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DJ Fred, le procès de la cyber pédopornographie


PAPEETE, le 5 novembre 2019 - Le procès de Wilfrid Atapo, dit dj Fred, a débuté mardi devant le tribunal correctionnel de Papeete. En ce premier jour d’audience, l’homme, auquel il est reproché d’avoir fait chanter des mineurs parfois très jeunes à l’aide d’images à caractère pédopornographique, a reconnu les faits particulièrement sordides qui lui sont reprochés. Jugé en état de récidive légale, il encourt 20 ans de prison.

En ce premier jour du procès de Wilfrid Atapo, le président du tribunal correctionnel de Papeete a évoqué un dossier “hors-norme” en raison du “nombre de victimes” –une “centaine de mineurs”– ainsi que de la personnalité du prévenu, un homme doué de “fines connaissances en informatique” qui lui ont permis d’obtenir un “mode opératoire rôdé”. Le magistrat a rappelé que ce dossier devait également interroger les adultes sur le rapport que leurs enfants ont avec les réseaux sociaux.

Wilfrid Atapo, bien connu dans le monde de la nuit sous le nom de DJ Fred, comparaît depuis hier devant le tribunal correctionnel pour répondre de neuf infractions ayant fait des dizaines de victimes mineures. Entre 2013 et 2017, ce père de deux enfants, particulièrement doué en informatique, avait utilisé un site de phishing (hameçonnage) afin d’usurper les identifiants et les mots de passe de comptes Facebook qu’il utilisait ensuite pour entrer en contact avec des garçons et filles mineurs. Ils s’adressaient à ces derniers en leur demandant des photos à caractère sexuel et s’en servait ensuite pour les faire chanter. Lors d’une perquisition effectuée à son domicile, les enquêteurs avaient mis la main sur un important matériel informatique dont dix disques durs externes dans lesquels se trouvaient notamment des centaines d’images de mineurs dans des positions pornographiques.


Cyber intimidation

L’ampleur et la gravité des faits sont violemment apparues en ce premier jour de procès lorsque le président du tribunal a évoqué chaque victime. Par le biais des réseaux sociaux, DJ Fred pratiquait de la “cyber intimidation”. Parmi les dizaines de victimes : une enfant de 12 ans à laquelle il avait arraché, à force de menaces et de chantage, plus de 569 photos à caractère pédopornographique. A un autre jeune garçon, il avait demandé de photographier sa sœur de 6 ans dans une position sexuelle alors que la petite dormait.

Face à ce chapelet de traumatismes subis par les victimes, Wilfrid Atapo a fait preuve hier d’une grande froideur tout en reconnaissant les faits. “Je suis tombé dans mon propre piège, dans l’addiction. Car aujourd’hui, tout le monde est connecté, c’est facile d’obtenir des informations”, a-t-il déclaré à la barre.

"Asservir et instrumentaliser"

Même froideur de l’intéressé lorsque le président du tribunal a égrené les lourdes conséquences des faits sur certaines victimes qui souffrent aujourd’hui de “culpabilité”, qui ont baigné dans un climat de “contrainte, de contrôle, d’isolement et de manipulation”. L’un des psychiatres ayant examiné de nombreuses victimes avait d’ailleurs souligné la force des violences psychologiques, “très efficaces” pour “asservir et instrumentaliser l’autre à loisir”, et qui relèvent d’une “véritable entreprise de démolition identitaire pour que les victimes se sentent inférieures”.

Appelé à réagir à ce constat, Wilfrid Atapo a indiqué à plusieurs reprises qu’il ne savait “pas quoi dire”, qu’il ignorait “comment réagir”. Alors que le président du tribunal lui rappelait la tentative de suicide de l’une des victimes mineures, DJ Fred a simplement répondu qu’il ne pensait pas à l’époque que les choses pouvaient aller aussi loin. L’homme, très détaché, a cependant indiqué que sa position avait changé depuis une récente hospitalisation. Après deux jours de coma, il a indiqué qu’il avait commencé à “prendre conscience de la gravité des faits”. Il a aussi concédé que le fait de rencontrer des mineurs pour avoir des relations sexuelles avait pu constituer un “fantasme”.

Un "grand professionnel"

Après une première matinée consacrée aux faits particulièrement sordides que la pudeur interdit d’approfondir, le tribunal s’est penché sur la personnalité de Wilfrid Atapo lors de la reprise de l’audience. Après avoir passé une enfance “relativement heureuse”, le prévenu a échoué deux fois à l’épreuve du baccalauréat. Il s’est ensuite dirigé vers la musique. C’est donc en qualité de DJ qu’il s’est fait connaître et embaucher dans une discothèque bien connue de Papeete au sein de laquelle il a exercé durant 14 ans. Entendu lors de l’instruction, le gérant de l’établissement avait d’ailleurs évoqué un “grand professionnel”, un “bon élément”.

Selon l’expert-psychiatre qui l’a examiné, Wilfrid Atapo ne souffre pas de pathologie. Il présente cependant les traits d’un “pervers narcissique” qui manque d’ “empathie” et pour lequel “tout paraît être un jeu”. DJ Fred a un “sens grandiose de son importance” et se pense “spécial et unique”. Au regard de son “absence de conscience du caractère répréhensible des faits”, Wilfrid Atapo présente un “risque important de récidive”.

Victimes collatérales

Si l’évocation des faits avait laissé le prévenu de marbre, l’exposé de sa situation familiale et de son état de santé l’ont plongé dans un grand état de détresse. Wilfrid Atapo s’est littéralement effondré en parlant de ses enfants, malheureuses victimes collatérales de son comportement. Ce à quoi le président du tribunal n’a pas manqué de lui rappeler que de nombreuses photos de victimes mineures à caractère pédopornographique circulaient encore sur internet puisqu’il les avaient diffusées.

Le procès s’achèvera demain avec les réquisitions du procureur de la République et la plaidoirie de l’avocat de Wilfrid Atapo. Le prévenu, jugé en état de récidive légale pour avoir déjà été condamné en 2015, encourt 20 ans de prison.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 5 Novembre 2019 à 18:05 | Lu 4448 fois