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En Syrie, les habitants d'une ville d'Idleb fuient par milliers les frappes du régime


Khan Shaykhun, Syrie | AFP | jeudi 07/03/2019 - Profitant d'une accalmie après des bombardements du régime syrien, Abou Abdou al-Sarmani roule dans sa camionnette en direction de Khan Cheikhoun. Il va récupérer meubles et effets personnels qu'il n'avait pu emmener la veille en fuyant la ville à la hâte avec sa famille.

Censée être épargnée en vertu d'un accord de cessez-le feu conclu en septembre, cette ville de la province d'Idleb (nord-ouest) est depuis plusieurs semaines la cible de frappes aériennes de l'armée de Bachar al-Assad. Ses rues son désormais désertes.
"Il y a eu une trêve et tout s'est calmé, puis les bombardements ont repris et nous ne pouvions plus rester", raconte M. Sarmani, qui a dû quitter sa ville avec son épouse et ses trois filles.
Comme lui, plus de 7.000 personnes ont abandonné Khan Cheikhoun depuis début février, trouvant parfois refuge dans des secteurs d'Idleb situés plus au nord dans la province, près de la frontière avec la Turquie, selon l'ONU. 
"Les bombardements étaient très proches (...). J'ai passé deux heures caché dans la salle de bain", raconte l'homme de 36 ans, vêtu d'un blouson aviateur marron.
Idleb, dominée aujourd'hui par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), une organisation formée par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, représente le dernier bastion en Syrie hostile au régime de Damas.
En septembre, Ankara, qui appuie les rebelles, et Moscou, allié indéfectible du régime, ont signé un accord stipulant la création d'une "zone démilitarisée" séparant les secteurs insurgés des zones gouvernementales attenantes.
Cette zone tampon, large de 15 à 20 km et qui passe juste au sud de Khan Cheikhoun, devait selon l'accord être nettoyée des armes lourdes, tandis que les jihadistes devaient s'en retirer.
 

- "Pas d'hôpitaux" -

 
Le plan n'a été que partiellement appliqué, même s'il a permis d'empêcher une offensive d'envergure du régime contre cette région qui abrite quelque trois millions d'habitants, dont la moitié sont déjà des déplacés venus de bastions rebelles reconquis par le pouvoir à travers le pays.
La famille de M. Sarmani a aussi déserté Khan Cheikhoun en raison des conditions de vie difficiles, souligne le père de famille.
"Il n'y a plus de travail, plus d'habitants, pas d'hôpitaux, pas de médecins, ni de pharmacies, ou d'infrastructures de base", déplore ce comptable, qui s'est installé dans la ville de Sarmada, à 100 km plus au nord.
Aux abords de Khan Cheikhoun, deux ânes broutent de l'herbe dans un champ alors que des nuages de fumée grise s'élèvent de la ville après des bombardements du régime.
"On espère ne pas rester longtemps déplacés", affirme M. Sarmani devant une camionnette chargée d'un grand tapis de jute, d'oreillers, de couvertures et d'une bombonne de gaz.
Le régime de Damas a reconquis ces dernières années près des deux tiers de la Syrie dont les principaux axes routiers utilisés pour les échanges commerciaux.
La province d'Idleb est d'autant plus dans le viseur du régime qu'un tronçon de l'autoroute Damas-Alep (nord) traverse Idleb, notamment via Khan Cheikhoun.
 

- "Bombardements violents" -

 
Au moins 48 civils, dont 15 enfants, ont été tués depuis février dans les bombardements sur la ville, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Les jihadistes ont également mené ces derniers jours plusieurs attaques meurtrières contre les forces du régime.
A Khan Cheikhoun, Ahmad Faraj entasse ses affaires dans un camion: des chaises en plastique et des sacs remplis de coques de pistaches qui serviront à allumer un feu pour se chauffer.
C'est la deuxième fois que ce fermier de 29 ans est déplacé en quelques mois avec sa famille. Il est originaire d'un village voisin, Zaka. 
"Quand nous sommes arrivés ici il y a environ trois mois, la ville était sûre", raconte le jeune homme, vêtu d'un survêtement à capuche gris et bleu.
Mais "depuis un mois, les bombardements sont violents (...) les avions de chasse sillonnent de nouveau le ciel".
Pour ne pas s'éloigner de ses terres, M. Faraja, son épouse et leur enfant, ont trouvé refuge à Morek, une ville située dans le secteur prévu pour la "zone démilitarisée".
Il espère que les observateurs turcs qui y sont déployés constituent un gage de sécurité. 
Mais il reste dubitatif. "Nous craignons une offensive contre la région. Si les postes d'observation (turcs) le pouvaient, ils auraient empêché ces bombardements".

le Jeudi 7 Mars 2019 à 02:49 | Lu 243 fois