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Chikungunya en Martinique: vigilance et inquiétude


FORT-DE-FRANCE, 9 janvier 2014 (AFP) - Les Martiniquais et les professionnels du tourisme accueillent l'arrivée du chikungunya, ce virus aux effets semblable à ceux de la dengue apparu sur leur île en décembre, avec une grande attention mêlée d'inquiétude.

Les deux premiers cas ont été annoncés le 20 décembre par l'Agence régionale de santé (ARS) et depuis le nombre de cas ne cesse d'augmenter. Lundi, 24 cas confirmés et 8 probables étaient recensés, contre 13 cas confirmés la semaine précédente.

Les habitants ont découvert le chikungunya lors du signalement des premiers cas à Saint-Martin, début décembre marquant son apparition aux Antilles, puis quelques semaines plus tard dans la Guadeloupe voisine et enfin chez eux. Dans les rues de Fort-de-France, certains savent qu'il s'agit d'un virus nouveau sur l'île, d'autres ignorent encore son existence.

Les professionnels de santé ne parlent pas de psychose mais d'une certaine curiosité mêlée à une anxiété nouvelle. "Les patients sont plutôt surpris quand on évoque ce diagnostic et là il y a plus de questions", raconte à l'AFP le docteur Renée Meraut-Salomon, médecin généraliste. "Comme nous sommes sur un territoire qui est vierge de ce virus, ils sont bien sûr un petit peu inquiets", ajoute la praticienne.

Aux consultations d'urgence de la clinique Saint-Paul, le docteur Elodie Gachet-Legrand trouve, elle, que la population est "très inquiète". Selon l'urgentiste, le chikungunya est "la maladie à la mode": "On n'a plus beaucoup de gens qui nous demandent s'ils ont la dengue mais les gens sont inquiets par rapport au chikungunya". "Dès qu'ils présentent un syndrome fébrile ils viennent assez vite en consultation", précise-t-elle.

Concernant le tourisme, les professionnels ne constatent "aucune annulation" pour l'heure en lien avec l'apparition du chikungunya. Cependant, la vigilance demeure le maître mot, et la crainte réside surtout dans un emballement médiatique et de ses conséquences, du fait de la "mauvaise réputation" du virus.

Yves Jacquet, directeur de l'Hôtel de luxe Bakoua, situé dans le sud de l'île, aux Trois Ilets, le reconnaît: "C'est un souci majeur pour nous, on a connu le chikungunya et les ravages que ça a fait sur le secteur touristique à la Réunion (2005-2006) et il est fort possible que, si on a ce phénomène sur la Martinique, ce sera catastrophique".

Conserver le "capital confiance"

M. Jacquet craint ainsi que le stade d'épidémie soit atteint mais "pour l'instant ce n'est pas à l'ordre du jour".

L'ARS a d'ailleurs tenu, mardi, une "réunion technique avec le comité d'experts des maladies infectieuses et émergentes" pour fixer un seuil épidémique face au caractère inédit de ce virus dans la région.

"Nous ne disposons pas de données antérieures qui nous permettraient d'établir des modèles mathématiques avec des seuils épidémiques", explique Jacques Rosine, épidémiologiste à la CIRE (cellule interrégionale d'épidémiologie) Antilles Guyane.

Si l'épidémie devait être déclarée, Guy Maranzana, directeur de l'hôtel La Batelière, dans le centre de la Martinique, recommande la plus grande prudence : "Nous sommes dans une économie extrêmement fragile, il faut faire très attention à la manière dont on communique".

M. Maranzana s'inquiète notamment de l'annulation éventuelle "de colloques, des congrès, des manifestations internationales" prévus en haute saison, entre avril et juin. "Il faut juste savoir qu'il faut être plus prudent sur la manière dont on se défend contre les moustiques, on a eu la dengue, on va avoir le chikungunya, ce n'est pas non plus une catastrophe en soi", estime l'hôtelier.

Le comité martiniquais du tourisme (CMT), en contact constant avec l'ARS, insiste sur la nécessité de "transparence" afin de conserver "le capital confiance".

Avant même les premiers cas autochtones, Karine Roy Camille, présidente du CMT, avait pris contact avec les autorités "pour réfléchir ensemble à la manière d'informer la population". "Nous luttions déjà contre la dengue et ce sont les mêmes remèdes", fait valoir Mme Roy Camille. "On est habitué ici", renchérit le docteur Elodie Gachet Legrand. Les touristes, eux, le sont moins, et c'est bien ce qui fait peur aux hôteliers.

Rédigé par Par Cécile REMUSAT le Jeudi 9 Janvier 2014 à 05:57 | Lu 4251 fois