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En Nouvelle-Calédonie, le oui à l'indépendance serait "une surprise" (expert)


Nouméa, France | AFP | samedi 26/09/2020 -A une semaine du second référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie, le géopoliticien et spécialiste en géographie électorale Pierre-Christophe Pantz juge peu probable que l'indépendance l'emporte, mais estime que l'écart entre les deux camps pourrait encore se resserrer.

Question: Quels sont les principaux enseignements du premier référendum en 2018?

Réponse: C'est déjà la victoire du +non+, avec 18.535 voix d'avance, et 56,7 % des suffrages. 

C'est aussi le taux de participation, le plus haut depuis près de trente ans. Cela a été une vrai surprise, parce que depuis 2004 les taux de participation en Nouvelle-Calédonie n'ont cessé de baisser, sans discontinuer, avec une forme de dégradation de la conscience politique (...) 

Il y a aussi la relative surprise par rapport à ce que présageaient les sondages. On nous annonçait des  70%/30%, 65%/35%. Mais quand on regarde le rapport de force qui s'exerce depuis une trentaine d'années aux élections provinciales, la surprise n'est pas si grande. Des résultats (pour les indépendantistes, ndlr) autour de 41%, 42%, c'est la constance depuis une trentaine d'années. 

Les particularités de ce premier référendum ont été les mêmes que pendant toutes les élections provinciales, à savoir un vote cristallisé, d'un point de vue ethnique, géographique et social. C'est ce caractère immuable qui est pour moi l'enseignement le plus important du résultat.

Q: Qu'est ce qui a changé depuis deux ans?

R: Déjà, il y a 6.500 nouveaux électeurs de plus par rapport à 2018.

Et le climat politique s'est durci. On voit qu'il y a une forme de radicalisation entre les deux camps, le dialogue est rompu. 

Le paysage politique a aussi changé: les élections provinciales en 2019 ont consacré de nouveaux partis au pouvoir, notamment l'Avenir en confiance (coalition de droite, proche de LR, ndlr), qui a été élu notamment à la tête de la province sud.

Enfin, on ne vote pas de la même manière au 1er ou au 2e référendum. Le premier on essaie, le second, il y a un peu plus d'enjeux, de tensions, avec quelque chose d'un peu plus définitif qui pourrait arriver.

Q: Le Oui peut-il l'emporter?

R: Pour moi ce serait une surprise que le oui l'emporte. On se situe dans un rapport de forces qui a très peu évolué depuis l'accord de Nouméa. (...). Il serait extrêmement surprenant que l'on ait une progression des indépendantistes au delà de 50%. 

Ce qui est probable c'est qu'il y ait un resserrement, mais en marge. Quand on regarde la cartographie de l'abstention, on voit qu'il y a des endroits où on peut encore aller chercher des abstentionnistes (33.000 au premier référendum). Je pense notamment aux Iles Loyauté, favorables au vote indépendantistes, et dans certains quartiers de Nouméa. 

Tout dépendra de la mobilisation des abstentionnistes, ou si on arrive à convaincre l'autre camp, mais l'hypothèse est improbable quand on connait l'imperméabilité du vote en Nouvelle-Calédonie. (...) Ça fait trente ans qu'on observe que dans un camp ou dans l'autre, on n'a pas réussi à convaincre les autres communautés. Il y a des exceptions, mais la tendance majoritaire c'est que le vote indépendantiste est un vote essentiellement identitaire et essentiellement kanak, et que le vote non indépendantiste est un vote essentiellement non kanak. Il y a une forme de corrélation entre la répartition du vote et la répartition ethnique.  

Mais même si le +oui+ l'emporte avec 50 ou 51%, il y aura toujours au moins la moitié de la population (...) qui sera contre cette idée d'indépendance. A l'inverse, s'il y a deux fois "non" au 2e et 3e référendum, on ne pourra pas enlever le fait que le vote indépendantiste est un vote identitaire et ne va pas s'éteindre. Dans les deux sens, ce référendum n'apporte pas vraiment de vrai solution.

le Dimanche 27 Septembre 2020 à 12:04 | Lu 1247 fois