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Entre télé qui s'essoufle et internet sans revenus, le MIP se cherche


PARIS, 7 avril 2014 (AFP) - Entre la télé traditionnelle, en panne d'idées et d'argent, et un monde de la vidéo sur internet sans modèle économique clair, les producteurs présents au MIPTV 2014 cherchent la solution.

L'AFP a posé trois questions à Takis Candilis, patron de Lagardère Entertainment, et Fabrice Larue, de Newen. Ils représentent deux des principales sociétés de production françaises.

Comment se porte le marché des émissions "de flux" (jeux, magazines, concours de talents...)

Takis Candilis: "Ce marché est vivace, car les programmes de flux sont moins coûteux que la fiction, et donnent plus d'identité à une chaîne. Mais les chaînes préfèrent encore acheter des formats internationaux déjà testés. Maintenant les formats tournent un peu en rond. On a essoré le monde de la cuisine, du concours de talents, de la musique... Tout le monde attend la nouvelle génération de programmes, qui devront être interactifs. Elle tarde à venir, car les chaînes ont encore peur que le 2e écran (ordinateurs, tablettes, smartphones) ne supplante le 1er écran (la télévision). On attend de voir le résultat de +Rising Star+" (le télé-crochet interactif que M6 et une douzaine de télés mondiales lancent à la rentrée, ndlr).

Fabrice Larue: "Il existe moins d'offre d'émissions de flux depuis deux ou trois ans, ce sont toujours un peu les mêmes choses, des jeux ou des concours de talents. Aussi, y a-t-il une prime à la rareté, et les chaînes peuvent parfois acheter un format sur un simple dossier papier. Nous présentons un nouveau jeu au MIP, +Run and Buzz+, et plus d'une centaine d'acheteurs internationaux se sont inscrits, alors que nous ne présentons qu'un +trailer+ de quelques minutes".

Quelles sont les tendances dans la fiction ?

Takis Candilis: "La tendance actuelle est d'adapter des séries étrangères, mais c'est un non-sens. Canal+ qui adapte +The Bridge+ pour faire +Tunnel+, France 2 qui diffuse la série britannique +Broadchurch+ et veut l'adapter... A quoi bon, si l'original est un succès? Pourtant on vient nous demander nos formats, par exemples celui de +Nos chers Voisins+. Une autre tendance est de décliner des films en séries, comme nous le faisons pour +Le Transporteur+. Nous voyons aussi se développer des mini-séries sur une seule saison. Enfin, une autre tendance est celle de travailler pour des marques: nous produisons pour une douzaine de marques des vidéos de 3 à 7 minutes, des tutoriaux, des films d'évasion, d'humour..."

Fabrice Larue: "Dans la fiction, la plupart du temps les chaînes achètent des formats de fiction étrangers pour les reproduire localement. Il est difficile maintenant de vendre des fictions toutes faites, même si nous avons pu le faire avec +le Sang de la Vigne+, vendu aux Etats-Unis. En France, les chaînes ont moins de moyens, le marché français est atone et nos marges ont été divisées par deux en trois ans, comme pour tous les producteurs. Nous devons chercher des relais de croissance à l'international".

Comment Internet change-t-il la donne pour le marché de l'audiovisuel?

Takis Candilis: "C'est un MIP de transition plus que de révolution. Internet est un tout autre marché. La production sur internet n'est pas encore mature, elle se rentabilise peu car la monétisation est balbutiante, et les nouveautés passent vite de mode. Le marché attend l'arrivée de Netflix (attendu à l'automne en France, ndlr), avant la révolution digitale... Nous avons quelques chaînes sur YouTube mais cela n'a pas encore de sens économique de produire exclusivement sur internet. Par ailleurs, si Netfix veut nous acheter des progammes, très bien. Tout ce qui crée de nouveaux débouchés est bon, s'ils respectent les règles".

Fabrice Larue: "la production sur Internet n'a pas encore de modèle économique. Mais nous continuons à produire sur le net même si cela ne génère pas de revenus, car cela nous amène un grand succès éditorial. Ainsi les extraits vidéo de l'émission de Cauet sur NRJ12 ont enregistré depuis son lancement il y a un an plus de 460 millions de vidéos vues, mais sans guère de revenus. Les recettes publicitaires sur Internet en France, selon une étude Roland Berger, s'élèvent à plus de 3 milliards d'euros, dont la moitié pour Google et YouTube..."

leb/fa/ed

Rédigé par () le Lundi 7 Avril 2014 à 05:46 | Lu 625 fois