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Edward Snowden, le geek libertaire entré en guerre contre Big Brother


Edward Snowden, le geek libertaire entré en guerre contre Big Brother
WASHINGTON, 12 juillet 2013 (AFP) - Le jeune "traître" traqué par Washington pour avoir livré à trois journaux des secrets explosifs sur l'espionnage américain se décrit comme un patriote défenseur de la Constitution, un "geek" autodidacte refroidi au fil des ans par le Big Brother américain.

Son passeport a été annulé, les pays prêts à l'accueillir se comptent sur les doigts d'une main, et il dit avoir perdu "sa famille, une maison au paradis" et "un grand confort".

Malgré tout, Edward Snowden l'a redit vendredi à Moscou sans détour: il assume son sacrifice.

Né le 21 juin 1983 dans l'est des Etats-Unis, Edward Snowden abandonne le lycée à 15 ans. Dans des témoignages recueillis par la presse américaine, ses camarades de classe ne se souviennent que d'un blondinet discret, le nez dans son ordinateur.

Mais sur internet, Snowden est intarissable. Sous l'avatar "TheTrueHOOHA", il laisse à partir de 2003 sur des forums de jeux et de hackers, notamment sur le site Ars Technica, des centaines de commentaires, vite retrouvés après sa sortie de l'ombre le 9 juin dernier. Ars Technica a en outre exhumé, grâce à des utilisateurs, des conversations non archivées de "chat rooms" entre 2007 et 2009.

On y découvre un Snowden provocateur et sûr de lui, sur tous les sujets: les étrangers, les filles, la religion, les armes...

En 2006, après des petits boulots de vigile, le jeune homme est recruté comme informaticien par la CIA, d'abord aux Etats-Unis puis en Suisse. Le banlieusard américain découvre l'étranger, mène grand train à Genève, sous couverture diplomatique et avec un gros salaire.

Snowden dévoile ses opinions politiques. Il vante le retour à l'étalon-or, une grande cause du libertaire Ron Paul, candidat aux primaires républicaines pour les présidentielles de 2008 et 2012 -- à qui il fera deux dons de 250 dollars en 2012.

Il insulte au passage le président de la Banque centrale américaine et rappelle que "notre société a réussi à très bien s'en sortir pendant des centaines d'années sans sécurité sociale".

En 2009, Snowden quitte la CIA et rejoint l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) au Japon, comme sous-traitant. Sur internet, il évoque rarement son métier. Il explose, en janvier 2009, contre les sources anonymes qui ont donné des détails d'opérations secrètes contre l'Iran au New York Times: "Il faut leur tirer dans les couilles".

Mais en 2010, sur Ars Technica, le ton change et il confie ses craintes sur "l'obéissance aveugle des gens aux espions".

"Je n'ai aucun regret"

Quand Snowden se montre à visage découvert lors d'une première interview au Guardian puis d'une rencontre à l'aéroport de Moscou avec des ONG, c'est un homme éloquent et déterminé qui apparaît. Il relate sa lente conversion en "donneur d'alerte", un statut protégé par la loi américaine que lui conteste le gouvernement qui le qualifie de fugitif.

"Il n'y a pas eu de déclic. Mais j'ai assisté à la litanie continue de mensonges des responsables de l'administration au Congrès et donc aux Américains", explique-t-il dans un chat sur le site du Guardian. Le président Barack Obama l'a déçu, en laissant se développer les programmes de surveillance de la NSA.

Est-il un traître, comme le disent de nombreux élus et l'ancien vice-président Dick Cheney? "Etre qualifié de traître par Dick Cheney est le plus grand honneur qu'on puisse faire à un Américain", rétorque-t-il, en renvoyant Cheney aux 4.400 Américains et 100.000 Irakiens morts dans la guerre d'Irak.

"Ce pays mérite qu'on meurt pour lui", lance-t-il.

Il s'offusque quand des rumeurs suggèrent que les Chinois et les Russes auraient profité de ses escales pour nettoyer ses disques durs.

"Je n'ai pas cherché à m'enrichir. Je n'ai pas essayé de vendre des secrets américains. Je n'ai pas passé d'accord avec des Etats étrangers pour garantir ma sécurité. A la place, j'ai dit au grand public ce que je savais, pour que ce qui nous affecte tous puisse être débattu au grand jour", dit-il dans un communiqué le 12 juillet, citant la Constitution américaine et la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

Son père, Lon, et l'avocat de celui-ci le qualifient de "patriote", de "Paul Revere des temps modernes", du nom d'un des héros de la guerre d'indépendance américaine.

Edward Snowden révèle au South China Morning Post que c'est au nom de cette cause, dans le seul but de récupérer des documents confidentiels, qu'il se fait embaucher en mars à Hawaii par Booz Allen Hamilton, où il occupait jusqu'en mai la fonction "d'analyste infrastructures" pour la NSA, au salaire de 10.000 dollars par mois.

"La décision morale d'informer le grand public sur un espionnage qui nous affecte tous m'a coûté cher, mais c'était la bonne chose à faire, et je n'ai aucun regret".

ico/sam

Rédigé par () le Vendredi 12 Juillet 2013 à 06:48 | Lu 5322 fois