Tahiti Infos

Aux assises : Daniel, pédophile, 48 ans, la santé fragile


Aux assises : Daniel, pédophile, 48 ans, la santé fragile
PAPEETE, jeudi 30 mai 2013 - Le procès aux assises d’une affaire de pédophilie impliquant 9 petites victimes a dû être renvoyé sine die en raison du malaise cardiaque de l’accusé, lors de la première matinée d’audience.

On se rend au jugement d’un prédateur sexuel, d'un pédophile déséquilibré ; on y trouve une illustration de la solitude des îles et un homme malade, égaré dans une perception de monde peu commune. Trapu et bedonnant, guère plus d’un mètre soixante, le teint brun, les mains calleuses, Daniel est seul dans le box des accusés.

Il comparaît libre. Une main pour sécuriser l’attache du tuyau de son masque à oxygène l’autre sur la rampe du box il répond en Tahitien, marmonne des syllabes inaudibles : "Je ne les ai pas violées, c’est tout ce que j’ai à dire!", traduit l’interprète qui vient de se rapprocher, s'adressant à la cour.

Aux assises, l'instruction à l'audience du procès de Daniel, 48 ans, est programmé sur deux jours. Soupçonné de pédophilie, il est accusé du viol de neuf jeunes victimes sur l’atoll de Rangiroa.

L'audience a été renvoyée jeudi pour cause de malaise cardiaque de l’accusé, évacué en urgence sur l’hôpital de Taaone, en fin de matinée : insuffisant respiratoire, fragile du cœur, corpulent, Daniel a déjà fait plusieurs malaises et deux infarctus, en deux ans de détention provisoire. La dernière attaque, fin 2012, le laisse dans le coma. Iĺ est alors libéré, au bénéfice d’un placement sous contrôle judiciaire. L'enquête est bouclée. Depuis l'accusé vit à Tahiti, chez un proche.

Vu son état général, on peut craindre que son procès n'ait jamais lieu en dépit du renvoi probable de cette affaire à mai 2014.
Sur l'atoll du "grand ciel", tout le monde se fera alors un devoir d’oublier ces instants sombres, survenus entre 2007 et 2010 dans la pieuse communauté îlienne de Tiputa, 900 habitants.

De la plus âgée – 19 ans aujourd’hui, 14 à l’époque des faits – à la plus jeune, 5 ans lorsqu’elle a subi les assauts du pédophile, les victimes défilent à la barre. Les deux plus grandes semblent avoir honte. Puis, l’une après l’autre, arrivent les plus jeunes. La honte a cédé place à une naïveté ingénue. Le langage est emprunté : "il m’a caressé le sexe", "Il a piqué son sexe dans le mien, c’est rentré un peu" ; "Il a mis sa bouche sur mon sexe"… Dans le tribunal, le silence. Elles retournent sur le banc des victimes et recommencent à chuchoter entre elles : ce sont des enfants.

500 ou 1 000 francs et des sucreries

Avec les femmes, Daniel est un grand timide : tout sauf un beau parleur. Il n’a fréquenté personne depuis la séparation d’avec la mère de son fils, en 1987. En 2010, vingt-trois ans qu’il n’a pas eu de relation sexuelle consentante, "sauf une ou deux fois et dans des conditions extrêmement malsaines", commente Me Smaïn Bennouar, son avocat. 2010 : l'accusé a reconnu avoir abusé de trois fillettes de huit ans et d'une d'à peine cinq.

Il a quitté Tahiti pour s'installer à Rangiroa en 2001, au "secteur" chez son frère à 70 km de Tiputa. Ils y logent à la rude. Daniel s’occupe du poulailler, du parc à cochon, pêche un peu et ne va au village qu’à de rares occasions : il y vend ses œufs et en profite pour jouer à la pétanque avec les villageois. C’est durant ces séjours qu’il passe à l’acte.

Les faits se déroulent tantôt au domicile de son fils à Tiputa sinon celui des fillettes, lorsqu'elles lui sont confiées par les parents qui vont faire la bringue.
Sur le tard, courant 2010, les actes pédophiles auront lieu à l’abri d’un séchoir désaffecté devenu une cabane, appelée "Le château", à 20 minutes de marche du village.

Une fois isolées les fillettes s’exécutent, craintives. Ca dure "vingt minutes, une demi-heure". Il leur caresse le sexe, y introduit ses doigts, y pose sa bouche, demande parfois une fellation. Il tente aussi des pénétrations sur plusieurs d’entre-elles, après avoir frotté son sexe sur celui des victimes.

Elles sont nombreuses à dénoncer une douleur à ce moment-là : "Je ne voyais pas à cause de mon ventre", se défend l’accusé. Il répète : "Je ne les ai pas violées !".
Les fillettes sont ensuite récompensées avec un billet de 500 ou 1 000 francs et des sucreries, puis retournent vaquer à leurs occupations d’enfant.

Au village il était connu comme le vendeur d’œufs", explique l’enquêteuse à la cour. "Il était très apprécié de tout le monde. Les gens le trouvaient très gentil avec les enfants".

Interpellé le 15 novembre 2010, et placé en gade à vue à la suite de la plainte déposée par l’une de ses victimes, Daniel avouera sans peine les faits. C’est même lui qui donnera le nom des huit autres petites victimes, au cours des 48 heures d’audition qui donneront lieu à son placement en détention.

Il demeure mis en examen pour les crimes de viol et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15 ans et encourt 20 ans de réclusion criminelle ; mais il a une santé fragile.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 30 Mai 2013 à 16:22 | Lu 3764 fois