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Evans Haumani : "J’ai demandé aux élus de payer leurs redevances"


Tahiti, le 15 décembre 2020 - Deux mois après la publication du rapport de la chambre territoriale des comptes consacré à la gestion de la commune de Moorea-Maiao, le tāvana Evans Haumani a accordé une interview à Tahiti Infos dans laquelle il répond aux principales interrogations suscitées par l'examen de la juridiction.


Plusieurs élus n’ont pas payé leurs redevances en eau, traitement des déchets, en téléphone et même en loyers pour un logement social. Ces redevances s’élèvent à près de 4 millions de Fcfp. Que comptez-vous faire ?
 
"C’est vrai, il y a des anciens tāvana qui ont des dettes. Je leur ai dit qu’ils devaient s’acquitter de leurs dettes. La chambre territoriale des comptes est venue à la mairie et nous a demandé des comptes. J’ai donc demandé à ces derniers de payer leurs redevances. Ils savent que s’ils ne le font pas, ils auront des problèmes avec la chambre. Je ne sais pas exactement quels problèmes ils pourront avoir, mais elle va s’en charger. Ils doivent être exemplaires, car on demande à nos administrés de payer leurs dettes, donc cela vaut aussi pour eux."
 
Allez-vous engager des procédures pour saisir cet argent ?
 
"Non, puisqu’ils ont reçu le courrier comme quoi ils doivent payer leurs dettes et nous savons de qui il s’agit. Par contre, pour les nouveaux élus, on leur a envoyé les mūto’i. Certains élus paient leurs dettes petit à petit tous les mois, mais ils n’ont pas encore tout payé. Ils auraient dû venir me voir, on aurait discuté et j’aurais su pourquoi ils n’ont pas payé leur dû. (…) Pour l’ancien tāvana qui habite Nuuroa (retard de loyers, NDLR), il a des problèmes. Il est malade, ne travaille plus et ne marche plus. Donc, pour sa dette, on réfléchit à comment faire. Même le social fait une enquête sur son cas."
 
Le tarif pour le traitement des déchets va-t-il augmenter ?
 
"Lors du contrôle, les magistrats m’ont dit que les charges annuelles pour le traitement des déchets ne sont pas chères du tout. Ils m’ont conseillé d’augmenter ces taxes pour que le budget soit en équilibre. Les problèmes de budget viennent aussi de là. Mais les administrés ont eux aussi des problèmes, raison pour laquelle je n’ai pas augmenté les taxes. Il y en a qui n’ont pas de travail. Mais si je ne le fais pas on aura des soucis avec notre budget… Actuellement, c’est 10 000 Fcfp par an. Ce n’est pas cher et on ramasse leurs déchets tout le temps. Dans les autres communes, cela peut aller jusqu’à 30 000 Fcfp par an. Je demande aux administrés de nous aider pour que la commune ait de l’argent. C’est aussi pour cette raison que la commune a des trous dans son budget. Nous payons près de 9 000 tonnes de déchets à Fenua Ma. C’est cher et il y a un trou dans la caisse de la commune à cause de cela."
 
De combien comptez-vous l’augmenter ?
 
"Pour l’instant, je ne peux pas répondre à cette question. C’est le conseil municipal qui va décider. Mais on ne va pas non plus mettre une taxe exorbitante. Je pense que la population pourrait s’acquitter de leur facture tous les trois mois, car si on attend à la fin de l’année toutes les taxes tombent et cela va être difficile pour elle."
 
Avec près de deux millions Fcfp détournés à la régie, qu’avez-vous mis en place pour que cela n’arrive plus ?
 
"C’est vrai qu’il y a de l’argent qui a disparu au niveau de la régie. Ces deux personnes ont été convoquées devant la justice. Mais je suis étonné de la décision de justice, car elles travaillent toujours à la mairie. Je pensais que le tribunal allait les suspendre. La justice a bien changé. Lorsque tu voles un pain on te met en prison. Et dans cette affaire-là, c’est l’argent du peuple qu’ils ont détourné et ils sont toujours là. Cela m’attriste. Je ne dis pas qu’il ne faut plus qu’ils travaillent, mais il faut que la justice soit la même pour tout le monde."
 
Pourquoi les charges de fonctionnement sont en progression constante ?
 
"Je n’ai pas recruté beaucoup de personnes à la mairie, sauf lorsqu’on a eu des problèmes avec l’association Ta’u Tama concernant la cantine. Il y a du personnel, lorsqu’on les appelait pour venir travailler, elles ne venaient pas. Alors j’étais obligé d’embaucher pour que nos enfants mangent. Ils ne pouvaient pas ne pas manger pendant un mois. Sinon qui allait préparer leur déjeuner ?"
 
La chambre a également évoqué un important "turn over" aux postes stratégiques de la commune ?
 
"Concernant les directeurs généraux des services (DGS), les deux derniers qu’on a eu ont tous deux pris leur retraite. Concernant les mūto'i, celui qui était à ce poste voulait prendre sa retraite après 37 ans de service. Et nous n’avions personne pour la brigade nautique, je lui ai donc demandé de rester encore un peu pour nous aider et surtout aider son adjoint. Dès qu’on aura une personne compétente pour la brigade nautique, il pourra prendre sa retraite. C’est moi qui l’ai retenu pour qu’il puisse nous aider."
 
La situation irrégulière de votre directeur de cabinet, Mariano Atiu, (en fonction au-delà de la limite d'âge) est pointée du doigt par la chambre. Travaille-t-il toujours pour la mairie ?
 
"Que se passe-t-il pour lui ? C’est vrai que la loi, le CGCT et la fonction publique communale ont changé. Et lorsque la chambre est venue, Mariano Atiu a arrêté de travailler pendant un an. Aujourd’hui, il travaille comme prestataire de service pour la commune. La loi nous le permet, mais il devait prendre une patente."
 
Quelles fonctions exerce-t-il pour la commune ?
 
"Il s’occupe surtout des bâtiments. Depuis 2014, je suis à la tête de la commune. L’école de Teavaro est restée telle quelle pendant 20 ans. Et j’ai demandé à Mariano de s’en occuper, en tant qu’ancien directeur de la subdivision de l’équipement, il maîtrise la partie technique et le bâtiment. C’est lui qui a travaillé sur le dossier de l’école de Teavaro pour qu’elle sorte de terre. Et je précise que ce n’est pas lui qui me commande mais c’est moi. Certaines personnes disent que c’est lui qui me commande, je leur réponds que non, pas du tout. Je lui demande de constituer des dossiers pour les écoles. À Papetoai, les murs étaient fissurés, et c’est resté comme cela pendant 50 ans. Je ne voulais pas avoir de morts sur la conscience et c’est Mariano Atiu qui s’en est occupé. Je lui ai aussi demandé de former nos jeunes, car il voulait arrêter et aller s’occuper de son église car il est prêtre. Mais c’est moi qui ai insisté pour qu’il soit à mes côtés car il y a encore à faire."
 
Ce ne sont pas vos liens d'amitié qui vous ont conduit à l'embaucher et le maintenir en fonction au-delà de la limite d'âge ?
 
"Je l’ai recruté car il est compétent et pas parce qu’on est ami. Et je l’ai vu lorsque l’école de Teavaro est sortie de terre... Combien de tāvana ont travaillé sur ce dossier et n’y sont pas arrivés et ont finalement abandonné le projet ? Aujourd’hui, c’est une réussite. Notre amitié n’a rien à voir dans son embauche, mais il s’agit bien de ses compétences."
 
Il n’y a pas de jeunes pour prendre ce poste ?
 
"En fait, il est aussi en train de former nos jeunes. Et lorsqu’ils auront acquis ce savoir, il partira."
 
Dernière question sur l’école de Maharepa, censée être provisoire, mais toujours en l'état ?
 
"Exactement, c’était censé être du provisoire. Mais quand les services de sécurité de Papeete sont venus visiter cette école, ils m’ont dit que le niveau de sécurité était le top. C’est pour cette raison qu’elle est toujours en place. Mais on va la faire cette école. Maharepa était prioritaire, mais avec les remarques de la sécurité on peut attendre encore quatre ou cinq ans. Actuellement la priorité est l’école de Maatea. Lors des dernières grosses pluies, il y avait plein de boue. Nos élèves se retrouvent dans la boue et j’ai pitié d’eux."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 15 Décembre 2020 à 19:37 | Lu 110 fois