Tahiti Infos

Déploiement imminent de la campagne de vaccination au fenua


Tahiti, le 5 janvier 2021 - La Direction de la santé a présenté mardi la stratégie de déploiement de la campagne de vaccination contre le Covid-19 en Polynésie. Déclinée en quatre phases, elle consiste à prioriser les populations cibles, à commencer par les personnes les plus susceptibles de développer des formes graves. Dans l'immédiat, il s'agit de réduire la mortalité. Le détail.

L'arrivée du tout premier lot de vaccins Pfizer dès jeudi à l'aéroport de Tahiti-Faa'a annonce le déploiement imminent de la campagne de vaccination en Polynésie française. Pas de date précise pour l'instant, mais une stratégie qui doit permettre d'atteindre quatre objectifs : "baisser la morbi-mortalité, protéger le système de soin, préserver le fonctionnement du Pays et garantir la sécurité des vaccins et la vaccination."

Priorisation des populations cibles

Face à la pression de la demande mondiale, la Polynésie sera elle aussi soumise à l'arrivée progressive des vaccins. Dans ce contexte, difficile de tenir un échéancier précis. "On ne peut pas parce que ce sont des productions mondiales que tout le monde réclame. D'un point de vue éthique, nous allons tous recevoir des vaccins au prorata de notre population" justifie Pierrick Adam, responsable du programme des maladies infectieuses à la Direction de la santé, également responsable de la campagne de vaccination. "Il n'y a pas de précédent, en revanche nous avons beaucoup d'incertitudes".

Il a donc fallu prioriser les populations cibles en fonction du risque de développer des formes graves et en fonction du risque de transmettre à ces personnes, puisque pour des raisons évidentes de volume, impossible de vacciner tout le monde en même temps. "On est dépendant des dotations de la France, donc on s'adaptera" poursuit le responsable. "Il ne s'agit pas encore d'éradiquer l'épidémie mais de prévenir les formes graves de la maladie et donc la mortalité" intervient Laurence Bonnac-Théron, à la tête de la Direction de la santé. C'est son personnel qui va administrer le vaccin en quatre étapes.

​Quatre phases

Prévu dans le courant du mois de janvier, la phase 1 vise les 75 ans et plus, les personnels en établissements sanitaires ainsi que les professions libérales sur Tahiti et Moorea. Cette phase comprend également le personnel de l'hôpital de Nuku Hiva et celui de l'hôpital de Raiatea. Soit près de 7 000 personnes, correspondant d'ailleurs à l'arrivage du premier lot d'environ 15 000 doses, à raison de deux injections par personnes à 21 jours d'intervalle.

La deuxième phase élargit le spectre aux 60 - 74 ans, au personnel médico-social ou social, ainsi qu'aux "professions essentielles au fonctionnement du Pays", à l'instar par exemple des armateurs, des pompiers ou des mūto'i. Vient ensuite la phase 3 qui vise les 18 à 59 ans avec carnet rouge, ainsi que le personnel de santé ou des professions essentielles qui n'auraient pas encore été vaccinées. Reste la phase 4, qui concernera le reste de la population.

​​Logistique compliquée dans les îles pour le vaccin Pfizer

Sur les îles en revanche, il faudra attendre l'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'autres vaccins que Pfizer/BioNTech dont la température de conservation (-80°) impose vitesse et maîtrise de la chaîne du froid. Une exigence qui complique passablement la logistique sur les sites éloignés. "On attendra les prochaines dotations qui permettront d'avoir un choix différent, on parle de Moderna et de AstraZeneca, prochains candidats à recevoir une AMM" rassure le pilote de la campagne. Outre une efficacité de 95%, Moderna présente l'avantage de se conserver dans un frigo classique à -4 degrés, tandis que l'AstraZeneca est moins coûteux et plus facile à conserver. Une fois que ces derniers seront homologués, le déploiement dans les îles pourra se faire comme à Tahiti, en commençant d'abord par les plus de 75 ans, avant d'élargir la cible.

Le mode opératoire sur le terrain

Plus concrètement, la Direction de la santé va ouvrir "progressivement" des centres de vaccination dédiés, ouverts de 13 à 17 heures, cinq jours sur sept : quatre à Tahiti et un à Moorea pour commencer, puis dans les îles. "On fera ça en séquentiel, on calibrera en fonction des besoins" précise Pierrick Adam. La personne cible peut, soit s'adresser à son médecin traitant pour une prescription, soit se présenter au centre où elle sera reçue par un médecin. "On vérifie qu'il n'y a pas de contre-indication, que les patients sont éligibles, c'est-à-dire dans la phase qui est en cours. On vérifie également que la personne a bien compris ce que c'est la vaccination", explicite le responsable.

L'acte de vaccination –avec le médecin ou l'infirmier– sera précédé d'un petit examen paramédical, "pour voir si la personne n'a pas de maladie en cours, ni de symptôme qui nécessite de décaler l'acte de quelques jours" poursuit le responsable. Le deuxième rendez-vous pour la 2e injection sera fixé dans la foulée, permettant de délivrer une attestation de vaccination. Enfin, dans certains cas, la Direction de la santé prévoit le déplacement de petites unités à domicile chez les personnes qui ne pourront pas se déplacer jusqu'au centre.

"Tout ceci va prendre du temps, on part quand même sur une année" prévient Pierrick Adam. La Direction de la santé ne manquera pas de solliciter les médias pour donner le top départ de la première phase. À ce moment-là, les autorités invitent les Polynésiens à se montrer attentifs aux phases de vaccination et à se présenter uniquement lorsque leur tour est venu. Quant à ceux qui ont déjà contracté le Covid, ils ne sont pas concernés par le vaccin.
 

Pierrick Adam, responsable de la campagne de vaccination : "Venez quand c'est votre tour"

La stratégie vaccinale consiste à élargir le public cible au fur et à mesure ?
Tout à fait, nous allons agir sur un indicateur de santé publique pour diminuer la mortalité due à la Covid-19. L'idée, c'est de prioriser les arrivées de vaccins aux personnes les plus susceptibles de développer des formes symptomatiques qui pourraient devenir graves, entraînant hospitalisation, réanimation et décès.

Il s'agit de venir uniquement quand c'est son tour ?
Exactement. Venez quand c'est votre tour. La vaccination est gratuite et non obligatoire, mais on vous conseille fortement de la faire. Au début, on commencera par Tahiti et Moorea, puisque d'un point de vue logistique, les premières dotations que nous allons recevoir de Pfizer nécessitent des conditions de conservation et de transport très spécifiques, à -80 degrés, ce qui est très difficile à mettre en œuvre dans les îles. Cependant en phase 1, nous allons faire cet effort pour les professionnels de santé de Nuku Hiva et de Raiatea, mais pour les autres îles on attendra les prochaines dotations qui permettront d'avoir un choix différent, on parle de Moderna et de AstraZeneca, prochains candidats à recevoir une AMM.

Concrètement, qu'est-ce que cette campagne de vaccination va changer dans le quotidien des gens ?
Dans l'immédiat, elle va empêcher les personnes les plus fragiles de développer des formes symptomatiques et des formes graves. On va également protéger le fonctionnement de l'hôpital. C'est ça la priorité. In fine, on appellera tout le monde à la vaccination, l'idée sera d'avoir un contrôle de cette maladie, et de pouvoir l'endiguer, ça c'est vraiment l'espoir que nous avons. Mais il va falloir du temps.

D'après vous, comment sera accueilli le vaccin ?
On voit que le taux de couverture vaccinale des enfants, de l'ordre de 90 à 95%, est quand même très très bon, donc a priori on a moins ce problème de défiance ici qu'en France. Mais on n'a pas non plus encore été fouiller et on n'a pas d'autres indicateurs, mais je suis plutôt confiant sur l'engagement communautaire vers la vaccination.
 

Le vaccin Pfizer/BioNTech, comment ça marche ?

Comme tous les vaccins, celui de Pfizer apprend à l'organisme à reconnaître un pathogène pour qu'il produise une réponse immunitaire. Pour y parvenir, dans le cas des maladies virales, plusieurs techniques "classiques" existent, l'une des plus utilisées consiste à inoculer un virus atténué ou inactivé, de façon à ce qu'il soit inoffensif pour le patient mais reconnaissable par l'organisme.

Dans le cas des vaccins à ARN messager, produits notamment par les sociétés Pfizer/BioNtech et Moderna, on injecte une molécule fabriquée en laboratoire qui va demander à nos cellules de fabriquer une protéine Sars-CoV-2, appelée "spike" : en forme de pointe, c'est elle qui permet au virus de pénétrer dans la cellule humaine pour l'infecter.

En reconnaissant ces protéines "étrangères" mais inoffensives, l'organisme va déclencher une réponse immunitaire et produire des anticorps capables de neutraliser le Sars-CoV-2 s'il venait à nous infecter.

Ces deux vaccins censés sauver le monde sont basés sur cette même stratégie consistant à introduire des instructions génétiques dans l'organisme pour déclencher la production d'une protéine identique à celle du coronavirus et provoquer une réponse immunitaire. La technologie de "l'ARN messager" met l'organisme à contribution en lui indiquant comment se défendre face au virus.

Avec AFP
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 5 Janvier 2021 à 19:00 | Lu 3434 fois