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Déserts médicaux: le Sénat cible la liberté d'installation des médecins


Déserts médicaux: le Sénat cible la liberté d'installation des médecins
PARIS, 07 fév 2013 (AFP) - Le Sénat préconise, dans un rapport publié jeudi, de restreindre la liberté d'installation des médecins libéraux, en se calquant sur les mesures coercitives déjà appliquées aux autres professions de santé, afin de mieux lutter contre les "déserts médicaux".

Ce rapport, adopté par la Haute assemblée et élaboré par le groupe de travail sur "la présence médicale sur l'ensemble du territoire", jette ce pavé dans la mare à la veille du premier discours important sur la santé que doit prononcer vendredi à Grenoble le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

Le groupe de travail est présidé par un sénateur socialiste, Jean-Luc Fichet (Finistère), et dont le rapporteur, Hervé Maurey, est un centriste (UDI-UC).

Dans ses propositions pour lutter efficacement contre les "déserts médicaux", zones rurales ou quartiers urbains sans présence médicale, le rapport intègre des mesures de coercition alors que le plan présenté en décembre par la ministre de la Santé ne contient que des mesures incitatives.

"Toute liberté doit être régulée", a déclaré devant la presse M. Maurey, soulignant qu'en dehors des médecins, aucun autre professionnel de santé de statut libéral (infirmières, pharmaciens, kinés, sages-femmes etc) ne peut s'installer où il veut.

Le rapport préconise d'étendre pour les médecins le "conventionnement sélectif" qui existe déjà pour les autres professions de santé: si un praticien libéral veut s'installer en zone où ses confrères sont déjà nombreux, il ne sera pas conventionné par la Sécu et ses patients ne seront donc pas remboursés.

Selon M. Maurey, l'application de ce conventionnement sélectif a permis d'augmenter le nombre d'infirmières libérales de 30% en trois ans (de 2008 à 2011) en zones dites "sous-dotées".

Pour les médecins spécialistes, tout juste diplômés, le rapport prévoit d'instaurer une obligation d'exercer pendant deux ans, à la fin de leurs études, à temps plein ou à temps partiel, "dans les hôpitaux des chefs-lieux de départements où le manque de spécialistes est reconnu par les agences régionales de santé" (ARS).

De plus, le rapport demande d'"informer dès à présent les étudiants en médecine de la possibilité d'être contraints d'exercer dans des zones sous-dotées si la situation ne s'est pas améliorée au terme de la législature".

"Courage politique"

"Les professionnels de santé aujourd'hui régulés ne comprennent pas pourquoi les médecins ne le sont toujours pas. De nombreux médecins rencontrés (...) admettent d'ailleurs cette nécessité", écrit M. Maurey dans le rapport.

Pour la plupart des syndicats de médecins libéraux français, la liberté d'installation n'est pas négociable. Par le passé, des tentatives ont eu lieu pour la restreindre mais sans succès.

Cette question, qui demande "du courage politique", divise à la fois la gauche et la droite, a souligné M. Maurey, en rappelant que Nicolas Sarkozy avait choisi plus de contraintes avant de faire machine arrière pour ne pas s'aliéner une catégorie professionnelle votant plutôt à droite.

Il a affirmé qu'il y a deux ans, Jean-Marc Ayrault, alors dans l'opposition, avait préconisé que toute nouvelle installation de médecins soit soumise à autorisation préalable des Agences régionales de santé (ARS).

Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait cependant repoussé la coercition, contrairement à Martine Aubry au cours des primaires socialistes.

Le rapport sénatorial souligne que "les mesures incitatives n'ont pas eu d'effet décisif", tout en étant coûteuses, à l'instar de différents rapports la Cour des comptes. Il préconise aussi un numerus clausus régional et non plus national, la création, au niveau départemental, d'une "commission de la démographie médicale" et une réforme des études médicales moins centrées sur l'hôpital.

Prélude aux critiques que ce travail sénatorial devrait susciter chez les syndicats de médecins, des représentants d'organisations d'étudiants et d'internes sont intervenus en pleine conférence de presse pour en dénoncer les aspects contraignants.

hel/bfr/df

Rédigé par Par Hervé LIONNET le Jeudi 7 Février 2013 à 05:59 | Lu 379 fois