ans à une succession de problèmes.

L'impact du Covid-19

La société Wilsam, détentrice des 20 magasins franchisés de l'enseigne Gap France, a été placée en redressement judiciaire mercredi, selon un jugement du tribunal de commerce de Grenoble.

Début février, Kookaï avait connu le même sort et l'entreprise l'avait expliqué par les "difficultés économiques que rencontre le secteur du prêt-à-porter en Europe, que la crise du Covid-19 n'a fait qu'accentuer".

L'enseigne Pimkie fondée en 1971, qui connaît des difficultés depuis plus d'une décennie, est elle sur le point d'être cédée par l'association familiale Mulliez (AFM) à un consortium alliant Lee Cooper France, Kindy et Ibisler Tekstil.

Mais la crise qui touche l'habillement a fait d'autres victimes: la chaîne française de magasins Burton of London a fermé fin février 26 de ses 109 points de vente.

L'enseigne de chaussures San Marina a elle été placée en liquidation judiciaire fin février, une décision actant la fermeture immédiate de 163 magasins, laissant sur le carreau quelque 650 salariés.

Et le chausseur André est à nouveau en difficulté: l'entreprise 1Monde9, qui détient l'enseigne historique depuis 2020, a été placée en redressement judiciaire début février.

En France, la vente de textile a été classée en activité "non essentielle" lors des confinements de l'économie pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Les magasins ont dû garder porte close une bonne partie de 2020 et de 2021, pénalisant les entreprises qui réalisaient l'essentiel de leurs ventes en boutiques.

En outre les consommateurs se sont dans cette période massivement détournés de l'"équipement à la personne" : moins de sorties et d'événements festifs, plus de travail à domicile, allocation du budget aux vacances... De quoi grever les trésoreries.

Le poids de l'inflation

Pour l'habillement, la sortie de la pandémie ne signifie pas un retour à la situation d'avant Covid-19 : les ventes sont restées en 2022 près de 10% inférieures à leur niveau de 2019, explique Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'Institut Français de la Mode (IFM).

En cause : l'inflation. "Les distributeurs ont été contraints d'augmenter les prix, ce qui est toujours mauvais pour la consommation", poursuit-il.

"Il y a l'augmentation du coût de l'énergie, des loyers et salaires", mais aussi "le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) souscrits pendant la crise du Covid-19", réduisant encore la rentabilité des commerces, abonde Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération du commerce spécialisé.

Et les consommateurs, qui subissent la hausse des prix, ont tendance à ne pas dépenser beaucoup pour l'habillement.

Boutiques versus ventes en ligne

Cela fait longtemps que les Français font moins les boutiques. Il manquait encore en 2022 15% des clients en magasins par rapport à 2019, selon Emmanuel Le Roch. La dépense moyenne lors d'une visite en boutique a grossi, mais n'a pas non plus rattrapé le niveau d'avant Covid.

De fait, la fréquentation "baissait de l'ordre de 2 ou 3% par an depuis une dizaine d'années" avant le Covid-19, les clients pouvant "mieux préparer leurs achats ou consommer directement en ligne".

Les enseignes qui ne se sont pas suffisamment adaptées à l'"omnicanalité", c'est-à-dire à la capacité à combiner ventes en ligne et en boutiques, sont particulièrement pénalisées.

Selon une étude publiée par l'IFM et le panéliste Kantar en mai 2022, un cinquième des ventes de vêtements en 2021 ont eu lieu en ligne, contre seulement 6% en 2009. Cette étude chiffrait à 2,3 milliards le nombre d'articles de mode achetés sur l'année 2019, soit environ 46 unités par an et par personne.

Le milieu de gamme en souffrance

Autre tendance lourde, le milieu de gamme a de plus en plus de difficulté à exister. "Dans la mode, il faut des aspérités, être plus attractif que la concurrence", ce que les enseignes de cette catégorie ont plus de mal à faire, estime Gildas Minvielle.

Cette tendance de consommation, également en vigueur dans l'alimentaire avec d'un côté une offre "discount" et de l'autre une offre plus haut-de-gamme, profite notamment aux "outlets" ou magasins de déstockage. Et, en ligne, à des acteurs de l'"ultra fast fashion", comme Shein, ciblant notamment les plus jeunes.

À noter toutefois : toutes les enseignes historiques ne sont pas en difficulté...

Montée en puissance de la seconde main

La seconde main est également en très forte croissance. Facilitée par des acteurs en ligne comme Vinted ou Le Bon Coin, elle doit son essor à des prix plus attractifs que le neuf, mais aussi à la prise de conscience progressive par les consommateurs de l'important poids écologique et sociétal de l'industrie textile, régulièrement stigmatisée par des associations de défense de la planète.

En réaction, de plus en plus d'enseignes vendent des vêtements d'occasion en plus de leur offre habituelle de neuf.

Certaines marques ont aussi adopté d'autres modèles économiques pour être plus vertueuses, avec notamment une production réalisée à la demande.

le Mercredi 1 Mars 2023 à 04:39 | Lu 387 fois