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Carnet de voyage - Mystèrieux "tiki" de San Agustin


Le groupe de statues le plus connu de San Agustin : ces "tiki" colombiens sont presque toujours placés à l'entrée d'une sépulture, devant laquelle ils semblent monter la garde, menaçants.
Le groupe de statues le plus connu de San Agustin : ces "tiki" colombiens sont presque toujours placés à l'entrée d'une sépulture, devant laquelle ils semblent monter la garde, menaçants.
COLOMBIE, le 23 mai 2019. Environ 500 statues énigmatiques se dressent depuis des siècles dans la selva colombienne, gardant, pour la plupart, des tombes. Beaucoup ont vu dans ces sculptures des similitudes avec les moai ou les tiki. Entre narcos, guérilleros et milices paramilitaires, escapade à San Agustin…

Dans l'univers végétal luxuriant de la Colombie du sud, il n'est guère étonnant que les conquistadores espagnols, en quête de l'Eldorado, n'aient rien vu ni rien remarqué en remontant les rios Magdalena et Sombrerillos. Là comme ailleurs, ils soumirent, ils tuèrent, mais ne soupçonnèrent jamais que sous les sabots de leurs chevaux dormaient des trésors archéologiques.

Ce n'est que bien plus tard, en 1756, qu'un moine espagnol, Fray Juan de Santa Gertrudis, se pencha sur cette terre avec attention et découvrit, au bout de sa machette, d'étranges monolithes.

En quelques décennies, des centaines de statues, aussi énigmatiques que celles de Rapa Nui, allaient être ramenées à la lumière, soit qu'elles aient été volontairement enterrées, soit que la jungle les ait étouffées dans son manteau.

Théories hardies et farfelues

Ces groupes de pierres sculptées firent vite de San Agustin (département de Huila), au même titre que Chanchan, Cuzco, Chavin de Huantar ou Tiwanacu, l'un des plus fabuleux sites archéologiques des Andes. Les secteurs d’"Alto de los idolos", "El Tablon", "la Chaquira", "Alto de las piedras" virent défiler en rangs serrés à partir de 1914 les archéologues du monde entier, fascinés par ces géants de pierre muets. Finalement, l’ensemble du site, très vaste (sa surface en fait la plus grande nécropole du monde), a été classé au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco en 1995.

À défaut de traces écrites, d'explications rationnelles, de certitudes ou de témoignages, les théories les plus hardies -et les plus farfelues- furent avancées : l'une d'elles faisait des sculpteurs de San Agustin un peuple qui, fuyant face à des invasions, s'embarqua un jour pour atterrir à ... l'île de Pâques. En réalité, moins du quart de la région a été fouillé ; autant dire que les réponses à toutes les questions sont sans doute encore sous terre.

Du peu que l'on sait aujourd'hui, une chose est sûre : à partir du site de San Agustin n'essaima pas une grande civilisation, mais perdura, pendant des siècles, une tradition funéraire unique au monde ; les Indiens de cette région, dont il ne reste apparemment pas de traces ethniques contemporaines, utilisèrent les collines du haut Magdalena comme cimetière pour leur élite. En conservant le même principe architectural : la construction d'un tumulus pour abriter la ou les dépouilles mortelles de leurs chefs ou chamanes, et l'érection de grandes statues pour en garder l'entrée. Et peut-être symboliser les défunts.

Une statuaire unique dans les Andes

Certaines statues sont érigées devant la tombe, écrasées par la masse d'une énorme dalle monolithique (à la manière d'un dolmen breton) ; d'autres, isolées, sont fichées dans le sol à faible distance de la nécropole (à la manière d’un menhir) ; la plus grande mesure sept mètres de haut : on trouve aussi comme éparpillées au hasard dans la forêt des petites statues et quelques géantes, le plus souvent anthropomorphiques, réalistes ou très fantaisistes (quelques monstres ont, à l'évidence, pour vocation de faire peur).

Qui fit très exactement quoi à San Agustin ?

Avec humilité, reconnaissons que l'archéologie n'a pas répondu à cette vaste question. On sait tout juste que la plupart des statues datent d'une période comprise entre - 50 avant J.C et + 500.

Sculptés dans des blocs de lave, ces "tiki" étaient peints, comme l'ont prouvé les trouvailles les plus récentes : ainsi, à El Purutal, une tombe double est-elle gardée par un superbe couple de "monstres", homme et femme, encore ornés de leurs peintures -rouge, jaune et blanche- d'origine.

Qui étaient vraiment ces artistes ?

Quelle est la signification de chaque statue ?

Pourquoi leurs ciseaux d'obsidienne cessèrent-ils un jour leur travail, bien avant l'arrivée des conquistadores ?

Personne n'a encore trouvé de réponse à cette énigme de San Agustin, l'une des plus flamboyantes cultures précolombiennes.
Textes et photos : Daniel Pardon

San Agustin pratique

Pour aller en Colombie
- Vols Papeete-Los Angeles-Bogota ou vols Papeete-Santiago- Bogota

Quand y aller ?
Proche de l’équateur, la Colombie connaît deux saisons chacune coupées en deux, l’été correspondant à la saison sèche (décembre-janvier et juillet-août) et l’hiver à la saison des pluies (avril-mai et octobre-novembre).

Pour rejoindre San Agustin
Une seule solution pratique pour aller plein sud dans le département de Huila : bus Bogota-Neiva (350 km). De Neiva, un autre bus pour San Agustin (5 heures de route). L'escale à Neiva est sans intérêt.

Pour loger à San Agustin
Nombreux hôtels, dont l’Hôtel Yalconia, à deux pas du site ou la maison d’hôtes Casa de Nelly, elle aussi toute proche.

Une fois sur place
Trois zones s'offrent à l'archéologue amateur :
- Le parc archéologique de San Agustin, qui regroupe 130 statues environ (musée y compris) : le site peut se visiter tranquillement à pied en 4 heures.
- Les collines cernant San Agustin, accessibles seulement à cheval (balades de 4 à 6 h, entre El Tablon, la Chaquira, la Pelota et El Purutal).
- Le versant du rio Magdalena, excursion d'une journée ne pouvant se faire qu'en jeep (Alto de los Idolos, Alto de las Piedras, las Guacas ou el Mortifio).

À pied et à cheval
Les amateurs de tourisme équestre seront comblés, car la plupart des beaux sites autour de San Agustin ne sont joignables qu'à cheval. Les longues randonnées dans cette forêt parsemée de plantations de café sont magnifiques. Les bons cavaliers se régaleront.

Certains archéologues pensent que la statue centrale devant les tombes symbolisait le défunt, les autres n'étant que des cariatides sensées protéger le tombeau (et supporter la dalle reposant sur l'ensemble, à la manière d'un dolmen breton).
Certains archéologues pensent que la statue centrale devant les tombes symbolisait le défunt, les autres n'étant que des cariatides sensées protéger le tombeau (et supporter la dalle reposant sur l'ensemble, à la manière d'un dolmen breton).

Superbe statue à El Purutal, puisqu'elle a été mise au jour il y a quelques années seulement et qu'elle conserve encore ses couleurs.
Superbe statue à El Purutal, puisqu'elle a été mise au jour il y a quelques années seulement et qu'elle conserve encore ses couleurs.

L'arrière d'une tombe, la photo étant prise au-dessus de la chambre funéraire : on voit nettement qu'un couloir aboutissait à l'entrée gardée par les statues.
L'arrière d'une tombe, la photo étant prise au-dessus de la chambre funéraire : on voit nettement qu'un couloir aboutissait à l'entrée gardée par les statues.

Sur la plupart des sites où plusieurs statues sont rassemblées, les Colombiens ont installé des abris destinés à éviter que l'érosion n'endommage trop la pierre.
Sur la plupart des sites où plusieurs statues sont rassemblées, les Colombiens ont installé des abris destinés à éviter que l'érosion n'endommage trop la pierre.

Beaucoup de statues de San Agustin représentent des animaux ; c'est le cas de celle-ci, figurant un singe armé de crocs.
Beaucoup de statues de San Agustin représentent des animaux ; c'est le cas de celle-ci, figurant un singe armé de crocs.

Toute la région autour de San Agustin porte, gravées sur des rochers, les marques d'un riche passé religieux.
Toute la région autour de San Agustin porte, gravées sur des rochers, les marques d'un riche passé religieux.

Cet aigle (ou condor ?) dévorant un serpent a été sculpté plusieurs fois à San Agustin ; c'est ce même symbole qui a été repris par les Indiens Mexicas (Aztèques) beaucoup plus tard et qui figure aujourd'hui sur le drapeau du Mexique.
Cet aigle (ou condor ?) dévorant un serpent a été sculpté plusieurs fois à San Agustin ; c'est ce même symbole qui a été repris par les Indiens Mexicas (Aztèques) beaucoup plus tard et qui figure aujourd'hui sur le drapeau du Mexique.

Certains archéologues fantaisistes ont "vu" à San Agustin des modèles de ce qui serait devenu, après migration dans le Pacifique, des "tiki" ou des "moai".
Certains archéologues fantaisistes ont "vu" à San Agustin des modèles de ce qui serait devenu, après migration dans le Pacifique, des "tiki" ou des "moai".

Les statues de pierre dressées avant les tombes étaient censées écarter les mauvais esprits et les pilleurs. Pas sûr que celle-ci ait réussi à faire peur à beaucoup de monde, tant ce monstre a l'air jovial...
Les statues de pierre dressées avant les tombes étaient censées écarter les mauvais esprits et les pilleurs. Pas sûr que celle-ci ait réussi à faire peur à beaucoup de monde, tant ce monstre a l'air jovial...

La cour du musée abritant les plus petites statues.
La cour du musée abritant les plus petites statues.

Pour les amoureux de découvertes et de cheval, San Agustin est un site unique en Amérique latine.
Pour les amoureux de découvertes et de cheval, San Agustin est un site unique en Amérique latine.

Rédigé par Daniel PARDON le Jeudi 23 Mai 2019 à 16:45 | Lu 1690 fois