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Fritch défend les "avancées" de Reko Tika et tacle ses détracteurs


Tahiti, le 12 juillet 2021 - En guise de bilan de la mission Reko Tika, le président Édouard Fritch a présenté lundi le “relevé de décisions” que lui a adressé la semaine dernière le Premier ministre Jean Castex : “Oui, il y a eu des avancées”, défend-il. 

Les nouvelles bases du dialogue” entre l’État et la Polynésie française sur le nucléaire. Dix jours après la table ronde des 1er et 2 juillet, c’est ainsi que le président Édouard Fritch a présenté lundi en conférence de presse le courrier officiel récemment reçu du Premier ministre. Une lettre ? Non, un “relevé de décisions”, compare Fritch. La missive primo-ministérielle liste, pour reprendre les termes de Jean Castex, les “mesures pratiques, qui ont fait consensus (…) et paraissent structurantes pour l’avenir”. Le Premier ministre y assure avoir “donné les instructions nécessaires” pour “une mise en place rapide et concrète” de ces mesures, dans les semaines à venir. Gare à ceux qui continuent de prétendre que la table ronde n’a finalement donné lieu qu’a des avancées a minima. “Oui, il y a eu des avancées. Ceux qui prétendent le contraire ne savent pas lire, ni écouter”, lance Édouard Fritch, lettre ministérielle en main. 

Sur l’ouverture des archives
La communicabilité est le principe de base, sauf pour les exceptions par la loi”, souligne Jean Castex. Un principe au demeurant rappelé par une décision du Conseil d’État rendue le 2 juillet dernier et pour lequel le Premier ministre s’engage aujourd’hui à “intensifier” le “travail de cartographie et de tri des archives” pour une mise à disposition efficace “de l’ensemble de cette masse documentaire”. Un travail de tri doit être mené sur cette masse documentaire pour en extraire les archives dites “proliférantes”, à caractère stratégique, pouvant mettre en cause la sécurité de la nation. “Pour le reste, nous allons avoir l’ouverture totale des archives. Cela a été confirmé”, assure Édouard Fitch. Une commission placée sous la tutelle de la ministre des Armées sera chargée de superviser l’avancée des travaux de tri. Elle comptera un “correspondant polynésien”, en réponse à une demande exprimée par la délégation Reko Tika.

Elargissement promis de l’étude Sépia-Santé
Jean Castex annonce de nouvelles analyses pour “mieux comprendre les mécanismes d’apparition et de développement des maladies radio-induites”. Ainsi, promet-il une “extension” de l’étude Sépia-Santé à l’ensemble des travailleurs présents sur les sites du CEP. A ce jour, cette étude commandée par le ministère des Armées s’est borné à analyser avant 2009, puis en 2019 dix ans après, la mortalité dans une cohorte de 30 000 vétérans du Centre d'expérimentations du Pacifique entre 1966 et 1996. Tous avaient bénéficié d'une surveillance dosimétrique externe, contrairement aux travailleurs civils.

Civen : pas de guichet unique mais “une équipe” 
La loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires demeure inchangée, mais elle “doit s’appliquer”. Un guichet unique a un temps été évoqué aux Gambier et à Tahiti pour faciliter la constitution des dossiers de demande d’indemnisation. Il n’en est pas fait mention dans le “relevé de décisions”. “La décision a été prise, explique Jean Castex, de mettre sur pied une équipe constituée de personnes disposant de compétences médicales, administratives qui aura pour fonction de se rendre au plus près des Polynésiens pour (…) les aider à constituer leur dossier.”
 
Loi Morin : Trois ans de rab pour les ayants droit 
La date limite de dépôt des dossiers de demande d’indemnisation par les ayants droit devrait être repoussée au 31 décembre 2024. Jusqu’à présent, les ayants droit des victimes du nucléaire décédées avant le 31 décembre 2018 ont jusqu’à fin 2021 pour déposer leur demande. Le Premier ministre promet des “moyens supplémentaires” alloués au Civen pour financer cette “augmentation de son activité”.

La CPS remboursée a minima
Une prise en charge par l’État des frais engagés par la Caisse de prévoyance sociale est qualifiée de “normale” par Jean Castex pour les seules dépenses faites pour le traitement des malades reconnus victimes des essais nucléaires par le Civen. Pour l’instant, moins d’une centaine de Polynésiens ont obtenu la reconnaissance d’un droit à réparation par le Comité d’indemnisation des victimes du nucléaire (Civen). “Le principe est acquis. Reste maintenant à voir les modalités pour la mise en œuvre. Il faudra naturellement que l’on se mette d’accord sur les chiffres”, a commenté Édouard Fritch lundi. Dans un vœu adopté début juin, le Cesec, quatrième institution de Polynésie, évalue à 80 milliards de Fcfp les dépenses engagées par la CPS depuis 1992 pour le traitement de près de 8 000 personnes atteintes de l’une des 23 maladies considérées comme potentiellement radio-induites par la loi Morin.   

Poursuite de la réflexion
Pourtant listées au nombre des doléances portées par la délégation Reko Tika, le traitement des conséquences économiques et sociales des essais nucléaires, n’a pas été qu’évoqué à la table ronde des 1er et 2 juillet. “Une discussion plus large a été engagée en particulier autour des notions de résilience et de transition énergétique”, note Jean Castex en annonçant, pour “amorcer la réflexion sur ces sujets stratégiques”, avoir saisi le ministre des Outre-mer afin de poursuivre cette réflexion avec le gouvernement polynésien.  

Dorénavant, comme l’a indiqué Édouard Fritch lundi face à la presse : “Il ne faut pas que ces paroles restent des paroles”. Car, si ce “relevé de décisions” acté par Premier ministre récapitule les avancées convenues à l’issue de la table ronde, il n’en revêt pas pour autant le caractère d’un accord État-Pays. Et même si Jean Castex assure engager son gouvernement “pour une mise en œuvre rapide”, les jours de l’exécutif sont comptés à moins de neuf mois de la prochaine échéance présidentielle. “Effectivement, j’aimerais bien que ce relevé de décisions devienne des engagements (…) bipartites”, a reconnu Édouard Fritch lundi à l’issue de la conférence de presse. “C’est ce que je proposerai au président de la République lors de sa visite officielle : qu’on le fasse rapidement. Effectivement, ce qui sera le plus intéressant à suivre maintenant, c’est le calendrier pour la réalisation et la mise en chantier de ces engagements. Mais le président Macron est pressé.”


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 12 Juillet 2021 à 18:50 | Lu 1717 fois