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Cane Fire : Hawaii entre mythe et réalité raconté au Fifo


Tahiti, le 8 février 2022 - Cane Fire réalisé par Anthony Banua-Simon raconte comment le "Big five" ou les cinq plus grandes industries sucrières et d’ananas ont pris possession de l’île de Kauai à Hawaii. Et comment elles ont monté le mythe du paradis alors que leurs ouvriers luttaient pour de meilleures conditions de travail.
 
Ce sont deux mondes qui s’affrontent : les patrons et leurs richesses d’un côté, les ouvriers et leur pauvreté de l’autre. Kauai est une dénonciation des côtés les plus noirs du capitalisme. De grandes industries du sucre et de culture de l’ananas ne renoncent devant rien pour pouvoir faire de l’argent, même pas à renverser le royaume de Hawaii, avec l’aide de la marine américaine, et à installer leur propre gouvernement. À l’époque, les tensions montent entre les hawaiiens qui maintiennent leur autonomie grâce à un système compliqué de gestion des terres et les toutes nouvelles compagnies qui détournent l’eau pour la culture de la canne. Avec la mise en place de leur propre gouvernement, des lois leur laissant les mains libres tout en enchainant celles des autochtones, forcés de remplir certaines conditions s’ils veulent rester sur leur terre, cette annexion leur permet de mener leurs affaires grand train. Et puis les économies florissantes du sucre, de l’ananas, déclinent, les compagnies misent alors sur le tourisme. 
 
Les premiers films hollywoodiens sont tournés à Kauai permettant de faire la promotion d’un véritable paradis sur terre alors que, dans le même temps, les ouvriers des plantations devenus ceux des hôtels et des complexes touristiques, luttent pour de meilleures conditions de travail et surtout pour essayer de se payer un logement. Le "Big five", comme ont été surnommés les cinq grandes compagnies du sucre et d’ananas, possède encore la majorité des terres habitables de Kauai. "À Kauai, le coût de la vie est aujourd’hui le plus élevé des États-Unis. Pour ceux qui ont les moyens, c’est toujours le paradis mais pour les résidentsl’île est au bord de la rupture."

Anthony Banua-Simon, réalisateur de Cane fire.
Anthony Banua-Simon, réalisateur de Cane fire.
Une histoire qui fait froid dans le dos
 
C’est en travaillant sur une compagnie sucrière aux États-Unis que Anthony Banua-Simon trouve l’idée de son film, aujourd’hui en compétition au Fifo. Alors qu’il travaille sur ce premier documentaire, il retrouve les traces de sa famille, partie de Porto Rico, pour venir travailler dans les plantations de sucre et d’ananas à Hawaii. Certains, comme son grand-père, ont même travaillé comme figurants dans les films hollywoodiens tournés dans les plantations. "Ils employaient beaucoup de locaux, mais jamais pour les rôles principaux, juste pour faire tapisserie", rigole aujourd’hui son grand-oncle, Henry, qui sera son guide pour visiter les anciens sites à l’abandon et lui raconter les luttes syndicales de l’époque. Ses cousins seront le lien avec aujourd’hui : comment se loger quand tout est si cher ? Comment travailler dans la dignité sans protection syndicale et avec la promesse d’être viré pour un oui ou un non ? L’histoire des Hawaiiens fait froid dans le dos. 
 
Face à la réalité, le mythe ne tient pas longtemps, mais c’est pourtant toujours celui-ci qui est vendu au grand-public. D’ailleurs on voit un promoteur immobilier, sans foi ni loi, jouer le grand jeu devant la caméra mais son cynisme transparait dans ses larmes de crocodile. Cane Fire, titre du film, est finalement la fin qui n’a jamais été vue du premier mélodrame tourné dans ces plantations et censuré pour ces images trop explicites. Ce film se terminait par l’incendie d’une plantation par une jeune fille énervée d’avoir été écartée par son amoureux : on avait peur que cela donne des idées aux ouvriers… Mais le réalisateur trouve toutes sortes d’images de films de série B : des bombes, des incendies, des fusillades, et permet à toute notre fureur d’être rassasiée.

Rédigé par Studio Tahiti Infos le Mardi 8 Février 2022 à 20:04 | Lu 609 fois