Tahiti Infos

Coronavirus: moment de vérité pour les capacités de dépistage


Paris, France | AFP | mardi 19/05/2020 - Les campagnes de dépistage massif lancées autour des 25 nouveaux foyers de Covid-19 identifiés en France vont constituer un premier test des capacités de diagnostic du pays, essentielles pour éviter une reprise de l'épidémie, après un déploiement parfois laborieux.

Ouverture de nouveaux points de dépistage en "drive", mise en service de machines à tester de grande capacité, organisation de la remontée des cas positifs... La première semaine du déconfinement a été l'occasion de finaliser cette nouvelle organisation, avec toujours en ligne de mire l'objectif de pouvoir monter si besoin à 700.000 tests par semaine.

"L'objectif, c'est que toutes les personnes qui ont besoin d'être dépistées aient pu l'être", rappelle le ministère de la Santé, c'est-à-dire l'ensemble des patients présentant des symptômes évoquant la maladie Covid, les personnes ayant été en contact rapproché avec les cas confirmés mais aussi certains Ehpad. Un saut quantitatif important, car pendant le confinement, même les patients symptomatiques ne faisaient pas systématiquement l'objet d'une confirmation par un test biologique.

Les premiers jours d'application de cette nouvelle doctrine ont mis en évidence quelques grains de sable dans la "machine à tester", malgré un nombre de cas suspects de Covid encore faible après huit semaines de confinement. 

Certains médecins généralistes signalent ainsi attendre encore les résultats de leur patients plusieurs jours après le prélèvement, alors qu'ils doivent normalement être rendus en 24 heures, et le nouveau système informatique pour faire remonter les résultats des tests (Sidep, pour Service intégré de dépistage et de prévention) n'a été opérationnel qu'en milieu de semaine dernière.

La semaine en cours constitue donc le vrai test de "l'efficience du dispositif", estime François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB), avec le dépistage autour des foyers épidémiques identifiés et le début des tests des cas contact hors foyer familial, puisqu'il a été estimé qu'il fallait attendre sept jours après le contact pour avoir un résultat le plus fiable possible.

"S'il y a des foyers épidémiques très importants qui se multiplient, est-ce qu'on va avoir de quoi dépister tout le monde rapidement?", s'interroge Xavier Palette, président du Syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH).

3.000 points de prélèvement

Mis à jour en temps réel, le site sante.fr recensait mardi près de 3.000 points de prélèvements Covid: laboratoires de ville, services hospitaliers ou encore points de prélèvement mobiles où l'on peut se rendre en voiture ou même à pied, avec un premier "drive piéton" ouvert vendredi dans le 11e arrondissement de Paris.

Aucun chiffre précis du nombre de tests réalisés n'est en revanche publié. Jusqu'à début mai, Santé publique France indiquait dans chaque bulletin épidémiologique un chiffre non exhaustif (car n'incluant pas l'ensemble des laboratoires) mais qui permettait de suivre l'évolution d'une semaine à l'autre. Cette donnée n'apparaît plus dans le dernier bulletin publié jeudi.

Le système Sidep "nous permettra de disposer, dans les jours qui viennent, d'une vision beaucoup plus exhaustive de la situation", assure le ministère de la Santé, interrogé par l'AFP.

"50.000 tests" de dépistage du nouveau coronavirus sont réalisés chaque jour en France, affirmait dimanche Olivier Véran dans le JDD, soit le même niveau que celui annoncé le 25 avril, lors de sa visite d'un laboratoire d'analyses privé de Saint-Denis.

Pas de "montée en charge", donc. Mais à ce niveau, qui correspond à 350.000 tests par semaine, "nous sommes en mesure de tester tous les Français qui présentent des symptômes et tous les cas contact", selon le ministre. 

Quant à l'objectif de 700.000 tests par semaine, il "correspond aux capacités, et non au nombre de tests qui sera effectivement réalisé", précise le ministère.

Il avait été calculé à partir d'une estimation de 3.000 nouveaux cas positifs quotidiens, multipliés par 25 personnes contact en moyenne pour chacun, soit un total de 525.000 tests par semaine, porté à 700.000 pour disposer d'une marge de sécurité.

"On a les automates pour le faire en théorie, mais la logistique pour les faire réellement n'est pas encore en place", tempère Jean-Paul Feugeas, président du Syndicat national des médecins biologistes des CHU (SNMBCHU), interrogé par l'AFP.

Le biologiste fait allusion aux 20 machines de la société chinoise MGI commandées par les autorités. Ces automates à haut débit augmentent les capacités d'extraction du matériel génétique du virus, permettant aux laboratoires d'analyser jusqu'à 2.400 échantillons par jour.

Mais certains hôpitaux ont eu du mal à les connecter à leur système informatique, d'autres ont besoin de personnel supplémentaire pour les faire fonctionner et actuellement, elles sont loin de tourner à plein régime, observe le Dr Palette.

Il revient aux Agences régionales de santé de donner des instructions aux laboratoires pour leur dire où pratiquer des dépistage de grande ampleur, explique le Dr Feugeas.

Et si l'activité de tests s'intensifie, il y a un "doute" sur le niveau des stocks de certains réactifs, des écouvillons utilisés pour les prélèvements ou encore des surblouses de protection, mais aussi sur la disponibilité de personnel qualifié pour réaliser ces prélèvements, pointent les deux biologistes.

"Dans le privé on s'est approvisionné. La grosse question de chef d'entreprise que j'ai aujourd'hui c'est de savoir si les réactifs ne vont pas me rester sur les bras", estime au contraire François Blanchecotte, au vu de la faible affluence dans ses laboratoires ces derniers jours.

le Mardi 19 Mai 2020 à 05:39 | Lu 243 fois