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Communiqué du Syndicat des Praticiens Hospitaliers de Polynésie française


Communiqué  du Syndicat des Praticiens Hospitaliers de Polynésie française
Privatisation des laboratoires médicaux publics
Référence : 65/SPHPF/GS

Les praticiens hospitaliers, biologistes, de la direction de la santé et du Centre Hospitalier de Polynésie française ont été informés d’un projet de restructuration des laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM), visant leur intégration prochaine dans une structure à caractère commercial à savoir l’EPIC MALARDE (EPIC : établissement public industriel et commercial). Le projet consisterait à rassembler tous les LABM des hôpitaux de Polynésie française dans une structure commerciale unique, l’Institut Louis Malardé (ILM). Tous les personnels des laboratoires des hôpitaux seraient mutés d’office dans cette entreprise commerciale.

L’institut Malardé a lui-même demandé, dans le passé, à bénéficier du statut juridique d’entreprise commerciale car il disposait d’un LABM en position monopolistique, dont les bénéfices, assortis de subventions du Pays, lui ont permis, pendant de nombreuses années, de financer un administration et un personnel pléthorique en sus des autres activités structurellement déficitaires (activités de recherche). Le temps des vaches grasses est terminé : l’ILM a perdu ses marchés et est devenu gravement déficitaire. C’est pourquoi le Rapport BOLLIET (Rapport d’Assistance à la Polynésie française) a préconisé sa fermeture.

Recommandation n°35 : Dans la perspective de l’ouverture de la chaîne robotique de biologie du CHPF et du rattachement des hôpitaux de la direction de la santé, la mission recommande d’approfondir l’un des scenarios d’ores et déjà identifiés par le ministère de la santé, celui de la fusion-absorption des laboratoires de l’ILM par ceux du CHPF. Deux scenarios peuvent dès lors être recommandés au gouvernement de Polynésie française :
- transformer l’ILM en un établissement public administratif dédié à la recherche, subventionné par le Territoire (maintien voire réduction de l’actuelle subvention) ;
- envisager les conditions de rapprochement des 5 unités de recherche de l’ILM soit de l’université de Polynésie française, soit du CHPF ; décider en conséquence la fermeture de l’Institut Louis Malardé.

C’est une recommandation analogue qu’a faite l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) dans son rapport du 12 août 2010 remis au Président du Pays :

La fermeture partielle ou totale de l'ILM doit être envisagée:
Quoiqu'il en soit, si cette tendance à la baisse [de l’activité d’analyses de biologie médicale] devait se confirmer dans les prochains mois, (les autorisations de fonctionnement délivrées à plusieurs laboratoires privés et l'ouverture prochaine du CHPF devraient impacter l'activité du LABM), il y aura lieu d'envisager la fermeture de l'établissement, soit pour partie, soit entièrement. Dans tous les cas si la rentabilité du LABM n'est plus assurée il est appelé à disparaître. Cette situation a été envisagée par l'ILM dans le cadre d'une mutualisation des moyens avec le CHPF.
Par ailleurs à ce constat se rajoute la probable modification à la baisse de la lettre « clé » en B. Si cette option proposée dans le cadre de la diminution des dépenses de santé devait se confirmer, alors la suppression et le redéploiement des activités, y compris de recherche, de l'ILM vers d'autres organismes devraient s'organiser sans délai.

Ces rapports préconisent la fermeture de l’ILM et le transfert des activités de biologie médicales au CHPF. L’ILM propose, pour sa survie, l’inverse.

Il s’avère que le laboratoire du CHPF, doté d’une chaîne robotique, est en mesure de reprendre, sans dépenses supplémentaires, toutes les analyses de biologie médicale réalisées par l’ILM. Appliquer le rapport Bolliet et l’IGA, c’est-à-dire intégrer des activités de l’ILM dans celle du CHPF, c’est économiser d’emblée 200 millions de francs, c’est-à-dire les salaires versés à la direction et à l’administration de l’ILM. Mais il y a bien d’autres économies d’échelle.

Appliquer le contraire, c’est-à-dire intégrer les LABM hospitaliers dans l’ILM, c’est maintenir des frais de gestion qui représentent 30% du budget de l’ILM. Plus grave, c’est faire payer par l’assurance maladie les analyses médicales que l’ILM va facturer au CHPF au prix officiel de la lettre clé « B » c’est-à-dire à 60FCP l’unité alors que le CHPF produit le B à 30 FCP, soit un surcoût total des analyses de 700 millions de F par an.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que cette stratégie est hasardeuse. Le fonctionnement des laboratoires d'analyses de biologie médicale doit faire l'objet d'une autorisation. L’IGA rappelle au Président du Pays : « Au moment de l'enquête le LABM ne disposait pas de cette autorisation. » D’autre part, si l’ILM, pour remporter la mise, proposait de facturer au CHPF ses prestations à un coût inférieur, l’IGA indique que « ne pas lui appliquer les mêmes règles que celles relatives aux autres laboratoires du secteur privé, dans le cadre d'un marché public fausserait considérablement les règles de la concurrence. » Et enfin, « le ministre de la santé, adjudicataire de ces marchés publics pour le compte de la direction de la santé et président du conseil d'administration de l'ILM se retrouve dans une situation de conflit d'intérêt. Par ailleurs, en cas de contentieux, il s'expose à des sanctions pénales, en particulier, pour délit de favoritisme dans la mesure où l'ILM perçoit une subvention ce qui fausse les règles de la concurrence. »

Les praticiens hospitaliers s’opposent totalement à cette stratégie qui conforte quelques intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général et risque de plonger une peu plus les comptes sociaux du Pays dans le déficit.

Rédigé par Pr. Gilles Soubiran, Président du SPHPF le Lundi 21 Février 2011 à 18:02 | Lu 1444 fois