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Bébé soigné au ra'au Tahiti : la famille jugée pour homicide involontaire


Bébé soigné au ra'au Tahiti : la famille jugée pour homicide involontaire
Tahiti, le 2 février 2021 - Trois générations de la même famille ont comparu devant le tribunal correctionnel mardi pour répondre d'un homicide involontaire. Il était reproché aux parents, grands-parents et arrière-grands-parents d'un bébé de 16 mois, décédé en 2016 à Bora Bora, de l'avoir soigné à l'aide de la médecine traditionnelle. Les deux guérisseurs que la famille avait consultés étaient également poursuivis. Le tribunal correctionnel rendra son délibéré le 9 février.
 
"J'ai fait confiance aux anciens". C'est ainsi qu'un jeune père de famille a expliqué, mardi au tribunal correctionnel, pourquoi il n'avait pas emmené sa fillette de 16 mois chez un médecin "moderne" peu avant son décès survenu en 2016 à Bora Bora. L'homme comparaissait en effet aux côtés de son épouse ainsi que des parents et des grands-parents de cette dernière pour "homicide involontaire". Deux guérisseurs, qui avaient soigné l'enfant, étaient eux aussi jugés devant la juridiction.
 
Le 14 juillet 2016, le médecin de permanence du dispensaire de Bora Bora avait contacté les gendarmes suite à la mort d’une petite patiente de 16 mois qu’il avait prise en charge alors qu’elle se trouvait en état de détresse cardio-respiratoire et présentait une "tuméfaction importante" au niveau de l’épaule gauche. Malgré son placement en réanimation, l’enfant était décédée. Le médecin, qui soupçonnait des maltraitances, avait donc décidé de signaler cette mort suspecte aux forces de l’ordre.
 

Défaut de soins

Rapidement entendue par les enquêteurs, la mère de la fillette, tout juste âgée de 20 ans, avait expliqué qu’elle vivait dans la maison familiale de Bora Bora avec ses grands-parents, son mari et ses parents. Interrogée sur les circonstances du décès, la jeune femme avait rapporté que l’état de santé de son enfant s’était dégradé en quelques jours suite à l’apparition d’un furoncle sur son épaule gauche. Sous l’impulsion de ses parents et de ses grands-parents, la jeune mère de famille avait accepté que son enfant, qui souffrait désormais de fièvre et de douleurs, soit soignée par des guérisseurs à l’aide de massages et de potions. L'enfant avait été emmenée chez un premier homme qui lui avait administré une potion faite à base de plantes. Voyant que sa santé ne s'améliorait pas, la famille avait ensuite consulté une vieille dame qui pratiquait elle aussi le ra'au Tahiti.
 
Après trois jours de "soins traditionnels", la fillette s’était retrouvée dans un état si grave que la famille avait finalement décidé de l’emmener chez un médecin. Elle était décédée quelques heures plus tard d’une grave infection pulmonaire. Lors de son autopsie, les médecins légistes avaient affirmé que la petite fille n’avait pas "reçu les soins adéquats que son état initial nécessitait" et qu’elle aurait pu être sauvée si elle avait eu accès à une "thérapeutique simple à base d’antibiotiques". Les deux spécialistes avaient constaté que la petite avait subi une véritable "agonie" et que sa mort était imputable à "un défaut de soins"

Après un premier renvoi en mai dernier, le procès de la famille de la petite fille ainsi que des deux guérisseurs s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel. Son président a tenu à préciser au début des débats qu'il s'agissait d'une affaire dans laquelle "toute la famille" avait "souhaité la guérison de l'enfant." Mais les médecines traditionnelles étaient déconnectées de la maladie de la petite fille, a déploré le magistrat au terme de son introduction.

Responsabilité

Mutique à la barre, la mère de l'enfant a peiné à s'exprimer. Son conjoint a quant à lui déclaré qu'il avait fait "confiance aux anciens" mais qu'avec sa femme, ils auraient dû prendre "leur responsabilité de parents". Une responsabilité qui semblait plutôt être assumée dans cette famille par l'arrière-grand-mère de l'enfant qui avait peu confiance en la médecine moderne et qui occupait la place de "chef de famille" face à un très jeune couple encore peu expérimenté.
 
Entendu à son tour, le guérisseur qui avait administré une décoction de plantes à l'enfant a concédé qu'il avait fait cela alors qu'il ignorait totalement de quoi pouvait souffrir l'enfant. Au terme de quatre heures de débats, le procureur de la République a requis un an de sursis à l'encontre de ce dernier et de l'arrière-grand-mère de l'enfant. Des dispenses de peines ont été requises contre les parents du bébé et six mois de sursis à l'encontre des autres prévenus. Le tribunal rendra son délibéré le 9 février.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 2 Février 2021 à 18:38 | Lu 3270 fois