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Borne dévoile son projet sans vote, au risque d'enflammer les débats


JULIEN DE ROSA / AFP
JULIEN DE ROSA / AFP
Paris, France | AFP | mardi 05/07/2022 - Forte d'un nouveau gouvernement, Elisabeth Borne présente mercredi son projet devant le Parlement mais, faute de majorité absolue, n'engagera pas sa responsabilité par un vote de confiance, au risque d'enflammer les oppositions.

La Première ministre prononce, devant les députés à 15h, puis les sénateurs à 21h, la traditionnelle "déclaration de politique générale", qui lui permet d'exposer à la fois son style et son programme, au premier rang duquel figure le très attendu projet de loi sur le pouvoir d'achat.

Mais elle "ne sollicitera pas la confiance des parlementaires" contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, a annoncé lundi le nouveau porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Ce vote, conformément à l'article 50-1 de la Constitution, n'est pas obligatoire. 

A droite, Maurice Couve de Murville en 1968 et, à gauche, Michel Rocard (1988), Edith Cresson (1991) et Pierre Bérégovoy (1992) n'ont par exemple pas engagé la responsabilité du gouvernement. Sept Premier ministres sur 27 depuis 1959 n'ont pas pris ce risque.

"Ne pas demander la confiance n’est pas un signe de force de l’exécutif, mais on est déjà dans cette situation depuis les législatives" à l'issue desquelles le camp présidentiel, alliés inclus, n'a obtenu qu'une majorité relative, rappelle Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof-Sciences Po.

"Ric rac" 

Après avoir fait le décompte des voix, "nous ne sommes pas certains que les conditions de cette confiance auraient été réunies", a d'ailleurs admis Olivier Véran.

En outre, plusieurs députés ont été nommés ministres lundi, et leurs suppléants ne siègeront à l'Assemblée que dans un mois, privant d'autant de voix le camp présidentiel.

Elisabeth Borne "n'avait pas le choix", selon M. Cautrès, car elle prenait deux risques : celui "de tomber" ou celui d'obtenir la confiance grâce à l'abstention du RN.

Or "ce serait très mal perçu par l’opinion d’avoir un vote de confiance, même ric rac, avec l’abstention des RN", note une source gouvernementale.

A défaut d'avoir pu constituer un gouvernement de coalition --parce que les "partis de gouvernement" ont refusé d'y participer selon Emmanuel Macron, et que "les débauchages individuels, c'est fini", selon Olivier Véran--, la confiance se construira "patiemment texte après texte", fait désormais valoir le gouvernement.

Le premier dossier d'envergure mis sur la table sera le projet de loi sur le pouvoir d'achat, qui sera présenté jeudi en Conseil des ministres puis débattu dans l'hémicycle à compter du 18 juillet.

Emmanuel Macron devait en discuter mardi matin avec Elisabeth Borne et les ministres concernés, et "passer en revue l'ensemble des mesures" qui figureront dans la déclaration de politique générale.

"De force" 

Les débats qui suivront le discours d'Elisabeth Borne s'annoncent agités. Les leaders de l'opposition devraient "tous appuyer là où ça fait mal, sur son impossibilité à se soumettre à un vote confiance" même si le gouvernement en retour va "rappeler qui est majoritaire, même relativement", note M. Cautrès.

La France insoumise a déjà promis de déposer une motion de censure, peut-être avec l'ensemble de la Nupes. "Madame Borne, on ne maltraite pas la démocratie impunément. Nous vous ferons donc venir de force devant le Parlement", a lancé Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI.

Mais le RN ne s'y associera pas. "Nous on n'est pas là pour tout bloquer tout casser, on est là pour proposer des solutions", a expliqué son porte-parole Sébastien Chenu. 

"On ne sera pas dans la course au bruit", a aussi affirmé le chef de file des députés LR Olivier Marleix, qui attend de Mme Borne un "changement de méthode" et "un peu plus d’écoute des oppositions".

L'exercice doit permettre également à Elisabeth Borne, discrète et réputée "technicienne", d'imprimer son style.

"Autant Edouard Philippe avait immédiatement imposé son style, avec un mélange de sérieux et d’humour, comme Jean Castex avec sa bonhomie, son accent du sud, qui inspiraient une forme assez simple d’exercice du pouvoir, autant on n’a pas d'indications en ce qui concerne Elisabeth Borne", note M. Cautrès.

Jean Castex avait ainsi défendu le 15 juillet 2020, une réforme des retraites et dit sa volonté de "réarmer les territoires", mot répété 25 fois.

le Mardi 5 Juillet 2022 à 01:46 | Lu 241 fois