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"De Tahiti à la Nouvelle-Zélande, il n’y a qu’un rêve"


PAPEETE, le 24 décembre 2015 - La jeune femme, originaire de Papeete, vit depuis un an en Nouvelle-Zélande, à Auckland. Après y être venue pour un séjour linguistique de plusieurs mois, Mairearii Tauira est tombée folle amoureuse du pays et ne veut plus en repartir. Pour elle, son avenir se joue ici : sur la terre du long nuage blanc.

"Je suis vraiment désolée, j’avais complètement oublié notre rendez-vous…" Pressée mais pas paniquée, Mairearii Tauira aborde pour excuse un sourire angélique. Des traits fins, une chevelure ébène aux reflets de feu et une peau bronzée par le soleil tahitien. Dès son arrivée, la jeune femme encense de son parfum polynésien l’un des cafés les plus fréquentés de Queen Street, à Auckland, en Nouvelle-Zélande. À l’approche du coup de feu du déjeuner, le bourdonnement des machines et le piaillement des clients redoublent d’intensité. Mairearii Tauira, elle, nonchalante, respire la tranquillité, un infatigable sourire éclairant son doux visage. Cela fait plusieurs mois que la Tahitienne vit à Auckland, plus grande ville de Nouvelle-Zélande avec un million d’habitants. Loin de son île, elle n’en a pas pour autant perdu le rythme. La cadence aucklandaise ne l’atteint pas. Mairearii Tauira bat le pavé de Queen Street à sa manière. "Je me sens bien ici. C’est un très bon environnement, tout le monde est très sociable, très ouvert", déclare-t-elle.

La Nouvelle-Zélande, Mairearii Tauira y pensait depuis longtemps. À Papeete, là où elle vivait juste avant de prendre l’avion pour Auckland, elle avait pu suivre les aventures néo-zélandaises de sa cousine. "Je voulais venir avec elle pendant les vacances de juillet mais malheureusement, à l’époque, je n’ai pas eu le temps", soupire la jolie brune. Pour autant, son rêve de vivre en Nouvelle-Zélande ne s’évanouit pas. Une fois son baccalauréat obtenu, la question de l’avenir se pose. "Ma mère m’a demandé ce que je voulais faire après le bac. Je lui ai répondu que je voulais venir en Nouvelle-Zélande." Il ne lui en faut pas plus, en 2012, c’est le grand saut.

"Mon futur est ici, en Nouvelle-Zélande"


Mairearri Tauira vient une première fois à Auckland, pendant sept mois, pour un séjour linguistique. Elle réussit un examen d’anglais, qui lui donne le droit d’étudier en Nouvelle-Zélande. "J’ai quand même dû rentrer à Tahiti pendant deux mois. Une fois de retour, j’ai trouvé du travail dans un magasin de surf car une copine connaissait le patron. À Tahiti, il n’y a qu’avec le piston que nous pouvons trouver du travail, autrement, c’est impossible. Même lorsque nous avons des diplômes…", explique la jeune femme, rougissant, comme gênée par sa propre analyse. Finalement, son petit ami reçoit une bourse pour poursuivre ses études en Nouvelle-Zélande. Mairearri Tauira n’a pas cette chance. Peu importe, elle boucle ses bagages et le suit.

La pétillante brune contracte un prêt étudiant et revient à Auckland. "J’ai découvert l’ITC, l’International Travel College. Du coup, j’ai intégré cette école spécialisée dans la formation aux métiers du tourisme." Objectif : devenir hôtesse de l’air. Mais pas pour Air Tahiti."Mon futur est en Nouvelle-Zélande. Je ne veux pas retourner à Tahiti. Je veux vivre ici, trouver un travail et fonder une famille… " Tomber amoureuse de la langue de Shakespeare et du pays des All Blacks, la jeune femme ne regrette en rien sa Polynésie natale. "J’étais acceptée dans le BTS Marketing pour lequel j’avais postulé, mais je préférais 1000 fois venir ici. Je n’avais pas non plus envie d’Amérique et la métropole est bien trop loin. La Nouvelle-Zélande n’est qu’à 5 heures de vol. Ici, les gens sont très cools. Le pays est très riche naturellement, tout est très vert. Et puis, au moins, il y a les quatre saisons…"

Une chance


Mairearri Tauira pourrait continuer la liste des "merveilles" de "sa" Nouvelle-Zélande pendant des heures. Les yeux rivés sur la table en imitation marbre du café, ses doigts jouant avec les boucles naturelles de ses cheveux longs, l’étudiante savoure sa chance. Car elle le sait, venir ici, ce n’est pas donné à tout le monde. "C’est vraiment dur pour nous les jeunes de Tahiti. Nous sommes obligés de sortir de notre île si nous voulons réussir, à condition d’en avoir les moyens. Certains de mes amis n’ont pas la chance que j’ai. Une de mes copines ne peut pas se le permettre, elle doit rester à Tahiti et fait des petits boulots… Quand elle en trouve." Malheureusement, à la fin du mois de décembre, elle retournera à Papeete. Faute de moyens, elle ne peut poursuivre ses études, qui devaient se faire sur deux ans. Pas question pour autant d’abandonner son rêve. "Je vais rentrer et passer un peu de temps à Tahiti. Quand j’aurais assez d’argent, je reviendrai et essaierai de trouver un travail pour me faire sponsoriser. Je pense pouvoir le faire dans le courant de l’année prochaine." Rêve ou réalité ? L’avenir le dira. Pour l’heure Mairearri Tauira doit reprendre le chemin de l’université.

Il est presque 13 heures. Dans le café, la queue des travailleurs affamés et pressés se réduit petit à petit. Regardant l’heure sur son téléphone portable, la Tahitienne se lève. D’un coup de main, elle balaie ses longs cheveux bruns par-dessus son épaule. "Je suis censée commencer dans minutes mais j’ai encore un peu de temps. L’ambiance à l’université est assez détendue. Cet après-midi, nous devons présenter des choses à l’oral, c’est plutôt une discussion….", décrit-elle avec son éternel sourire. Mairearri Tauira remonte lentement Queen Street et picore des yeux chaque détail de cette ville et de ce pays, dont elle espère, un jour, faire définitivement partie.

Maoris et Tahitiens, des peuples très proches

Si Mairearri Tauira se sent tellement bien en Nouvelle-Zélande c’est qu’il y a bon nombre de choses dont elle se sent proches. A commencer par le peuple Maori. Depuis le début de son aventure, la Tahitienne se loge dans une famille de natifs. "Pour moi, c’est une culture dont nous, les Tahitiens, sommes proches", explique t-elle. Lors de son arrivée en Nouvelle-Zélande, impossible de distinguer les Maoris des Tahitiens. "S’ils ne parlaient pas anglais, j’aurais tout de suite pensé qu’ils étaient tahitiens." Ressemblance physique, mêmes produits utilisés pour cuisiner, similitudes dans les danses ou dans les langages, Mairearri Tauira voit les Maoris comme des cousins proches. "Même si le Haka, par exemple, est plus proche des Marquises que de Tahiti, il y a quand même beaucoup de choses que nous avons en commun, comme avec les Tongiens, Les Samoans, les Calédoniens ou les habitants des îles Cook. Beaucoup de mes collègues de classe viennent de ces parties-là du monde et je trouve que nous sommes très semblables dans notre façon de penser et de voir les choses."

"Nous ne sommes pas aussi forts que les Maoris. A Tahiti, nous commençons à perdre notre culture…"

Pour la jeune Tahitienne, voir la culture maorie développée comme elle l’est en Nouvelle-Zélande l’a fait rêver. "Ici, les Maoris font en sorte que leur culture ne se perde pas. Ils sont battants, plus que nous, à Tahiti. Ils essayent de la transmettre à leurs enfants. Leur langue survit. Je crois que de nombreuses écoles proposent des cours de te reo. Chez nous, à Tahiti, ce n’est pas du tout comme cela. Nous perdons notre culture à vue d’œil. Nous ne sommes pas aussi forts que les Maoris. La culture tahitienne survit avec le tourisme mais sinon, il ne reste pas grand-chose. Par exemple, je ne sais pas du tout parler tahitien. D’ailleurs, un jour, ma mère m’a demandé pourquoi vouloir apprendre une autre langue alors que je ne parlais même pas la mienne. Notre génération ne s’intéresse plus à ça. Nous sommes trop absorber par nos ordinateurs et nos smartphones. Il n’y a plus que quelques parents qui poussent leurs enfants à parler tahitien mais ils ne sont pas nombreux. Pour ma part, j’aimerais bien l’apprendre. A Auckland, je connais un couple de Tahitien dont les enfants peuvent parler français et anglais parfaitement et ils essaient aussi de leur apprendre le tahitien. Si je vis ici, je pense que j’essaierai de faire la même chose."

Rédigé par Amélie David le Jeudi 24 Décembre 2015 à 09:34 | Lu 3568 fois