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En Nouvelle-Calédonie, le dialogue réamorcé après les tensions du référendum


Nouméa, France | AFP | vendredi 30/10/2020 - Lors d'une visite en Nouvelle-Calédonie "hors norme" et "sans sujet tabou", le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a réamorcé le dialogue entre partisans et opposants à l'indépendance de l'archipel, après le référendum du 4 octobre, qui a ravivé les tensions.       

"Je voulais donner une chance au dialogue et quand j'ai vu que ça marchait, je ne voulais pas que des contingences logistiques puissent y mettre fin", a déclaré vendredi aux médias locaux Sébastien Lecornu, expliquant pourquoi il avait décidé la veille de rallonger sa visite de deux jours.      

"Ensemble, nous avons défini une méthode. (...) Il faut qu'on arrive à un plan de dialogue dans lequel on avance sur les effets du oui et les effets du non (à l'indépendance, ndlr). Nous devons lever les ambiguïtés de fond", s'est fixé le ministre.   

Selon un participant, les échanges "se sont déroulés dans une ambiance respectueuse", tout en estimant que "c'est loin d'être gagné".         

Au total, la visite ministérielle aura duré trois semaines puisque Sébastien Lecornu, arrivé le 9 octobre, a d'abord été confiné 14 jours, selon le strict contrôle sanitaire des frontières, le coronavirus ne circulant pas dans l'archipel de 270.000 habitants.         

Jeudi, à l'issue d'une préfiguration de la "Place de la paix" à Nouméa, où la statue d'un personnage controversé de la période coloniale fera place à celle de deux figures de la réconciliation, le loyaliste caldoche Jacques Lafleur et l'indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou, le ministre s'est isolé durant plusieurs heures avec dix des principaux dirigeants calédoniens, cinq de chaque camp.          

Sur un îlot tropical au nord de Nouméa, où l'Etat possède une résidence, la réunion était destinée à amorcer "sans sujet tabou" un dialogue en panne depuis plus deux ans. 

Le 4 octobre, dans le cadre du processus de décolonisation de l'accord de Nouméa (1998), les Calédoniens ont pour la deuxième fois répondu non à la question : "voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante?"        

Mais l'écart entre les deux camps s'est nettement resserré par rapport au premier vote du 4 novembre 2018, générant tensions et inquiétudes. Les loyalistes ont reculé de 56,7% à 53,3% tandis que les indépendantistes sont montés de 43,3% à 46,7%.        

 "Carabistouilles" 
           
M. Lecornu a donc tenté un véritable travail de déminage, multipliant déplacements et entretiens avec les élus mais aussi la société civile.

Il a notamment déploré que les questions institutionnelles phagocytent le débat alors que l'économie est en berne, sous le double effet de la crise sanitaire et des incertitudes politiques.        

Le contenu des discussions n'a pas filtré mais Sébastien Lecornu a indiqué avoir posé quatre questions majeures à ses interlocuteurs: "qu'est-ce qu'être Français en 2020? Qu'est-ce qu'être indépendant en 2020? Qu'est-ce que la souveraineté? et quelle relation avec la France?".        

"Je pense que des vérités difficiles créeront plus de paix et de concorde que des mensonges, y compris des mensonges par omission", a-t-il averti, tout en répétant que "la paix n'est pas négociable" et refusant "les chantages à la violence".

L'histoire de la Nouvelle-Calédonie a été marquée par plusieurs années de quasi guerre civile entre Kanak, peuple premier, et Caldoches, d'origine européenne, qui avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988 (25 morts). 

Après le départ du ministre samedi et compte tenu de la crise sanitaire, les débats devraient se poursuivre en visio-conférence lors de rendez-vous réguliers.

"On a six mois utiles", a souligné M. Lecornu en référence à l'échéance d'avril, date à laquelle, conformément à l'accord de Nouméa, un troisième et ultime référendum sur l'indépendance peut être demandé et organisé d'ici 2022. Ce que souhaitent les indépendantistes et que refusent les non indépendantistes.        

"Il ne faut pas se raconter de carabistouilles", a-t-il dit, reprenant un terme remarqué d'Emmanuel Macron. "Quoiqu'il arrive il y aura un nouvel accord. Si le non l'emporte de nouveau, le processus de décolonisation se poursuivra. Si le oui gagne, ce sera un accord de transition. On ne va pas plier le drapeau du jour au lendemain, on n'abandonnera personne", a assuré le ministre. 

le Vendredi 30 Octobre 2020 à 04:53 | Lu 1247 fois