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Avis “réservé” du Cesec sur le projet de loi d'aménagement de terres agricoles


Ce mercredi, le Cesec a émis un avis réservé sur le projet de loi du Pays relatif à la réalisation des pistes d'accès et de travaux d'aménagement des assises foncières privées destinées à l'activité agricole. Crédit photo : Greg Boissy.
Ce mercredi, le Cesec a émis un avis réservé sur le projet de loi du Pays relatif à la réalisation des pistes d'accès et de travaux d'aménagement des assises foncières privées destinées à l'activité agricole. Crédit photo : Greg Boissy.
Tahiti, le 25 janvier 2023 - Le Cesec a émis, ce mercredi, un avis “réservé” sur le projet de loi du Pays relatif aux financements publics, aux accès et à l'aménagement des terres agricoles privées. En effet, la quatrième institution du Pays a exprimé plusieurs réserves, notamment quant au manque de ciblage précis des futurs bénéficiaires et au maintien du caractère privé des voies financées.
 
Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a émis un “avis réservé” lors de son assemblée plénière, ce mercredi, concernant le projet de loi du Pays relatif à la réalisation des pistes d'accès et aux travaux d'aménagement des assises foncières privées destinées à l'activité agricole. Bien que la quatrième institution du Pays reconnaisse la finalité louable de ce nouvel outil ainsi que la noblesse de l'activité agricole, elle a jugé que le projet de texte comportait trop de zones d'ombre et d'éléments à développer, au point d'émettre neuf recommandations bien distinctes (voir encadré).
 
Pour rappel, ce projet de loi, transmis au Cesec fin décembre dernier, vise à remplacer le dispositif d'aide déjà existant. En effet, la loi actuelle, datant de 2017, prévoit une aide financière pour les propriétaires de terrain souhaitant créer des terres agricoles sur leurs parcelles, en accordant des aides pour la réalisation d'études préalables, la création ou l'amélioration des voies d'accès aux terres ou encore pour certains travaux d'aménagement. Cependant, le Pays a constaté certaines insuffisances de cette loi, notamment en ce qui concerne le plafond d'aide fixé à 25 millions, jugé trop bas au regard du coût global de l'aménagement de ces terres agricoles. À titre d'exemple, un domaine en cours d'aménagement à Puunui, d'une surface de 26 hectares, dont le coût global est estimé à 450 millions de francs. La loi actuelle n'incite donc pas suffisamment, selon le Pays, à l'installation de terres agricoles, qui sont vues comme trop coûteuses par les propriétaires, malgré les aides.
 
Ainsi, dans l'optique d'atteindre une forme de souveraineté alimentaire, le gouvernement souhaite faire adopter une nouvelle loi basée sur le même principe, mais plus attractive pour les propriétaires. Cette nouvelle loi repose sur deux principes : une aide aux opérations d'aménagement, avec un plafond fixé à 150 millions de francs par projet, et qui sera conditionnée au classement du terrain privé concerné en zone agricole protégée (ZAP) par les plans d'aménagement généraux (PGA) ou par arrêté en conseil des ministres. Cette mesure vise à éviter tout “dévoiement du dispositif” si le propriétaire venait à changer d'avis après avoir reçu les subventions.
 
Éviter le “saupoudrage de l'aide publique”
 
Parmi ses recommandations concernant ce projet de loi, le Cesec estime qu'une réflexion doit être menée sur le ciblage des acteurs soutenus. En effet, le Conseil s'interroge sur les agriculteurs et exploitants qui bénéficieront de ces subventions publiques, car le projet de loi ne comporte pas de condition de revenus pour être éligible aux aides. Cela a conduit le Cesec à recommander une clarification des futurs bénéficiaires de ce dispositif. “En raison du risque de saupoudrage de l'aide publique, il convient que le gouvernement assume une identification plus claire du type des parties prenantes visées in fine, en conformité avec les orientations du SDA (schéma directeur de l'agriculture, NDLR) 2021-2023”, précise l'institution, qui s'interroge également sur une incohérence budgétaire. “L'aide projetée est plafonnée à 150 millions par projet, cependant l'enveloppe budgétaire pour la première année est de 200 millions de francs. Ainsi, en théorie, un seul projet pourrait absorber 75% de l'aide”, souligne également le Cesec, qui réaffirme une nouvelle fois sa recommandation de clarifier ce projet de loi.
 
Le Cesec ne veut pas de routes privées financées par le Pays
 
Une autre observation du Cesec sur le projet de loi d'aménagement des terres agricoles concerne la qualification des voies qui seront subventionnées. En effet, l'institution explique que “d'après les auteurs du projet de texte, les dispositions actuelles qui prévoient que la voie financée soit ouverte au public sont rédhibitoires pour la majorité des propriétaires qui ne veulent pas rétrocéder une partie de leur terre”. Le texte prévoit également que ces voies resteront 100% privées, y compris en jouissance. Et pour le Cesec, rendre ces routes publiques serait une excellente contrepartie et d'un “intérêt général avéré” pour la société civile. De plus, l'emprise des voies et les conditions de leur entretien ne sont nullement mentionnées dans le projet de loi, laissant craindre pour le Cesec “un risque concernant la pérennité des activités agricoles”.
 
Ainsi, le Conseil recommande “l'ouverture à la circulation publique des voies améliorées ou créées dans le cadre réglementaire” de ce projet de loi et que “la réflexion de fond sur la viabilisation et l'entretien global de ces voies” soit entreprise par le gouvernement.

L'intégralité des recommandations du Cesec

- L’insertion des dispositions de la nouvelle aide dans la loi du Pays n°2017-26 du 9 octobre 2017 modifiée, relative aux aides à la filière agricole.

- Un meilleur ciblage des agriculteurs, exploitants et propriétaires soutenus.

- L’ouverture à la circulation publique des voieries améliorées ou créées avec un cadre règlementaire adapté concernant la sécurité.

- L'obligation d’exploitation à des fins agricoles pendant une durée minimum définie quel que soit le procédé de classement en ZAP.

- L’encadrement et le contrôle précis de la surface des terres destinée à l’habitation ;
- La définition précise des critères d’attribution dans la loi du Pays.

- La production a posteriori par les services du Pays de rapports techniques et financiers annuels justifiant du respect des conditions d’octroi de l’aide et garantissant sa bonne réalisation et sa destination.

- La tenue d’une campagne d’information et d’explication relative au projet de texte.

- La concertation entre les différents ministères afin de trouver une meilleure complémentarité entre les différentes lois du Pays sur la gestion de l’indivision, du désenclavement et le présent projet de loi du Pays.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 25 Janvier 2024 à 14:32 | Lu 1114 fois