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“Espérons que cette enquête ouvre enfin les yeux de la population”


Tahiti, le 9 mars 2021 - Pour l’association 193, l’enquête choc baptisée "Toxique" menée par le média d'investigation Disclose sur l'impact réel des essais nucléaires en Polynésie, doit permettre de “libérer la parole” des victimes. Le président de l’organisation, Père Auguste, attend notamment de l’État qu’il “assume pleinement les conséquences d’une contamination à l’échelle d’une population”. Ce, à défaut de demander pardon aux Polynésiens.  
 
Vous avez participé, vous aussi, à cette enquête, que vous inspire la diffusion de ces révélations chocs ?
“Ça confirme les doutes que les associations ont depuis le début, que quelque chose de grave se passe dans ce pays et qu’il y a une logique de négation des impacts des essais. Cette enquête vient abattre l’idée répandue que si impact il y a, il ne concerne que les travailleurs de Moruroa et de Fangataufa. Ce qui arrangeait bien l’État. Or, cette étude montre bien que toute la Polynésie a été touchée. Donc, à l’État de changer de discours et d’avoir le courage d’aborder cette question difficile. Pour les indemnisations, je pense que nous ne pouvons exiger une réparation non seulement individuelle, mais aussi à l’échelle du Pays et des dépenses qu’il a pu engager dans l’accompagnement des malades, via la CPS.”
"Qu’on arrête de dire que c’est une affaire du passé"

Peut-on s’attendre à ce que cette enquête libère la parole du côté des victimes qui ont parfois peur de s’exprimer ?
“On espère que ça va libérer la parole mais aussi les consciences. Dans ce pays, quand on parle du nucléaire il faut laisser de côté certaine craintes et certains préjugés. Peut-être que l’effet positif qu’on peut attendre de ces recherches, qui s’appuient sur 2 000 documents déclassifiés, c'est qu'elles ouvrent enfin les yeux de toute la population, de tous les archipels et pas seulement ceux touchés par les essais. On espère qu’ils vont se lever et qu’ils vont enfin interpeller l’État. Qu’on arrête de dire que c’est une affaire du passé. Voilà une autre propagande de certains responsables politiques qui disent que c’est du passé.”

Qu’est-ce que l’association 193 attend de l’État ?
“Bien-sûr qu'on attend de l’État qu’il demande pardon. Depuis la création de l’association 193 –et d’ailleurs c’est dans nos statuts– nous avons toujours réclamé la demande de pardon. On nous a répondu que ce n’était pas possible et que l’État ne le ferait jamais, parce que l’État n’a pas à répondre de choses invraisemblables, qui n’existent pas ou qui relèvent du fantasme, comme celui de dire que tous les archipels ont été touchés. Est-ce qu’il va le faire ? On ne sait pas. Par contre, on attend qu’il assume pleinement les conséquences de contaminations à l’échelle d’une population cette fois-ci.”
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 9 Mars 2021 à 17:36 | Lu 1947 fois