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Fin de la mission du Forum à Fidji : impressions plutôt positives


Session de travail (Source photo : ministère fidjien de l’information)
Session de travail (Source photo : ministère fidjien de l’information)
SUVA, mardi 1er mai 2012 (Flash d’Océanie) – La mission ministérielle du Forum des Îles du Pacifique (FIP), arrivée la veille à Suva pour sa première visite depuis quatre ans, s’est achevée mardi sur une note plutôt positive et marqué par des signes « encourageants », selon les termes du communiqué publié à cette occasion.
Cette mission avait pour principal objectif d’évaluer sur place les avancées en matière de retour à la démocratie, plus de cinq ans après le putsch du 5 décembre 2006 à Fidji.
Le Forum des Îles du Pacifique (FIP) a exclu Fidji de son statut de membre plein le 1er mai 2009, pour cause de non-retour rapide à la démocratie et après qu’une première promesse n’ait pas été honorée.
Ce groupe du FIP (dont le secrétariat général et le siège se trouvent toujours à Suva), comprenait, parmi ses membres les plus prééminents, les ministres des affaires étrangères d’Australie et de Nouvelle-Zélande, MM. Bob Carr et Murray McCully.
Canberra et Wellington se sont positionnés, ces dernières années, en fers de lance d’une posture dure vis-à-vis de Fidji, condamnant le non-retour rapide de l’archipel à la démocratie et frappant d’interdiction les membres du gouvernement (et leurs proches) dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama.
Dans le cadre de ce groupe ministériel, c’est la participation de ces deux pays qui est la plus remarquée.
Dans un communiqué final publié mardi en début de soirée (GMT+12), le secrétariat général du FIP rappelle qu’à cette occasion, les six ministres formant ce groupe de contact ont pu rencontrer, outre le gouvernement actuel, « des hommes politiques Fidjiens et des représentants de la société civile » « qui ont tous contribué à la compréhension du (groupe ministériel) de la situation à Fidji ».Parmi les politiques rencontrés figurent notamment MM. Laisenia Qarase (renversé parle putsch du 5 décembre 2006) et Mahendra Chaudhry (qui, lui, fut renversé le 19 mai 2000, un an jour pour jour après son accession au pouvoir, et qui fut ensuite retenu en otage au sein du Parlement, avec la plupart des membres de son gouvernement renversé).
Côté gouvernement, les ministres missionnaires, outre M. Sayed-Khaiyum, le chef de la diplomatie Ratu Inoke Kubuabola, le ministre du travail, plusieurs directeurs de cabinet ministériels, ainsi que le chef de la police, le chef d’État-major des forces armées, le chef des services pénitentiaires, indiquait mardi le gouvernement dans un communiqué.
Dans un communiqué conjoint, les partis SDL (Soqosoqo Duavata Ni Lewenivanua) de M. Qarase, travailliste de M. Chaudhry et Mick Beddoes, chef de file du United People’s Party (UPP) et chef de la dernière opposition parlementaire connue, exhortaient mardi le groupe du FIP à se pencher sur les questions de respect des droits humains, y compris les libertés d’expression, de réunion et d’accès à la justice.
Aiyaz Sayed-Khaiyum, qui dirige le gouvernement en l’absence du Contre-amiral Bainimarama, a réagi en reprochant aux missionnaires du FIP de « rencontrer toujours les mêmes personnalités qui se plaignent toujours des mêmes choses au lieu de chercher à rencontrer d’autres personnes ».


Bob Carr, ministre australien des affaires étrangères et Aiyaz Sayed-Khaiyum, Premier ministre par intérim (Source photo : ministère fidjien de l’information)
Bob Carr, ministre australien des affaires étrangères et Aiyaz Sayed-Khaiyum, Premier ministre par intérim (Source photo : ministère fidjien de l’information)
« encouragés »

« Les ministre se sont déclarés encouragés par les mesures prises par Fidji, concernant la préparation d’élections, ainsi que par les informations apportées concernant les intentions de Fidji (…) (Ces indications) ont donné aux ministres l’impression que Fidji est un pays en phase de transition et mettant en place les processus nécessaires aux élections », souligne le communiqué.
Le FIP met notamment en exergue certaines « assurances » qu’il estime désormais avoir reçu, concernant en particulier la calendrier (toujours maintenu pour septembre 2014), l’ouverture à tous du processus de consultations en vue d’élaborer une nouvelle Constitution, ainsi que a liberté de la couverture de ces consultations par la presse, le fait que les élections seront « libres et justes » et que, répondant à une question spécifique du ministre australien des affaires étrangères, « il n’y aura pas de sièges parlementaires réservés aux militaires » au sein du Parlement devant ressortir de ces élections.
Le FIP, à cette occasion, a renouvelé son offre de soutien et d’aide technique à Fidji dans le cadre de son retour à la démocratie parlementaire.
La mouture finale du compte rendu de mission, assortie de recommandations, sera présentée lors du prochain sommet annuel des dirigeants océaniens, qui aura lieu cette année en août 2012 à Rarotonga (îles Cook).
À partir de là, les dirigeants du Forum pourraient décider ou pas d’agir en conséquence et de relaxer, voire de lever les sanctions prises en mai 2009 à l’encontre de Fidji.

Un vide de quatre ans

La précédente mission du même groupe de contact du FIP avait été avortée en 2008, Suva estimant que les deux grands voisins régionaux exerçaient une influence excessive sur les décisions du FIP, mais aussi du Commonwealth (dont Fidji est aussi exclu depuis fin septembre 2009).
Dès leur arrivée à Suva, les six ministres (parmi lesquels se trouvent aussi des ministres de Vanuatu -M. Alfred Carlot, ministre des affaires étrangères-, de Samoa -Mme Fiame Naomi Mata’afa, ministre de la justice, de Papouasie-Nouvelle-Guinée -M. Ano Pala, ministre des affaires étrangères, de Tuvalu -M. Apisai Ielemia, ministre des affaires étrangères, du commerce, du tourisme, de l’environnement du travail, avaient salué cette reprise du dialogue et du réengagement vis-à-vis de Fidji.
Depuis le début de l’année 2012, le gouvernement fidjien a annoncé successivement une levée des mesures d’urgence imposées en avril 209 (au lendemain de l’abrogation de la Constitution et de l’imposition de restrictions aux libertés de réunion et d’expression, notamment via une censure sur les médias locaux), puis le lancement d’un processus de consultations censé impliquer tous les acteurs locaux en vue de rédiger une nouvelle Constitution, débarrassée de notions ethniques.
Des élections législatives, censées marquer le retour de Fidji dans le concert démocratique mondial, ont été annoncées pour le dernier trimestre 2014.
Murray McCully, pour sa part, s’était aussi exprimé dès son arrivée à Suva en formulant l’espoir que ces discussions et entretiens se révèlent « constructifs ».
Selon le chef de la diplomatie de Wellington, alors que la date annoncée pour des élections se rapproche, et rend de plus en plus probable la tenue de ce scrutin, les vraies questions sont désormais liées à son caractère « libre, juste et inclusif ».
« C’est surtout ce genre de signaux que nous recherchons. De mon point de vue, par exemple, la manière dont le dialogue constitutionnel sera tenu au cours des six mois à venir nous en dira long quant à savoir si les élections seront libres et justes. Nous en sommes donc à un stade crucial concernant les évolutions à Fidji », a indiqué M. McCully à Radio New Zealand International.
Murray McCully précisait dès la semaine dernière que la Nouvelle-Zélande assure toujours la Présidence tournante du Forum des Îles du Pacifique (FIP).
« La Nouvelle-Zélande, en tant que Présidente du FIP, a attaché une haute importance à la notion de dialogue et d’engagement avec Fidji », précisait alors M. McCully.
Depuis fin 2010, M. McCully a repris le contact avec son homologue fidjien, rompant ainsi progressivement avec la politique « dure » jusqu’alors pratiquée aux côtés de l’Australie.
« La réunion (à Fidji) intervient un moment pivot pour Fidji et à la suite d’un certain nombre d’évolutions positives. Ceci inclut la décision de lancer le processus d’enregistrement sur les listes électorales, la mise en place de la commission constitutionnelle, ainsi que le lancement d’un dialogue public concernant la future Constitution, après quoi des élections pourraient être tenues. Tous ces actes sont constructifs et je les ai accueillis favorablement au nom de la Nouvelle-Zélande (…) Les discussions nous offriront une opportunité de voir comment nous pouvons aider à réaliser de nouveaux progrès», expliquait par avance M. McCully jeudi 26 avril 2012.
En l’absence du Contre-amiral Premier ministre Bainimarama, actuellement en déplacement en Inde, c’est M. Aiyaz Sayed-Khaiyum, qui assure l’intérim, qui a reçu la délégation dès son arrivée lundi en fin d’après-midi.
M. Sayed-Khaiyum, qui accueillait lundi soir les membres de la délégation lors d’une réception dînatoire, n’a pas oublié de rappeler dès l’abord que Fidji était tout à fait disposé à accueillir amicalement ses voisins et toutes les nations, à condition que sa « souveraineté politique et territoriale » soit respectée.
Lors de cette mission, les ministres du FIP ont prévu de rencontrer, outre les responsables du gouvernement actuel, les principaux acteurs politiques de la scène pré-putsch ainsi que d’autres responsables dans les domaines socio-économique, des ONG et syndicats.
Bob Carr, pour sa part, très sollicité par la presse locale dès son arrivée à Fidji, s’est montré prudent en démentant que sa venue à Suva indiquait en quelque manière que ce soit une levée prochaine des sanctions australiennes vis-à-vis de Fidji.
« Relaxer nos sanctions [et ces sanctions ne s’appliquent pas au peuple de Fidji, mais aux membres du gouvernement actuel], ce sera plusieurs étapes dans l’avenir (…) Il nous faut d’abord constater une démocratie robuste fonctionnant en association avec l’état de droit. C’est dans ce contexte que nous réviserons nos sanctions », a-t-il précisé à la radio nationale publique Radio Australie.
Le gouvernement australien et son précédent ministre des affaires étrangères, Kevin Rudd, ont fait l’objet de critiques de la part de l’opposition, mais aussi de plusieurs groupes de réflexion nationaux, qui reprochaient ces derniers mois à la diplomatie de Canberra de s’enfermer dans une posture de condamnation et de sanctions vis-à-vis de Fidji, alors que cette posture n’avait pas obtenu les résultats escomptés.
Selon M. Carr, du point de vue australien, cette visite à Fidji avait d’abord pour objectif « d’obtenir un engagement, avec un minimum de détails, de la part de ce gouvernement concernant des élections en 2014 ».

Ambiance toujours tendue : les piques fusent

Les tensions étaient néanmoins encore palpables entre Suva et Canberra : « Ces réunions soulignent la position de Fidji dans le Pacifique Sud en tant que leader émergent. Elles offrent aussi une opportunité pour Fidji de présenter ses nouvelles politiques, mises en place par le gouvernement Bainimarama », claironnait de son côté le ministère fidjien de l’information.
Aiyaz Sayed-Khaiyum, mardi 1er mai 2012, ne résistait pas à la tentation de lancer quelques piques à l’Australie et au Forum en les prenant en quelque sorte au mot en matière de « non-exclusive » dans la liste de personnalités rencontrées, y compris chez les dirigeants syndicalistes.
« Ils devraient rencontrer tous les syndicats, il y en a 74 actuellement enregistrés, et ils ne font pas tous partie du FTUC (Fiji Trade Unions Congress), a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse en référence directe aux dirigeants de cette centrale Attar Singh et Felix Anthony, qui déclarent depuis l’an dernier avoir été la cible d’intimidations policières ou militaires.
« Mais notre gouvernement ne décide pas de quels groupes de personnes ce groupe ministériel rencontre ou pas », a-t-il insisté.
En Australie, l’un des alliés les plus visibles du FTUC fidjien est l’ACTU (Australian Council of Trade Unions), centrale syndicale proche du gouvernement travailliste actuel.

Look North Policy : suivez mon regard

Lors d’une réception lundi soir, le ministre fidjien des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola, n’hésitait pas pour sa part à déclarer publiquement, devant ses hôtes, qu’après sa suspension du Forum, Fidji était de fait devenu « une nation forte et indépendante ».
« Fidji a des amis qui, depuis, nous ont manifesté un grand soutien », a-t-il lancé à l’éminente cantonade en évoquant la politique du « Regarder vers le Nord » (« Look North Policy », ce qui, du point de vue géographique fidjien, se traduit par un regard vers l’Asie.

Séquences vidéos via ministère fidjien de l’information sur YouTube à l’adresse suivante :

discours réception
http://www.youtube.com/watch?v=65xfCpIm67Q&feature=youtu.be

arrivées délégations:
http://www.youtube.com/watch?v=SFdsha-Aqvg&feature=relmfu
http://www.youtube.com/watch?v=r5lbcAkPAqc&feature=relmfu


Non cité, mais dans tous les esprits, le plus grand ces amis, depuis cinq ans, est la Chine, dont l’influence à Fidji et dans toute sa proche région n’a cessé d’aller croissant.
Par ailleurs, au cours des trois dernières années, sous la Présidence fidjienne, le Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL) s’est étoffé, en s’affichant au passage en soutien ouvert à Fidji, sous l’impulsion de ses voisins proches et membres (îles Salomon, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu et le mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie).
Plusieurs autres États voisins ont ainsi participé aux deux derniers sommets, avec à la clé des mouvements et initiatives allant de la coopération policière au commerce, posant le GMFL en une sorte d’ « alter-Forum ».

La dynamique Canberra-Washington

M. Carr a annoncé sa participation à la mission fidjienne alors qu’il se trouvait encore à Washington, fin avril 2012, en déplacement officiel et où il s’et entretenu avec son homologue, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton.
Lors des entretiens entre M. Carr et Mme Clinton, qui ont duré une cinquantaine de minutes, le dossier fidjien aurait aussi été abordé.
Les États-Unis, depuis plus de deux ans, prônent une posture en rupture avec celle de l’Australie concernant Fidji et favorisent un réengagement avec l’archipel.
Cette position vient aussi en réponse à une montée en puissance significative de la Chine à Fidji et dans toute la région Pacifique insulaire, Pékin n’ayant jamais condamné le putsch fidjien mené par le Contre-amiral Franck Bainimarama (devenu depuis Premier ministre).
Le gouvernement australien a fait l’objet de plusieurs critiques, ces dernières années, de la part de son opposition mais aussi de la part de plusieurs groupes de réflexion (think-tanks) qui ont exhorté en substance le gouvernement de la Première ministre Julia Gillard à constater que les sanctions imposées par Canberra (principalement une interdiction de visas pour les personnes participant au gouvernement actuel, ainsi qu’à leurs proches) n’ont pas eu l’effet escompté, mais que cette politique d’isolement a eu, par contre, pour effet de rapprocher Suva de Pékin.
Mi-avril 2012, c’était l’ambassadeur australien en poste à Washington, Kim Beazley qui, dans une interview accordée au magazine The Diplomat et intitulé « Comment l’Australie voit l’Amérique », estimait que les relations américano-australiennes étaient toujours et depuis longtemps excellents, mais que Canberra apprécierait de temps à autres d’être prévenu à l’avance quand Washington décide de se réengager directement avec un pays de la proche région océanienne.
« De notre point de vue, ce qui est important, c’est que les États-Unis soient engagés. C’est bon pour les pays de la région (…) Ça fait longtemps que nous défendons la position d’un plus grand engagement des États-Unis dans le Pacifique. Nous ne pouvons donc que les encourager dans cette voie », a estimé le diplomate qui insiste sur les valeurs démocratiques communes aux deux pays, en rappelant aussi que tout récemment, à l’issue d’une visite en Australie, en novembre 2011, du Président Obama, des accords de défense avaient été conclus, qui se sont concrétisés tout récemment par l’arrivée d’un premier contingent de Marine américains sur une base australienne dans le Nord de l’Australie, à Darwin.
Le nombre de ces soldats pourrait monter jusqu’à deux mille cinq cent au cours des cinq prochaines années.
Mardi 24 avril 2012, un ancien Premier ministre conservateur australien, Malcolm Fraser, jugeait utile de monter au créneau pour estimer que ce positionnement américain en regard de la Chine était « une erreur ».
« Depuis au moins vingt ans maintenant, nous avons donné l’impression que nous faisions exactement ce que l’Amérique voulait », a-t-il écrit dans un article sous forme de tribune et qui s’inquiète de la perception chinoise de cette posture.

Le Commonwealth a tout récemment, le 16 avril 2012, tenu une réunion partiellement consacrée à Fidji, à l’issue de laquelle les ministres ont décidé de maintenir l’exclusion de l’archipel, tout en reconnaissant des progrès vers un retour à la démocratie (avec des annonces de lancement d’un processus consultatif en vue d’élaborer une nouvelle Constitution et des élections prévues pour le dernier trimestre 2014).
Mais le CMAG a aussi regretté la persistance de restrictions « significatives » à certaines libertés de réunion ou syndicales.
Le 16 avril 2012, le gouvernement australien applaudissait par voie de communiqué les réformes poursuivies en Birmanie et annonçait la normalisation de ses relations commerciales et une levée partielle de ses sanctions l’encontre des autorités gouvernementales de ce pays, annonçait alors Craig Emerson, ministre fédéral du commerce.
« Il nous incombe de soutenir la Birmanie de manière pratique et de rechercher un plus grand engagement de nature à encourager les réformes pour qu’elles prennent racine et maintiennent les conditions propices à de nouveaux changements, pour l’amélioration de la vie du peuple Birman », avait-il écrit.

pad

Rédigé par PAD le Mardi 1 Mai 2012 à 06:29 | Lu 508 fois