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Enjeu mondial, deux milliards d'humains dépendent encore de modes de cuisson délétères


ASHRAF SHAZLY / AFP
ASHRAF SHAZLY / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 26/07/2023 - C'est un cri d'alarme que lancent l'ONU, l'Agence internationale de l'énergie et la Banque africaine de développement: près d'un tiers de la population mondiale recourt encore à des modes de cuisson délétères pour la santé, le développement et le climat.

Et pourtant, financer des poêles plus propres résoudrait une grande partie du problème pour un coût relativement modeste.

Aujourd'hui, 2,3 milliards de personnes sont contraintes de cuire leurs aliments sur feu ouvert ou sur des poêles rudimentaires chauffées par du charbon, du fumier ou des déchets agricoles, souligne un rapport de l'AIE et de la BAD publié mercredi. Les femmes et les enfants sont les premiers affectés par la nocivité de ces équipements, pour beaucoup en Afrique subsaharienne mais pas seulement.

Ces pratiques "devraient se rencontrer uniquement dans les livres d'histoire", a déploré le directeur de l'AIE, Fatih Birol, devant la presse, regrettant que le sujet n'attire "pas l'attention" qu'il mérite.

L'air pollué produit par ces émanations provoque chaque année 3,7 millions de morts, troisième cause de décès prématurés dans le monde et deuxième en Afrique.

Ce sont des maladies respiratoires, mais aussi des particules nocives qui "atteignent tous les organes", a expliqué Maria Neira, directrice santé publique à l'OMS, listant les impacts: AVC, cancers, maladies chroniques... Chez le jeune enfant, c'est une cause majeure de pneumonie.

"Aujourd'hui, une forte proportion de la population cuisine comme à l'âge de pierre", s'est-elle indignée, "telle est l'image qui me vient devant ces feux ouverts et ces femmes collectant du bois ou toute autre source d'énergie très polluante".

La recherche de combustibles et la préparation des repas incombent en général aux femmes, qui selon ce rapport y passent en moyenne cinq heures par jour, autant de temps qu'elles ne consacrent pas à l'école ou à un travail qui pourrait soutenir émancipation et revenus.

Dégradation en Afrique

Ces combustibles, en ne brûlant que partiellement, génèrent en outre, en se décomposant, du méthane qui renforce le réchauffement climatique. Ce besoin conduit aussi à perdre chaque année des surfaces de forêts équivalentes à la taille de l'Irlande.

L'AIE a fait le calcul: passer à des modes "propres" d'ici 2030 ferait économiser à la planète 1,5 milliard de tonnes de gaz à effet de serre (sur une cinquantaine de milliards par an).

Les grands pays d'Asie - Chine, Inde, Indonésie - ont réalisé des progrès depuis les années 2010, grâce à des mesures étatiques volontaristes. Mais la situation se détériore dans de nombreuses régions d'Afrique subsaharienne: près d'un milliard de personnes y étaient en 2022 dépourvues de matériel adéquat, contre 750 millions en 2010.

Ce "nombre n'a jamais cessé de croître et nous ne voyons pas la tendance s'inverser à court terme", a souligné l'experte de l'AIE Laura Cozzi.

Et pourtant le problème "pourrait être solutionné au cours de cette décennie avec des investissements relativement modestes" en matériels et infrastructures, chiffrés à 8 milliards de dollars par an, insistent BAD et AIE: c'est moins de 1% de ce que les gouvernements du monde ont dépensé en 2022 pour limiter la facture énergétique de leurs citoyens. 

Solaire, biogaz, et surtout gaz de pétrole liquéfié sont autant de solutions alternatives connues.

Mais il faut les diffuser de façon volontariste auprès de ménages qui n'ont pour la plupart pas les moyens de se les offrir: un poêle "propre" coûte plusieurs mois de revenus, selon le rapport.

"C'est une question de volonté politique des gouvernements, des banques de développement et autres entités désireuses d'éradiquer la pauvreté et l'inégalité entre les sexes", dit Fatih Birol.

Or "aujourd'hui, nous manquons à notre devoir envers ces femmes", a-t-il ajouté, lançant aussi "un appel" aux compagnies pétrolières, qui l'an dernier ont engrangé 4.000 milliards de dollars de revenus, "une minuscule portion" des besoins estimés pour régler ce problème.

Kevin Kariuki, vice-président de la BAD, a "espéré que la communauté internationale saisira l'occasion" d'agir.

Huit milliards "n'est pas un montant insurmontable, au vu des avantages attendus", a-t-il relevé, une somme très loin des profits rapportés par chaque entreprise du top 10 mondial, a-t-il aussi souligné.

le Mercredi 26 Juillet 2023 à 06:37 | Lu 671 fois