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Comment la crise sanitaire a influencé nos façons de payer


Tahiti, le 14 mars 2022 – L'Institut d'émission d'outre-mer s'est penché sur l'influence de la crise sanitaire sur nos comportements au moment de passer à la caisse… Cartes sans contact, boutiques en ligne et bonnes vieilles espèces qui font de la résistance, "la crise Covid a accentué la dématérialisation des échanges", constate l'établissement.
 
"La crise de la Covid-19 a influé sur les modes de paiement des Polynésiens sans toutefois remettre en cause les tendances de fond." Les propos liminaires de l'étude publiée lundi par l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) résument bien l'évolution de nos comportements au moment de sortir notre porte-monnaie pendant la crise sanitaire. Si la "dématérialisation" de nos échanges économiques –l'utilisation des cartes bancaires, le paiement en ligne, les virements…– est en marche depuis plusieurs années, elle est apparue indispensable lors des périodes de confinement ou d'obligation du respect d'une distanciation physique. Pour autant, note l'IEOM, l'usage des espèce "demeure bien ancré" au fenua.
 
Les espèces font de la résistance
 
Récemment renouvelés, nos billets et nos pièces de monnaies sont aujourd'hui les seuls moyens de paiement acceptés par tous les commerçants. C'est même une obligation légale. Et malgré la dématérialisation évoquée précédemment, la tendance en Polynésie ces cinq dernières années est à l'accélération des retraits dans les distributeurs bancaires : +2,3% en moyenne par an entre 2016 et 2019. Une évolution que l'IEOM met en lien avec l'augmentation du nombre de nouveaux distributeurs dans le même temps sur le territoire : +10 en trois ans pour arriver à 178 en 2019. L'année 2020, première année du Covid avec un confinement strict de deux mois, a néanmoins vu cette tendance être freinée avec un recul du nombre des retraits et de leurs montants.
 
Pour l'anecdote, près de la moitié des billets en circulation sont des coupures de 1 000 Fcfp et un quart des coupures de 500 Fcfp. Les billets de 10 000 Fcfp sont moins nombreux (22%) et ceux de 5 000 Fcfp sont de loin les moins utilisés (7%). La popularité de nos billets et espèces, "privilégiés dans les achats de faible montant de la vie courante", justifient que leur mise en circulation et le maintien de leur qualité soient une "priorité" de l'IEOM. D'où notamment les campagnes de renouvellement des billets et pièces en 2014 et 2021.
 
La carte, plus présente, plus utilisée
 
Relativement récentes en Polynésie française, leur émergence date de la fin des années 1980, les cartes bancaires sont devenues l'un des moyens de paiement également les plus usités au fenua. "En constante progression, le nombre de cartes bancaires en circulation atteint 238 960 unités en 2020, soit 0,9 carte par habitant." Un taux qui reste inférieur à la métropole (1,1 par habitant) et encore plus à la Nouvelle-Calédonie (1,2). La raison ? Le taux de "bancarisation"–nombre de personnes ayant un compte bancaire dans une population– est plus faible au fenua, en raison de "contraintes sociales et géographiques propres", explique l'IEOM.
 
Ces cinq dernières années, le montant des paiements effectués par cartes bancaire a progressé de 4,9% par an en moyenne chaque année et le nombre des opérations par cartes de 11,3% ! Preuve que la carte bancaire "s'inscrit dans une utilisation quotidienne" et se fait de plus en plus courante, le montant moyen des transactions a au contraire baissé. Il est passé de 11 602 Fcfp en 2016 à 9 232 Fcfp en 2020, avec la baisse la plus marquée lors de cette dernière année Covid. "La carte (…) s'impose comme une alternative aux espèces, y compris pour les paiements de faible montant", constate l'IEOM. Notons également que la fraude aux cartes bancaires est bien plus basse au fenua (0,046%) qu'en métropole (0,079%) ou en Nouvelle-Calédonie (0,08%). Et c'est l'usurpation de numéro de carte qui est la méthode la plus utilisée pour ces fraudes…
 
La crise, catalyseur d'innovations
 
Avec la crise sanitaire, la Polynésie a connu un confinement strict début 2020, un confinement plus "light" en août 2021, de nouvelles règles de distanciation physique ou encore une interruption des vols internationaux et une baisse du tourisme qui ont tous pesés sur les habitudes de paiement. L'information avait déjà été dévoilée, le premier confinement a causé une baisse drastique des versements de billets à l'IEOM. Mais dès la levée des mesures sanitaires, la situation est revenue à son niveau d'avant-crise. Le second confinement n'a quasiment pas été perceptible de ce point de vue.
 
"Dans un souci de limitation de la propagation virale, nombre d’utilisateurs ont privilégié les moyens de paiement sans échanges physiques, favorisant ainsi le développement de la carte bancaire et de la technologie du paiement sans contact", commente l'IEOM. La carte sans contact s'est ainsi rapidement imposée au fenua, d'autant que le plafond de paiement a été relevé de 3 850 à 5 950 Fcfp au début de la crise, en mai 2020. Le montant moyen des paiements par carte s'en est immédiatement ressenti. Il est passé de 9 200 Fcfp entre janvier et avril 2020 à 8 000 Fcfp aujourd'hui !
 
Enfin, l'Institut relève que la crise a "accéléré la mise en œuvre d'innovations techniques pour répondre aux besoins des usagers". Des aménagements de crise qui ont même ouvert la voie à une "mutation durable des comportements". L'IEOM prend l'exemple de la société Tere Tahiti, délégataire du transport collectif de bus, qui a inauguré sa boutique en ligne en septembre 2021. Les titres de transport peuvent être achetés ou rechargés via le téléphone en scannant un QR code. Autre exemple, celui des bons alimentaires délivrés aux familles défavorisées par le Pays, qui vont bientôt passer par "carte prépayée". Une petite révolution.
 

​Moins de comptes bancaires qu'ailleurs

Sur la dernière décennie, la bancarisation –nombre de personnes ayant un compte bancaire dans une population– est restée stable en Polynésie française, le taux de bancarisation a oscillé entre 0,75 et 0,78 titulaires de compte par habitant. Un niveau bien inférieur à celui de la Nouvelle-Calédonie (0,9 en 2020) ou de la France entière (1,27). Et en dépit de la progression démographique, le nombre de comptes à vue a crû de seulement 1,6%, de 214 000 à 218 000. Dans le même temps, le nombre de guichets bancaires s’est restreint (-16%) tandis que celui des distributeurs et guichets automatiques s’est renforcé (+8%).
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 14 Mars 2022 à 19:01 | Lu 2184 fois