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Au Lac des Ciments, barbelés et patrouilles pour sécuriser des eaux turquoises mortelles


Colin BERTIER / AFP
Colin BERTIER / AFP
Beaumont-sur-Oise, France | AFP | vendredi 25/08/2022 - Cinq personnes s'étaient noyées depuis 2013 dans les eaux turquoises du très profond lac des Ciments, à une quarantaine de kilomètres de Paris. Mais cet été caniculaire, barbelés, patrouilles et verbalisations réfrènent les intrusions.

"Il avait 22 ans. Il est mort noyé le 9 août 2020", rappelle un écriteau, placardé sur un arbre près de la gare de Nointel-Mours, habituel lieu de passage vers ce lac du Val-d'Oise, au nord de la capitale. "Le lac mortel fait une nouvelle victime", titrait alors Le Parisien, après le décès l'année précédente d'un adolescent de 15 ans.

A cheval sur trois communes, l'ancienne carrière de calcaire - exploitée jusque dans les années 60 par un cimentier - a été remplie par les nappes phréatiques.

Au premier regard, ses eaux cristallines en font la carte postale idyllique. Plusieurs pontons semblent même y attendre le plongeur. 

Mais ce jour de canicule d'août, à l'arrivée des gendarmes accompagnés par l'AFP, aucun intrus sur ses berges accidentées. 

Depuis 2019, un arrêté préfectoral permet de verbaliser ceux qui pénètrent sur le site "dangereux", dont "l'accès est strictement interdit au public".

Car ses berges ne sont pas stabilisées, son dénivelé abrupt surprend les nageurs non confirmés et son eau particulièrement froide peut provoquer une noyade par hydrocution, selon les autorités. 

"A deux mètres du bord, on tombe à 25 mètres de profondeur, et cela peut descendre à 10 degrés, alors qu'en surface on est à 26", avertit Bruce Titreville, responsable du site pour la Fédération française d'études et de sports sous-marins (FFESSM) qui a racheté le lac en 2015. "Vous prenez l'effet thermocline, qui est très radical: vous allez vous éloigner et puis peut-être avoir une crampe et là (...) vous coulez".

Le plan d'eau est désormais utilisé pour la formation à la plongée et l'entraînement des corps d'Etat, dont l'unité d'élite de la gendarmerie, le GIGN.

Cet été, les gendarmes comptabilisent une quarantaine de verbalisations, là où la fréquentation pouvait largement dépasser les 400 personnes par jour il y a deux ans.

Elles "venaient pour se baigner, faire la fête, des barbecues, pique-niquer", explique le commandant Picot de la brigade de gendarmerie de Persan, sur la rive jonchée de bris de verre.

"Ils arrivent encore"

Mais malgré les patrouilles, la clôture de 2,7 km de long, surmontée de barbelés recouverts de lames de rasoir par endroits, le maître-chien ou les caméras, des personnes parviennent régulièrement à percer des "trous de souris" dans le grillage, que les gendarmes s'empressent de faire refermer.

Même la SNCF a investi 500.000 euros pour renforcer une clôture sur 200 mètres. "Il y avait un vrai risque de heurt des gens qui peuvent être amenés à traverser les rails pour se rendre au lac", affirme un responsable sécurité, Gaetan Logeais. 

Les arrivées de potentiels baigneurs peuvent être repérées en amont sur les réseaux sociaux, ou signalées par les agents de la SNCF dans les trains ou en gare.

"Ils arrivent encore par groupe de quatre ou cinq jeunes, mais se font repérer par le vigile", assure Sylvie, 37 ans, derrière le comptoir du Café de la Gare.

"Avant c'était noir de monde, les voitures se garaient partout", se rappelle l'un de ses clients, Tijami Boulaaba, 38 ans.  

"Mais on a un peu l'impression qu'ils (les autorités) privatisent le lac", regrette-t-il. "Ils auraient pu faire quelque chose de bien, des chemins de promenade..."

Un sentier pédestre a bien été mis en place par la FFESSM, mais il est réservé aux adhérents du club et leurs familles. 

"Il n'y a pas de projet de base de loisirs ni de site ayant vocation à accueillir des activités de baignade", a déclaré à l'AFP le directeur de cabinet du préfet du Val-d'Oise, Thomas Fourgeot, mettant en avant la dangerosité du lieu. 

Contactée, la mairie n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Le remblaiement du lac, autorisé par arrêté préfectoral en 2008, puis annulé devant les tribunaux après des années de combat d'une association environnementale, n'est pas non plus à l'ordre du jour, pas plus que la création d'une réserve naturelle, explique Bernard Loup, président du collectif d'associations Val-d'Oise Environnement, interrogé par l’AFP.

"La solution du club de plongée est plutôt un bon compromis", estime-t-il, évitant le comblement et protégeant la "grande diversité" de la faune et la flore.

le Vendredi 26 Août 2022 à 04:37 | Lu 1853 fois