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Concilier travail et traitement anticancéreux, un pari qui reste difficile


Concilier travail et traitement anticancéreux, un pari qui reste difficile
PARIS, 12 septembre 2013 (AFP) - Concilier vie professionnelle et traitements anticancéreux s'impose comme une nécessité chez certains patients, mais ce choix reste un véritable parcours d'obstacles.

"J'ai pris ma décision lorsque j'ai compris que la maladie s'installait durablement dans ma vie", témoigne Laurence Delavet, 47 ans, une patiente en rechute de cancer du sein.

Fonctionnaire titulaire à la mairie de Paris, elle bénéficie d'un mi-temps thérapeutique et de transports pris en charge pour se rendre à ses séances hebdomadaires de chimiothérapie, qu'elle déclare bien "tolérer".

"Mais, reconnaît-elle, ce fut un véritable parcours du combattant pour y arriver", ce que confirment d'autres patientes atteintes de cancer du sein réunies jeudi à Paris, à l'occasion de la présentation de la première étude sur le maintien au travail pendant un traitement anticancéreux.

Réalisée entre mars et novembre 2012 auprès de 97 oncologues libéraux et de 216 patientes atteintes d'un cancer du sein et désireuses de continuer à travailler pendant leur traitement, une étude, Calista, montre clairement la difficulté de jongler entre les deux.

Alors qu'un peu plus d'un cinquième (22%) des femmes qui avaient un emploi au moment du diagnostic souhaitent continuer à travailler pendant leur traitement, seulement la moitié d'entre elles on pu le faire, soit 5% des femmes suivies pour un cancer du sein en France. Leur cancer avait dans la majorité des cas été repéré à un stade précoce.

Selon l'Institut national du cancer (INCa) le nombre de nouveaux cas de cancers du sein en 2012 est estimé à 48.800 dont plus de 26.000 diagnostiqués chez des femmes âgées de moins de 65 ans et donc susceptibles d'exercer une activité professionnelle. Les traitements proposés incluent la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et les traitements ciblés.

"Vivre normalement"

En tête des raisons avancées par les patientes qui souhaitent poursuivre leur activité, figure la volonté de continuer à "vivre normalement" (42%), même si 44% estiment que leur pathologie aura un impact sur l'évolution de leur carrière. Pour les oncologues, le choix des femmes s'expliquerait le plus souvent par des raisons financières (56%).

"Pour certaines femmes, la reconnaissance sociale passe par leur travail, pour d'autres il s'agit de raisons financières, nous devons écouter leur préférences et les accompagner", commente le Dr Eric-Charles Antoine oncologue chirurgien à Neuilly-sur-Seine qui a coordonné l'étude.

Mais il note l'existence d'importants obstacles, comme le refus de l'employeur d'aménager les horaires de travail, des effets secondaires des traitements trop importants, voire "des arrêts de travail systématiquement offerts et trop facilement prolongés".

"Je voulais rester dans la vie (active), mais j'avais sous-estimé la fatigue", reconnaît Jennifer Dufresne, 24 ans qui a dû s'arrêter après avoir poursuivi ses études pendant la durée de son traitement contre un cancer du sein diagnostiqué en 2010.

Pour le Dr Laetitia Rollin, médecin du travail au CHU de Rouen, le maintien tout comme le retour au travail après un cancer est une opération "compliquée" dans laquelle le médecin du travail, l'assistante sociale et d'autres interlocuteurs sont amenés à jouer un rôle.

Mais les patientes connaissent généralement mal les arcanes du système ou les aides dont elles pourraient bénéficier. Certaines se méfient également du médecin du travail en raison de sa proximité avec l'employeur, alors qu'il est tenu au secret médical.

D'autres refusent de bénéficier de mécanismes prévus pour le handicap ou l'invalidité "car ces mots sont trop difficiles à entendre", selon le Dr Rollin.

A ces problèmes s'ajoute l'attitude des collègues de travail qui ne savent généralement pas comment se comporter, voire de l'entourage qui fait pression pour arrêter le travail, note pour sa part la psycho-oncologue Emmanuelle Bedin.

L'étude Calista a été réalisée à l'initiative du Cercle de réflexion de l'oncologie libérale (CROL) avec le soutien institutionnel du laboratoire pharmaceutique Roche.

Rédigé par Par Elisabeth ZINGG le Jeudi 12 Septembre 2013 à 06:28 | Lu 549 fois