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Avocats et de magistrats défilent par milliers à Paris pour une "justice de proximité"


Paris, France | AFP | mardi 15/01/2019 -Battre le pavé pour empêcher l'adoption de la réforme de la justice: des milliers d'avocats, magistrats et greffiers ont défilé mardi à Paris pour que le texte, jugé "néfaste", soit retiré des débats au Parlement. 

Parties vers 13H30 de la place Saint-Michel, les "robes noires" ont rejoint deux heures plus tard l'esplanade des Invalides, non loin de l'Assemblée nationale, peu avant l'entame en nouvelle lecture par les députés de l'examen de ce texte porté par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, après l'échec d'une commission mixte paritaire. 
"Le projet de loi ne peut être voté en l'état", a lancé Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), au nom de "l'ensemble des acteurs du monde judiciaire".
Magistrats, personnels de greffe, avocats, étudiants en droit, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais aussi associations de défense des droits, réclament la suspension immédiate de l'examen du texte. Ils demandent que la question de "l'égalité d'accès à la justice dans les territoires" soit intégrée au grand débat lancé par Emmanuel Macron pour tenter de résorber la crise des "gilets jaunes". Une pétition en ce sens, lancée par le CNB mi-décembre, a recueilli plus de 25.000 signatures.
La manifestation nationale à Paris a compté 8.000 personnes selon les organisateurs. La préfecture de police n'avait pas encore communiqué de chiffre en milieu d'après-midi. 
 

- "Justice déshumanisée et privatisée " -

 
Le cortège s'est ébranlé derrière une banderole proclamant "Pour une justice de qualité et accessible", précédé d'un cercueil noir barré des messages "Liberté, égalité, justice de proximité" et "Avocats, magistrats, fonctionnaires unis contre une justice déshumanisée et privatisée".
"Nous ne sommes pas écoutés. Les lois ça ne sert à rien si on n'a pas les moyens qui vont avec", estime Yves Levano, avocat parisien.
Des avocates de l'Essonne arboraient des voilettes noires de deuil; leurs confrères venus de Grasse, Chambéry, Brive, Nevers ou Ajaccio brandissaient des pancartes affirmant "Justice en danger. La réforme ne doit pas passer" ou "Les secrets d'une bonne justice ? Proximité, proximité et proximité".
Dans une lettre adressée à des élus locaux, le Premier ministre Édouard Philippe a défendu un texte "profondément équilibré", dont "l'unique objectif" est d'"améliorer le service rendu au justiciable".
Le texte prône une révolution numérique et la "simplification des procédures" civile et pénale. Il crée également une nouvelle échelle des peines, dans l'optique de désengorger des prisons surpeuplées.
Les professionnels de la justice, vent debout depuis des mois, estiment eux que sous couvert de moderniser l'institution, la réforme est dictée par des contraintes budgétaires et va éloigner les plus vulnérables de leurs juges. Disposition la plus décriée: la fusion des tribunaux d'instance, sites de proximité par excellence, avec les tribunaux de grande instance (TGI) qui, accompagnée d'une spécialisation de certaines juridictions, préfigure selon les syndicats des déserts judiciaires.
Mme Belloubet argue de son côté d'un budget en hausse de "25% en cinq ans" et a assuré à de nombreuses reprises qu'aucun tribunal ne fermerait.
"Beaucoup de gens n'oseront même plus saisir le juge parce que ce sera trop compliqué, trop loin, notamment s'il faut faire 400 km pour une audience", avancent Françoise Artur et Benoît Tripon, avocats au barreau de Poitiers.
"Remplacer les juges et les procureurs par des ordinateurs, ce n'est pas admissible", a estimé la bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron.
S'il y a eu des "avancées", des amendements "n'ont pas fait l'objet de concertation", a déploré Mme Féral-Schuhl.
L'annonce surprise d'une refonte par ordonnance du texte fondateur de la justice des mineurs s'est ainsi ajoutée aux griefs plus anciens d'une réforme pénale qui renforce encore les pouvoirs du procureur et, au civil, la révision des pensions alimentaires par les directeurs des caisses d'allocations familiales et non plus par des juges, des points sur lesquels le ministère n'a fait aucune concession.
Dans toute la France, des avocats étaient en grève et de nombreuses audiences ont été renvoyées. Des rassemblements ont également eu lieu à Lyon ou Bordeaux.

le Mardi 15 Janvier 2019 à 07:07 | Lu 305 fois