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Des ‘ao réintroduits à Huahine


© SOP Manu
© SOP Manu
Tahiti, le 26 février 2024 - La Société d'ornithologie de Polynésie (SOP Manu) a réintroduit ce lundi matin trois spécimens de hérons striés à Huahine. Alors que le nombre de hérons a drastiquement baissé à cause de l'urbanisation de l'île, passant à 70 spécimens, le 'ao connaît aujourd'hui un nouveau départ dans la nature luxuriante de Huahine.

Cela fait presque 15 ans que Thomas Ghestemme, directeur de la Société d'ornithologie de Polynésie (SOP Manu), planche sur la mise en place d'une action pour sauver le 'ao, cette sous-espèce du héron strié endémique de Tahiti. Et pour cause, la sous-espèce présente uniquement sur l'île traverse actuellement de bien mauvais jours. “Le héron strié de Tahiti est une espèce qui est rare, il ne reste que 70 individus. Voyant l'urbanisation qui ne va pas s'arrêter à Tahiti, on est conscient que l'espèce est vouée à disparaître, donc on cherchait depuis 2009 un autre endroit pour créer une deuxième population de cette espèce.
 
L’urbanisation en tort
 
C'est donc l'urbanisation, ce fléau bétonné qui est à l'origine du déclin de l'espèce. “Plus précisément l'enrochement des rivières et l'urbanisation des côtes”, précise Thomas Ghestemme. Pourtant, en plus de faire partie du patrimoine du Fenua, cette espèce est surtout une pièce maîtresse de la biodiversité tahitienne. “Elle fait partie de Tahiti, les milieux fonctionnent avec cette espèce. C'est un indicateur de bonne santé de l'écosystème. Si tout allait bien, il y aurait des centaines de hérons à Tahiti”, ajoute le directeur de la SOP Manu. Mais son statut de sous-espèce endémique (le fait que l'espèce existe ailleurs, mais qu'une sous-espèce existe uniquement à Tahiti) aurait quelque peu freiné les actions de conservation en sa faveur, au profit des espèces purement endémiques comme le monarque (espèce présente uniquement à Tahiti).
 
Pour enrayer la disparition du ‘ao, la SOP Manu a donc décidé d'implanter une nouvelle population de ces hérons, ailleurs en Polynésie. “C'est une des solutions pour éviter que les espèces disparaissent, qu'il y ait une deuxième population quelque part, au moins s'il y a un problème sur la première population, la deuxième est toujours là”, explique Thomas Ghestemme. Après 15 ans de dur labeur et de réflexion avec le Pays qui soutient la SOP Manu dans son action, un lieu est enfin trouvé pour abriter cette deuxième population de hérons : Huahine et sa nature à couper le souffle. “L'habitat à Huahine est plus que favorable avec une urbanisation bien moins importante qu'à Tahiti.” De plus, des paléontologues ont découvert la présence d'ossements de hérons striés à Huahine, preuve d'une présence passée. “C'est une réintroduction, un retour à la maison”, ajoute Thomas Ghestemme.
 
La réintroduction, un aboutissement
 

Ce lundi matin, c'est fatigués mais avec le sourire jusqu'aux oreilles que sont arrivés Thomas et ses collaborateurs à l'aéroport de Faa’a, trois boîtes sous le bras. “Réussir à les attraper, les transporter et les libérer une fois équipés de leurs émetteurs est un vrai défi technique et logistique”, explique-t-il. Surtout que la réintroduction d'une espèce de héron est une grande première ici. La veille au soir, toute la SOP Manu s'est affairée à capturer quelques individus pour le grand voyage. “On était neuf personnes sur une zone très poissonneuse dont les hérons raffolent, on a mis plusieurs filets et c'est comme ça qu'on a réussi à attraper trois individus.”
 
Ce lundi 26 février, ces trois hérons juvéniles ont donc entamé leur voyage vers leur nouveau chez-eux, à Huahine. Un voyage et une acclimatation qui se sont faits en douceur, grâce à Air Tahiti, partenaire de l'événement, et une association sur place très impliquée dans cette réintroduction. “Pour les relâcher, il y aura une volière avec des poissons vivant à l'intérieur pour permettre aux oiseaux de s'alimenter. On va aussi leur poser des émetteurs pour les suivre pendant plusieurs mois, grâce à la présence d'une collègue qui reste trois mois sur l'île pour voir comment ils s'habituent à ce nouvel environnement.”
 
Bien sûr, ce n'est que la première pierre posée d'une action qui se voudra encore longue. “Ce n'est pas la fin du projet, on a prévu d'amener une vingtaine d'oiseaux dans les trois prochaines années, pour que génétiquement, ils soient assez pour fonder une nouvelle population”, conclut Thomas Ghestemme.

© Tom Larcher
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Rédigé par Tom Larcher le Lundi 26 Février 2024 à 16:41 | Lu 3547 fois