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Aux assises, les médecins légistes accablent les parents d’Ariinui


Tahiti, le 10 septembre 2020 - Au deuxième jour de leur procès devant la cour d’assises, les parents du petit Ariinui, décédé après avoir subi des violences, ont continué à changer de version. Entendus toute la matinée, les deux médecins légistes ont cependant confirmé qu’il était très probable que le petit garçon soit mort du syndrome dit du "bébé secoué" et ce, après avoir subi des mois de négligences et deux fractures dont l’une n’avait pas été soignée. 
 
"C’est nous deux qui avons commis les violences sur le bébé". Au deuxième jour de son procès, la mère du petit garçon décédé après avoir reçu des coups mortels, a apporté une énième version quant à la mort de son nourrisson, survenue le 18 mars 2015 à Punnauia. Cette femme de 26 ans et son compagnon de 29 ans comparaissent devant la cour d’assises de Papeete depuis mercredi matin pour répondre de "violences involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et de violences habituelles par ascendant, commises sur Ariinui, leur petit garçon qui avait un an et quinze jours lors de son décès. 
 
Et si les deux accusés ont toujours varié dans leurs déclarations en avançant notamment que l’enfant présentait des blessures car il était une victime collatérale des violences conjugales qui avaient fréquemment lieu entre eux, les auditions des deux médecins légistes ont démontré jeudi matin que l’enfant était mort après avoir subi un violent traumatisme crânien, relatif aux lésions constatées chez les enfants victimes du syndrome du "bébé secoué". Entendu par visioconférence, le professeur Rambaud, qui a analysé les prélèvements effectués sur le corps du nourrisson lors de l’autopsie, a expliqué que ce dernier avait des traces d’hématomes au niveau de la rétine, de la moelle épinière, de la joue et du dos. Il a affirmé que le petit garçon était décédé d’un œdème cérébral "très important" qui avait lui-même causé un œdème pulmonaire "massif ". Selon ce médecin légiste, le traumatisme cérébral à l’origine de la mort de l’enfant correspond à un "secouement extrêmement violent", et se retrouve parfois chez les personnes victimes d’une chute de plusieurs étages ou d’un accident de voiture. Si l’expert a daté ce traumatisme d’une durée maximale de 12 heures avant la mort, il a également rappelé que l’enfant avait subi un autre traumatisme cérébral qui datait de 4 à 5 jours avant les faits. "L’intérêt de cet hématome plus ancien est qu’il témoigne d’une violence antérieure." Là encore, le mécanisme le plus probable pour expliquer ce premier traumatisme est un "secouement violent". Tel que l’a expliqué le professeur Rambaud à la barre, l’enfant était décédé à cause d’un "arrachement" des veines situées entre le crâne et le cerveau. 

Fractures "évocatrices de mauvais traitements"

Durant sa courte vie, Ariinui aura subi deux fractures longuement évoquées par la cour lors de l’audition du second médecin légiste. Une première fracture de l’humérus pas soignée, et une seconde fracture du fémur qui avait provoqué un "déplacement important" de l’os de l’enfant. Selon l’expert, ces fractures, qui concernaient les os les plus longs du corps, étaient imputables à des "impacts très importants". Interrogés sur ces deux blessures, les accusés ont affirmé que l’une avait eu lieu lorsque le petit garçon était tombé de sa poussette haute de 60 cm, quand l’autre avait été provoquée lors d’une dispute où le bras du bébé avait été tiré par son père. Des versions invalidées par les deux experts jeudi matin qui ont surtout souligné le fait que ces fractures étaient très "évocatrices de mauvais traitements". Au terme de ses conclusions, le second médecin légiste a rappelé que la lecture du carnet de santé de l’enfant, outre des négligences de suivi et de vaccins, avait permis d’établir que sa courbe de poids avait subi une "nette" baisse à l’âge de cinq mois. "Dans un contexte de maltraitances, un enfant négligé peut présenter des troubles de croissance".
 
Face à ces rapports accablants, les accusés ont été longuement interrogés sur les faits. Après avoir donné plus de huit versions différentes, la mère d’Ariinui a cette fois assuré qu’elle et son conjoint étaient "tous les deux coupables des faits qui ont conduit" leur fils à la mort. Sans apporter plus d’explications, elle s’est mise à pleurer en évoquant le décès du petit : "Une partie de moi est partie. Il n’y a pas un seul jour où je ne pense pas à lui". Le père du nourrisson a quant à lui de nouveau reconnu des violences commises sur sa femme en niant s’en être jamais directement pris à son fils. Pour le psychologue qui avait rencontré les accusés peu après les faits, le père d’Ariinui avait "reproduit le comportement de son propre père", qui buvait et frappait sa femme. Quant à la mère du nourrisson, l’expert a souligné à la barre sa "personnalité très immature", dotée d’une "intelligence plutôt faible" et le vécu d’une femme "marquée par la violence de son concubin". Le procès reprendra vendredi matin avec la plaidoirie de l’avocate du fils aîné du couple. Le reste de la famille ayant choisi de ne pas se constituer partie civile pour pouvoir représenter la mémoire du bébé. 


Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 10 Septembre 2020 à 18:12 | Lu 2759 fois