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Bactérie tueuse : "la plus grosse épidémie de syndrome hémolytique et urémique"


Bactérie tueuse : "la plus grosse épidémie de syndrome hémolytique et urémique"
PARIS, 3 juin 2011 (AFP) - L'épidémie de diarrhées qui sévit en Allemagne "est la plus grosse épidémie de syndrome hémolytique et urémique (SHU) qu'il y ait jamais eu dans le monde", a affirmé vendredi un spécialiste de l'Institut Pasteur, pour qui "la priorité absolue est de trouver l'aliment en cause".

"Tant qu'on n'aura pas trouvé exactement l'aliment responsable et retiré tout, on aura encore des cas", prévient François-Xavier Weill, responsable du Centre national de référence Escherichia coli à l'Institut Pasteur (Paris).

Q: On a parlé de souche rare et de souche nouvelle. A quoi a-t-on affaire ?

R: "Le monde bactérien est un monde complexe, en évolution permanente. C'est vrai que cette souche O104 : H4 est rare, qu'elle a été identifiée une seule fois, en Corée, et maintenant. Et c'est beaucoup parce qu'elle était au mauvais endroit au mauvais moment, sur un aliment qui a été distribué et qui n'a pas été cuit.

Mais son génome, séquencé par un laboratoire chinois, n'a été comparé qu'à des données issues de génomes complets. Il y en a très peu dans les bases de données : 50 E. coli ont été séquencées entièrement, dont peut-être moins de 10 E. coli enterohémorragiques (Eceh), sur 70 types décrits.

La comparaison a donc été réalisée par rapport à un set limité de génomes. Ils n'ont pas séquencé par exemple la souche coréenne.

Ce qui est vrai c'est que c'est la plus grosse épidémie de SHU qu'il y ait jamais eu dans le monde. Tous types confondus d'Eceh".

Q: Comment soigne-t-on les personnes atteintes ?

R: "Les antibiotiques sont en général déconseillés parce que lorsqu'on détruit la bactérie avec un antibiotique, on libère les toxines (shiga-toxines), celles qui sont responsables de la destruction des cellules vasculaires, des petits vaisseaux. Et donc on aggrave le SHU.

Le traitement consiste à suppléer les déficiences occasionnées par la toxine: chute des globules rouges, des plaquettes, atteinte rénale. On va transfuser, on va dialyser. Au pire, on change le plasma.

Pour les cas moins graves, c'est le traitement symptomatique d'une diarrhée: réhydratation et surveillance, mais surtout pas d'anti-diarrhéiques, parce que l'organisme doit vite éliminer la bactérie et sa toxine".

Q: Est-ce une souche résistante aux antibiotiques ?

R: "Pour contrôler le réservoir de cette bactérie, le tube digestif des ruminants, on a recours aux antibiotiques chez ces animaux. C'est une souche extrêmement résistante aux antibiotiques, mais pas à tous".

Q: Pourquoi les végétaux sont-ils soupçonnés ?

R: "D'habitude c'est la viande hachée de boeuf, le fromage au lait cru.

Là on se retrouve sur des végétaux. Parce qu'il y a eu une enquête sur les aliments consommés par les premiers malades en Allemagne, comparés à des personnes non malades vivant au même endroit. Trois végétaux crus sont ressortis: salade, tomates, concombres.

Ce qui correspond aussi à la population touchée. C'est l'aliment qui est responsable de cette tendance inhabituelle à ce que ce soit des adultes de sexe féminin : 80% d'adultes, 70% de femmes.

D'habitude ce sont des enfants de moins de 3 ans, garçons et filles dans les mêmes proportions".

Q: Comment les végétaux se retrouvent contaminés?

R: "Ces bactéries sont capables de se multiplier dans le tube digestif des ruminants. Après, elles peuvent se retrouver, via les matières fécales, dans l'environnement, sols, fumier, eau. Et là elles peuvent survivre un moment.

Si elles se retrouvent sur un aliment et ne sont pas détruites par la cuisson, ou éliminées par le lavage, elles peuvent entraîner la maladie. Mais pour ça il faut qu'elles soient quand même en forte quantité, puisqu'elles ont deux barrières à franchir, la barrière gastrique, l'acidité qui tue les bactéries, et ensuite les défenses immunitaires".

vm/ah/dro

Rédigé par AFP le Vendredi 3 Juin 2011 à 07:14 | Lu 588 fois