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Bébé avec trois "parents" : une nouvelle technique en quatre questions


Paris, France | AFP | mercredi 28/09/2016 - La naissance du premier bébé conçu à l'aide d'une nouvelle technique expérimentale le faisant hériter de l'ADN de trois "parents", deux femmes et un homme, pour éviter d'être atteint d'une maladie grave, suscite des espoirs mais soulève des questions éthiques et scientifiques.

Q: Quel est l'objectif de cette méthode de fécondation?
R: Cette technique vise à éliminer, ou minimiser au maximum les anomalies des mitochondries à l'origine de maladies graves touchant les muscles, les yeux, le cerveau ou le cœur.

Transmises exclusivement par les femmes, les mitochondries sont des "usines" d'énergie situées au sein des cellules. Elles possèdent un ADN bien plus petit (37 gènes seulement) que celui du noyau de la cellule (23.000 gènes).

Pour le petit Abrahim, issu de trois "parents" et né au Mexique, il s'agissait d'éviter la transmission d'une maladie rare, le syndrome de Leigh, entraînant une dégénérescence neurologique. Sa mère avait déjà perdu deux enfants, morts de la maladie.

Q: Comment ça marche ?
R: Deux techniques ont été approuvées au Royaume-Uni, l'une à partir de l'embryon, l'autre à partir de l'ovule. Mais aucune autorisation n'a encore été délivrée.

L'équipe new-yorkaise du Dr John Zhang qui a permis la naissance d'Abrahim a utilisé un transfert de noyau maternel.

Schématiquement, cela consiste à prélever le noyau de l'ovule de la future mère susceptible de transmettre des mitochondries défectueuses, puis de le transférer dans l'ovule énucléé sain d'une donneuse.

L'ovule ainsi obtenu est porteur de matériel génétique de deux femmes. Il est ensuite fécondé avec le sperme du père, puis placé dans l'utérus de la mère, comme lors d'une fécondation in vitro classique.

Au final, l'enfant a hérité d'ADN provenant de deux femmes et d'un homme, même si la part de la donneuse est très minoritaire.

D'après l'American Society for Reproductive Medicine (ASRM), l'équipe du Dr Zhang a obtenu cinq embryons, dont un seul normal, celui qui est devenu Abrahim.

"La méthode n'est pas parfaite" note David Clancy (Université de Lancaster) car elle transmettra toujours un peu d'ADN mitochondrial de la mère, selon lui.

Q: Quelles interrogations scientifiques ?
R: C'est "un nouvel espoir" pour les familles affectées par ces maladies dévastatrices, selon le professeur de génétique Darren Griffin (Royaume-Uni) qui parle de "nouvelle ère de la génétique préimplantatoire".

Cette "première" naissance n'a pas fait l'objet d'une publication détaillée dans une revue scientifique de renom avec comité de lecture.

Une telle publication aurait permis de répondre avec rigueur aux interrogations des spécialistes portant, entre autres, sur le pourcentage précis de mitochondries maternelles résiduelles (porteuses de la maladie) dont l'enfant a malgré tout hérité.

D'après l'équipe du Dr Zhang, "moins d'1%" des mitochondries du garçon seraient porteuses de l'anomalie.

Des scientifiques s'interrogent sur le suivi à long terme de l'enfant de ce couple jordanien.

Beaucoup jugent la technique "risquée" et ses "conséquences imprévisibles" sur la santé de l'enfant et ses descendants, a prévenu Marcy Darnovsky, directrice du Center for Genetics and Society, une ONG basée en Californie.

Q: Et sur le plan éthique ?
R: Certains, comme le Dr Dusko Ilic du King's College de Londres, craignent le développement d'un "tourisme" médical conduisant les parents à se rendre dans des pays où les règles sont moins strictes qu'au Royaume-Uni par exemple, où il faut obtenir l'aval de l'autorité britannique sur la fécondation humaine (HFEA) pour obtenir une autorisation.

La technique n'est pas autorisée aux Etats-Unis. Aller au Mexique est une façon contourner ces obstacles, reprochent certains.

La fourniture d'ovules sains risque de reposer essentiellement sur des femmes démunies, dans des pays où ce "don" est rémunéré.

Les garçons n'étant pas transmetteurs de ces maladies mitochondriales, certains recommandent de trier par précaution les embryons issus de ces nouvelles techniques et de ne retenir que ceux de sexe mâle, une option qui fait aussi débat.

Dans les années 1990, il y a eu un précédent avec l'injection de mitochondries provenant d'une donneuse pour doper des ovules d'une femme ayant du mal à procréer. Mais certains enfants ont développé par la suite des troubles génétiques et cette pratique a été bannie.

BC/ez/alu/lpt

Rédigé par () le Mercredi 28 Septembre 2016 à 05:52 | Lu 470 fois