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Crime de Tikehau : Les enquêteurs ébahis par la "perversité des coups"


Tahiti, le 8 mars 2021 - Le procès d'un homme de 51 ans, poursuivi pour le meurtre de sa femme, a débuté lundi devant la cour d'assises de Papeete pour trois jours. Le 18 octobre 2018 à Tikehau, l'accusé avait très violemment battu son épouse en lui portant des coups de pieds de poing, de planche et de rondins de bois. En ce premier jour de débats, les enquêteurs sont venus expliquer à la barre qu'ils avaient rarement vu un tel déchaînement de violences. L'accusé, dont le procès reprendra mardi matin, encourt la perpétuité.
 
En ce 8 mars, journée internationale des droits de femmes, le procès d'un ancien mūto'i poursuivi pour le meurtre de son épouse, qu'il battait régulièrement, s'est ouvert devant la cour d'assises de Papeete en présence des trois enfants du couple. Les faits, particulièrement glauques et violents, s'étaient déroulés à Tikehau dans la soirée du 18 octobre 2018. Ce soir-là, l'ancien mūto'i et son épouse, désormais coprahculteurs, avaient été invités par des touristes à dîner sur un luxueux catamaran après leur avoir offert du poisson grillé plus tôt dans la journée. Accompagnés de sa sœur et de son beau-frère, l'ex-policier municipal, qui pesait alors 130 kilos pour 1m80, et son épouse avaient donc passé une bonne soirée quelque peu arrosée. Après le cocktail dînatoire offert par les touristes, la victime, ivre selon les témoins, avait trébuché et était tombée dans l'eau. Elle avait été secourue par le capitaine et cette scène avait déclenché la colère de l'ancien mūto'i qui n'avait pas supporté que sa femme lui “fasse honte”. L'homme lui avait alors porté les premiers coups.
 
Sentant qu'elle allait être de nouveau battue, la victime avait demandé aux touristes si elle pouvait dormir sur leur bateau. Ils avaient accepté mais son époux l'avait forcée à rentrer avec lui en promettant à ses hôtes qu'il était désormais calmé. Sur la petite embarcation qui les ramenait sur la plage, l'homme avait redoublé de violence en frappant de nouveau sa concubine. Il avait tenté de lui briser la jambe et le bras sur le rebord du bateau et lui avait finalement asséné un coup de planche de bois en choisissant l'angle de cette dernière pour la frapper dans les flancs. Apeurée et déjà mal en point, la victime avait tenté de se réfugier dans les bras de sa belle-sœur qui était également présente avec son mari, atteint d'une pathologie cardiaque. Une fois le rivage atteint, l'ancien policier avait encore frappé son épouse avec ses poings, ses pieds, un manche de rame et des rondins de bois. Sous la violence répétée des coups, la victime avait fini par perdre connaissance. Alors qu'elle était dans le coma, l'homme lui avait jeté deux seaux d'eau au visage. Constatant qu'elle était toujours inanimée, il l'avait mise dans une brouette et l'avait ramenée chez lui où il l'avait mise sur un matelas et s'était endormi à ses côtés. Vers quatre heures du matin, l'accusé s'était réveillé pour constater que sa femme était décédée et avait fini par demander à des proches d'appeler les secours.

"Détruire la victime"

De leur propre aveu à la barre de la cour d'assises au premier jour du procès lundi, les deux enquêteurs avaient rarement vu un tel déferlement de violences commises sur une femme. Le militaire chevronné de la Section de recherches de Papeete, qui avait été saisie lors du drame, a ainsi affirmé qu'une “telle perversité dans les coups” était peu courante et que l'accusé avait cherché à “détruire la victime”. Lors de l'enquête, les éléments recueillis avaient permis de dresser le portrait d'un homme pour lequel la résolution des conflits passait uniquement par la violence et qui n'arrivait pas à contrôler ses colères. Père de trois enfants, l'accusé avait été remercié de la police municipale en raison de son tempérament bagarreur. Si le voisinage, les proches et les enfants du couple avaient expliqué que la victime présentait souvent des marques de coups, elle n'avait jamais porté plainte et tendait à défendre son mari lorsqu'il était remis en question.

Changement de versions

Et comme toujours dans ces drames intrafamiliaux, les enfants sont des victimes collatérales qui restent partagés entre les faits et l'amour qu'ils portent à leurs parents. A l'image de la fille aînée de la victime qui a expliqué aux jurés qu'elle aimait encore son père. “Il y beaucoup de personnes qui ne comprennent pas que ma sœur et moi-même allions encore le voir à la maison d'arrêt. Au début, j'ai bien essayé de le détester mais je n'y suis pas arrivée. Il n'a pas toujours été l'homme que l'on décrit et il reste notre père”.
 
Invité à s'exprimer sur les faits après le témoignage de sa fille, l'accusé a nié toute intention de tuer son épouse en affirmant notamment, à l'inverse ce qu'il avait déclaré lors de ses précédentes auditions, qu'il avait été possédé et qu'il ne savait plus ce qu'il faisait. Lors de sa garde à vue, il avait cependant reconnu qu'il voulait la tuer. Son procès reprendra mardi matin.

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 8 Mars 2021 à 18:02 | Lu 5150 fois