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Filiation fa’a’amu, le vide juridique


Tahiti, le 24 septembre 2021 – Le colloque organisé sur deux jours par l’UPF intitulé “la propriété foncière à l’épreuve des liens de parenté” s’est notamment intéressé mercredi aux questions de filiation et d’héritage liées aux enfants fa’a’amu. Aucun cadre juridique n’existe actuellement pour légiférer cette problématique qui dure depuis des années. 
 
Jeudi 23 et vendredi 24 septembre, l’UPF organise un colloque intitulé “la propriété foncière à l’épreuve des liens de parenté”. À l’initiative de Sandrine Sana-Chaillé de Néré, professeur à l’UPF, les deux jours vont permettre de répondre à un grand nombre de questions sur le sujet. “La terre est un sujet d’émotions, trop souvent un sujet de douleurs et de conflits ici, alors parlons-en”, a lancé Sandrine Sana-Chaillé de Néré en préambule du colloque jeudi matin.
 
Parmi les intervenants de la journée, Me Temanava Bambridge, avocate au Barreau de Papeete, a présenté la spécificité des structures familiales en Polynésie en se penchant sur le cas des enfants Fa’a’amu. “Le problème des enfants Fa’a’amu est un sujet qui fait parler de lui depuis plus de trente ans”, a débuté d’entrée l’avocate.
 
Aujourd’hui encore, la coutume des enfants Fa’a’amu est extrêmement répandue. “On essaye d’encadrer cette remise d’enfants, de leur donner un statut”, explique Temanava Bambridge. Depuis une trentaine d’années, des procédures de délégation de l’exercice de l’autorité parentale sont prévues par le code civil. Selon le code civil, il est donc prévu que les pères et mères peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue d’une délégation de l’autorité parentale à un tiers membre de la famille, un proche digne de confiance ou à un établissement agréé pour le recueil des enfants. “Sur la base de ce texte, on a vu une possibilité juridique pour les parents Fa’a’amu”.
 
Mais ces procédures de délégation de l’autorité parentale intrafamiliale sont aujourd’hui contestées par le parquet. Par exemple, pour des grands-parents qui accueillent leurs petits-enfants depuis la naissance, le parquet considère que les circonstances exigées par le code civil ne permettent pas de déléguer l’autorisé parentale. “Ce sont des procédures qui permettent de donner des liens juridiques, mais pas des filiations”. Aujourd’hui, la cours de cassation considère que l’adoption d’un enfant par ses grands-parents, qui deviendrait alors le frère ou la sœur de son père ou de sa mère, “créerait un bouleversement de l’ordre familial”
 
L’adoption et le testament
 
Concernant le foncier et la filiation, les enfants peuvent hériter de leurs parents Fa’a’amu après une adoption officielle prévue par le code civil. Il y a d’abord l’adoption plénière qui créé un nouveau lien et un nouvel acte de naissance. Seul le nom de la famille adoptive est alors notifié. L’adoption simple, quant à elle, laisse subsister ceux des deux familles. Les parents Fa’a’amu peuvent aussi anticiper la filiation d’un héritier par un testament. Mais le testament doit respecter les dispositions du code civil. “Il y a beaucoup de dossiers où les enfants Fa’a’amu sont bénéficiaires de l’intégralité de l’héritage de leurs parents adoptifs. Cela pose problème lorsqu’il y a des enfants biologiques qui sont des héritiers”. Mais “ce sont les solutions qui ont été trouvées pour pallier ce grand vide juridique des enfants Fa’a’amu”.
 
On n’a toujours pas légiféré sur ce problème. La loi organique de 2004 qui porte le statut de la Polynésie française dispose que sont applicables de plein pied au fenua les dispositions législatives et réglementaires relatives à la nationalité, à l’état et à la capacité des personnes. Est-ce que c’est du domaine de l’État ou du Pays ?”. Personne n’a encore tranché et le problème des enfants Fa’a’amu pourrait bien perdurer encore des années.

Rédigé par Etienne Dorin le Vendredi 24 Septembre 2021 à 09:08 | Lu 3113 fois