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Cinq ans d'inéligibilité et un an ferme requis contre Gaston Flosse


Paris, le 6 septembre 2021 - L'ancien président du Pays était jugé en son absence ce lundi à Paris. Il lui est reproché d'avoir dissimulé près de 200 millions de Fcfp à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Son avocat admet "du travail mal fait" et des négligences mais réfute tout "enrichissement personnel".
 
Le somptueux hôtel particulier dans les quartiers chics de Paris, les tableaux qui disparaissent dans un incendie puis réapparaissent lors de perquisitions menées par les policiers, le compte épargne-retraite bien garni de l'Assemblée de Polynésie… C'est un peu comme si Gaston Flosse était jugé "pour l'ensemble de son œuvre" lundi, devant le tribunal correctionnel à Paris.
 
"Il est intéressant de noter, par rapport à la personnalité du prévenu, que c'est à la suite d'une condamnation et d'une démission consécutive à une peine d'inéligibilité que ces déclarations auraient dû être faites", soulignait le procureur Julien Goldzlagier dans son réquisitoire, très dur pour le Vieux Lion. "S'agissant de la peine, monsieur Flosse a un dossier qui n'est pas habituel par rapport à la probité : je demande une année d'emprisonnement ferme et le maximum de la peine prévue pour l'amende, soit 45 000 euros (environ 5 millions de Fcfp) ainsi que pour l'inéligibilité, soit cinq années." Eu égard au grand âge du prévenu - Gaston Flosse vient de fêter ses 90 ans - le procureur a évoqué à l'audience "la possibilité d'aménager la peine afin que la détention soit effectuée à domicile, sous surveillance électronique".
 
La longue carrière et les fonctions électives de Gaston Flosse – maire, député, sénateur, président – ont constitué au contraire pour son avocat, Me Quinquis, le gros des arguments en faveur "d'une application plus que bienveillante de la loi pénale", qu'il a demandé au tribunal. "Je veux rappeler qui est monsieur Flosse : ce n'est pas un anarchiste, il a été député, sénateur, président et même ministre de la République, il a fait beaucoup pour la Polynésie et la collectivité. C'est un véritable homme d'Etat."
 
Compte retraite
 
Problème, les affaires reprochées à « l'homme d'Etat » se sont multipliées au fil des années et les preuves collectées par de nombreux services de police et de répression de la délinquance financière se sont accumulées. C'est en grande partie en raison de procédures commencées ailleurs, de délits découverts fortuitement par les enquêteurs à l'occasion d'autres affaires, que tous ces signalements pour dissimulation de patrimoine ont été portés à la connaissance de la justice par la Haute autorité à la transparence de la vie publique (HATVP).
 
"On reproche à Monsieur Flosse d'avoir dissimulé un compte-retraite d'une valeur 221 000 euros (environ 27 millions de Fcfp) parce que dans le cadre d'un contrôle judiciaire d'une autre affaire, il a réglé un cautionnement avec un compte non déclaré", rappelait ainsi la présidente du tribunal Bénédicte de Perthuis de Laillevault. "Cela a été repéré par la section de recherche de la gendarmerie et ce alors qu'une femme avait signalé à la justice que Monsieur Flosse avait une assurance-vie. Il a ensuite été avéré qu'il s'agissait bien d'un capital-retraite et que d'après les représentants locaux d'Axa, cela devait bien être pris en compte dans une déclaration de patrimoine. Selon la défense cela n'entre pas en compte dans le calcul de son patrimoine".
 
De quoi faire dire à Me Quinquis, de la défense, que "cela se substitue bien à sa retraite mais il s'agit d'un mécanisme très particulier, spécifique à la Polynésie française, au statut autonome spécial". Sans oublier que "sur ce sujet de la retraite non déclarée, monsieur Flosse est dans l'incompréhension : Alors que pour tout le monde, la retraite ne fait pas partie du patrimoine, il s'accroche à ce point et ne voit pas pourquoi il devait le déclarer". Cette ligne de "l'incompréhension" et de la négligence "sans volonté de dissimulation" est celle que la défense du fondateur du parti orange tient de bout en bout.
 
L'hôtel du Ranelagh
 
Il en est de même, bien que ce soit le sujet le plus acrobatique, à propos de la vente de l'hôtel particulier, rue Ranelagh, dans le 16ème arrondissement de Paris. "Peut-on lui en vouloir de n'avoir pas déclaré ce bien alors que la totalité du produit de la vente était placée sous séquestre ?", s'indigne François Quinquis. "Les déclarations doivent être exhaustives et exhaustives cela veut dire tout !", rappelait pourtant avec un peu d'agacement le procureur de la République un peu plus tôt lors de l'audience. "Les éléments d'actifs et de passifs ne peuvent pas se compenser : on doit faire figurer l'un et l'autre".
 
Il est vrai que cette affaire de la vente de l'hôtel particulier, pour un total de 609 millions de Fcfp (5,1 millions d'euros), est particulièrement embrouillée. Elle est d'ailleurs toujours en cours de jugement, actuellement au niveau de la Cour de cassation, afin de déterminer qui de Gaston Flosse ou de son fils Réginald a droit de toucher le produit de la vente, après apurement des dettes et prise en compte de la séquestre de justice… Pour l'instant, le ministère public estime que la somme dissimulée par Gaston Flosse dans ce dossier précis est de 120 millions de Fcfp (990 000 euros, selon le magistrat).
 
Et des tableaux
 
Une affaire embrouillée, mais pas tant que celle des tableaux, disparus dans un incendie puis retrouvés lors de perquisitions et estimés à une valeur totale de 29 millions de Fcfp (240 000 euros). "Pour les tableaux, c'est vrai qu'il a dit un peu tout et son contraire", reconnaît Me Quinquis. "Mais c'est vrai qu'il a eu une vie compliquée, il a eu à subir un incendie criminel et on a tenté de porter atteinte à son intégrité physique. Il a stocké et puis il a oublié l'existence de ces tableaux. N'oublions pas son âge. Lorsqu'il a quitté le pouvoir, il n'avait plus d'assistance juridique, il a confié ses déclarations à une secrétaire : du travail a été mal fait mais il n'y a pas eu d'enrichissement personnel, jamais."
 
Son âge, ses mariages, ses enfants, ses changements de domicile successifs : le tribunal a bien reconnu lors de l'audience que la vie de Gaston Flosse était "compliquée". Les réquisitions du procureur aussi bien que la parole de la présidente ont quelque part rendu hommage à cette existence mouvementée et pleine de charges importantes, puisqu'il a été mentionné à plusieurs reprises que les fonctions de longue date de Gaston Flosse lui imposaient de connaître les règles. Tant en matière fiscale qu'en matière de déclarations de patrimoine, et au sujet de la probité exigée de ceux qui assument des responsabilités au plus haut niveau. L'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre.
 

Rédigé par Julien Sartre le Lundi 6 Septembre 2021 à 11:25 | Lu 5303 fois