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Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire


Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
PAPEETE, le 12 nov. 2012: Le Débat d'Orientation Budgétaire ( DOB) a démarré ce matin dans l'hémicycle de l'Assemblée de Polynésie française. Retrouvez ici, tout au long de la journée, les interventions des élus.

INTERVENTION de Sandra Lévy-Agami

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Objet : Document d’Orientation budgétaire

Au moment où le DOB est arrivé sur nos bureaux, l’Assemblée Nationale débattait déjà de l’avis rendu par le Député Dosière en France métropolitaine relatif au Budget des collectivités de l’ Outremer. En parallèle Monsieur Gallois rendait ses préconisations au Premier Ministre pour la relance de l'économie.
Il est par conséquent très tentant de faire une lecture transversale de ces trois documents. Et ce d’autant que, comme l'ont rappelé à juste titre Monsieur le Président Hollande et Monsieur le Ministre de l’Outre-Mer , « il est primordial pour l’Etat de rétablir la stabilité financière de la collectivité ».
Aujourd’hui, J'espérais donc discuter des grands axes de la politique du gouvernement TEMARU.
Or il n'en n'est rien. Le DOB tente de nous faire croire que le prix des hydrocarbures va baisser, que l’électricité également, que la pension pour les femmes aux foyers sera accordée et que le « moni ruau » sera automatique dès 60 ans ! .... Comment le croire ?
Après plus d’un an et demi de gouvernance, pourquoi ces mesures n’ont pas été prises avant ? Peut-être par ce que ce ne sont que des promesses électorales non financées. On sent que les élections territoriales approchent à grand pas !
Promesses électorales ou plutôt mensonges électoraux! L’avis rendu par le Député Dosière est éloquent! Il parle d’ « impasse budgétaire et financière » pour la Polynésie française. Autrement dit les caisses sont vides et il sera impossible de financer les mesures que vous annoncez. Vous le savez pertinemment !
Et ce d'autant que comme le rappelle en outre le Rapport DOSIERE, le Pays que vous gouvernez connait un taux de chômage de 25% depuis votre accession au pouvoir.
Ce Rapport nous remémore l'étude 2011 de l’IEDOM sur la Polynésie française qui indique que « financièrement le Pays connait des tensions de trésorerie quasi-permanentes l’obligeant à hiérarchiser ses dépenses au profit de celles obligatoires (salaires, emprunts) au détriment du paiement des fournisseurs mais aussi du soutien de l’économie par le biais de la commande publique ». Autrement dit le gouvernement paye en priorité les salaires et le remboursement des emprunts et n’a pas assez de trésorerie pour payer les fournisseurs ou relancer la commande publique. Autant dire que la prime pour la femme au foyer et l’automaticité du « moni ruau » ça ne risque pas d’être pour 2013 !!!
Et ce d'autant qu'au contraire des autres collectivités qui voient leurs autorisations d’engagement augmenter, la Polynésie française que vous dirigez subit une baisse de 6,9%...
Vous l'aurez compris, il est très regrettable que ce DOB ne traite d'aucun projet réaliste et adapté à la situation économique catastrophique du Pays.

Alors que Monsieur Gallois a rendu un rapport sur la compétitivité dans lequel il propose à juste titre de réduire les cotisations des entreprises de 30 milliards d’euros ainsi que des mesures en faveur de l’exportation, aucune mesure particulière n’est prévue dans le DOB pour les Très petites, petites et moyennes entreprises. Ce sont pourtant les premières pourvoyeuses d’emploi en Polynésie française!
De même, on apprend que « la pêche ne décolle pas » .... sans qu'aucune solution ne soit proposée. Les pêcheurs apprécieront!
De même, on apprend que la politique agricole est au point mort. En effet, il ne sera rien fait pour les agriculteurs avant 2014 puisque je cite : « le Pays et l’Etat ont l’ambition d’intégrer la politique agricole du pays au prochain contrat de projets Etat pays 2014-2019 » .....Les agriculteurs prendront acte.
Ce DOB témoigne à l'évidence d'une démagogie et d'un amateurisme certain.
Amateurisme qui explique à lui seul la débâcle que connait notre Pays
- 6,7% de croissance réelle prévue pour 2013 contre -1,7% en 2010. Autant dire que depuis que vous dirigez ce Pays notre niveau de croissance est inférieur à celui de la côte d’ivoire qui est de -4,7%.
Décidément l’accession à l’indépendance version Vanuatu c’est pour bientôt avec vous !!!
Vivement les prochaines élections pour qu’enfin des personnes compétentes et travailleuses procèdent au sauvetage économique de notre pays et redonnent de l’espoir aux chefs d’entreprises, aux chefs de familles et à nos jeunes !!!

Sandra MANUTAHI LEVY-AGAMI

INTERVENTION DE PHILIP SCHYLE

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Tout un chacun le dira à juste titre : le rapport des orientations budgétaires du gouvernement pour 2013 fleure les élections.

Autrement, comment justifier un "plan d'immédiateté" pour 2013, alors que le gouvernement, au pouvoir depuis 2010, n'en a prévu ni en 2011 ni en 2012, le PIB ayant pourtant amorcé sa décrue durant cette période, comme le montre le tableau figurant dans le rapport en page 8 ?
Comment expliquer également la création de l'allocation "parent au foyer" pour 2013, alors que la mesure était déjà annoncée en 2004 ?

Mais, c'est de bonne guerre et ce n'est pas nouveau ! Tous les gouvernements sortants, sans exception, ont fait de l'électoralisme, à la veille des échéances territoriales.

La crise étant la préoccupation majeure et quotidienne de tous les Polynésiens, 2 choses m'interpellent plus que toute considération électoraliste.

Le gouvernement appelle les élus que nous sommes à "... trouver un consensus sur les axes majeurs de notre développement et du redressement de notre pays." (p.3).

L'appel est légitime et sensé.
Le consensus est en effet nécessaire, tant la crise économique et sociale qui frappe la Polynésie française est grave et profonde.

En métropole, quand la Nation est au plus mal, la droite et la gauche arrivent à s'accorder sur l'essentiel. En Nouvelle-Calédonie, les loyalistes et les indépendantistes font de même.

Pourquoi alors en Polynésie française, chez nous, nous n'y parvenons pas. Est-ce à cause de nos différences idéologiques ? Pourtant, même entre autonomistes, c'est une gageure. Est-ce à cause de nos égos ? Peut-être. Pourtant, certaines alliances ont démontré que l'on pouvait en faire fi. Est-ce à cause d'intérêts financiers ou occultes ? La question mérite d'être posée.

La confiance n'est-elle pas en définitive l'une des clés essentielles pour sortir notre pays de la spirale de crise, dans laquelle il est inexorablement enfoncé depuis plusieurs années. Or, le rapport n'en parle pratiquement pas, hormis la référence à la promotion du capital humain.
Pourtant, le niveau d'épargne des ménages polynésiens, qui est important et en hausse (plus de 330 Mds Fcp en juin 2012, 315 Mds Fcp en 2008, cf site IEOM) indique que l'argent ne manque pas.

Pourquoi alors de nombreux Polynésiens préfèrent-ils investir en Nouvelle-Calédonie ou à l'étranger ? Pourquoi de nombreux Polynésiens, jeunes et diplômés pour la plupart, décident-ils d'émigrer pour aller travailler en Nouvelle-Calédonie ou en métropole, expliquant en grande partie le solde migratoire de notre population, relevé lors du dernier recensement ?

Si pour l'Etat et notamment pour le ministre des outre-mers Victorin Lurel, ".... la confiance est revenue, mais la confiance se mérite." (il y a quelques jours, au sujet du pilotage resserré du plan de redressement), pour les Polynésiens, en revanche, la confiance n'est pas encore gagnée.

Plus qu'un débat d'orientation budgétaire, c'est un débat de confiance qu'il faudrait engager aujourd'hui.

Je vous remercie de votre attention.

INTERVENTION du To taou Ai'a représenté par Me Rosine BRODIEN

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants à l’Assemblée de la Polynésie française, chers collègues de l’opposition « constructive », de la majorité et d’ailleurs….
Cher public, journalistes attentifs et patients

Si le Débat d’Orientation Budgétaire est effectivement une étape essentielle de la procédure budgétaire. Il permet surtout d’informer les élus sur l’environnement économique et la situation de la Polynésie française, afin d’éclairer leurs choix lors du prochain vote du budget primitif.

1) Le Constat
Et, sans surprise, le constat est dur, mais il est aussi réaliste sur la situation financière catastrophique du pays. On l’a bien compris, « C’est la crise ! », et elle a bon dos cette crise puisqu’elle explique à peu près tout.

Pour autant, les premières pages qui s’enferment dans un langage technocrate difficilement accessible, cachent péniblement le manque évident des liens de causalités entre les diagnostics expliquant les difficultés du contexte international et la précarité du contexte national et local.

Autre explication à la mode, celle d’un « modèle économique périmé », la belle affaire, n’est ce pas ce que vous nous chantez depuis des années ? Lorsque la date limite d’utilisation optimum était alors dépassée en 2004, et que l’occasion vous était donnée de mettre en place un modèle économique tout frais, qu’avez-vous fait ? Pour ce 5ème gouvernement TEMARU, ce n’est plus un modèle périmé que vous nous proposez là, mais un modèle totalement avarié en essayant de nous faire avaler une fois de plus n’importe quoi.

2) Des hypothèses de croissance trop optimistes
Je me rappelle encore les hypothèses de croissances très optimistes du DOB de 2011 où l’on pouvait lire, je cite : « Pour l'avenir de notre Pays, le gouvernement entend définir les politiques publiques qui vont conduire à la mise en œuvre d'un développement économique et social équilibré et durable. Et, on peut classer ces politiques sectorielles en deux grandes catégories : Premièrement, celles visant à la valorisation des ressources et au développement économique ; Puis, celles contribuant à l'équilibre et au développement social et qui constituent les fondamentaux garantissant un développement durable. »

Les résultats positifs et l’état d’avancement des informations concernant les principaux investissements projetés, notamment dans un cadre pluriannuel, le niveau d’endettement et l’évolution de la fiscalité n’apparaissent nulles parts dans votre document, malgré ces 93 pages recto verso.

Cependant, nous retiendrons pour autant un bilan relativement objectif et positif de l’année 2010. Certains diront encore que nous faisons de l’autosatisfaction, de l’année qui apparait dans le document comme la meilleure et que nous regardons dans le rétroviseur. Mais lorsque l’on voit le temps qu’il faut pour que certains se rendent compte de la réalité, il nous apparaît utile d’insister sur certains points histoire de gagner du temps.

D’ailleurs le groupe TO TATOU AI’A se félicite de voir que le gouvernement actuel fait toutefois confiance dans un certain nombre de réformes structurelles qui ont été mises en place par le gouvernement TONG SANG, que nous avons par ailleurs votées et dont la montée en charge est en cours. Je pense en particulier à la réforme de la PSG, la refonte du service public et de la réforme de la fiscalité, qui, ma foi, ne doit pas être confondue avec la volonté à moitié avouée, de votre gouvernement, de créer ce fameux impôt sur le revenu !

3) Les recettes
Je ne pense pas qu’il soit possible de construire un budget en augmentant les dépenses sans recettes nouvelles mais que le gouvernement nous revient avec son idée d’impôt sur le revenu ce sera effectivement le « choc économique » sans aucun effet thérapeutique. Annoncé en grande pompe lors de la « motion poisson d’avril », ce sujet était pourtant depuis tombé dans les oubliettes.

En effet, depuis le mois d’avril 2011, le ministère des finances n’a fait que quelques petites réformettes sans grandes ambitions, sans, en tout cas, informer notre représentation de l’objectif général poursuivi par le gouvernement pour arriver à la modernisation de notre système fiscal, et à une réflexion fiscale établie sur la recherche d’efficacité économique et l’organisation des dépenses publiques en fonction des recettes fiscales.

La sortie de la crise économique et sociale est fragile et il convient de se donner tous les moyens pour respecter la trajectoire qui a été fixée pour redresser les finances publiques. Ce n’est pas faute de l’avoir démontrée ! Grâce à une maîtrise rigoureuse et réaliste des dépenses de fonctionnement, le gouvernement TONG SANG avait pu dégager un excédent, à la fin de l’exercice 2010, de 9 milliards de F cfp de recettes de fonctionnement et restaurer l’épargne nette, excédentaire de plus de 4 milliards

Un autofinancement et un résultat global positifs après 3 années de résultats négatifs ! Est-ce la règle des 3 années de résultats négatifs du gouvernement TEMARU que vous souhaitez mettre en avant pour l’année 2013?

Dès lors, l’interrogation est légitime. Qui d’autres à part ceux qui estiment pouvoir user de leur voix dans notre assemblée pour obtenir tel ou tel avantage, peut encore croire que vous êtes capable de redresser le pays après deux années où tous les chiffres sont dans le rouge?

4) Les dépenses
Pourtant, le DOB est assez bien fait dans son ensemble car il rappelle au préalable que dans un contexte international de crise, et face au contexte national de rigueur, le gouvernement TEMARU entend porter un budget volontariste qui vise à protéger les Polynésiens, tout en poursuivant les priorités engagées.

Toutefois, à la lecture des moyens que le pays aura à sa disposition, on ne peut s’empêcher de se demander comment le gouvernement compte y parvenir.
En effet, le gouvernement se contente de reprendre l’assainissement des comptes engagé par le précédent gouvernement, le reste étant des mesures inscrites dans le rapport BOLLIET.

Il est primordial de rétablir la crédibilité budgétaire. La rigueur, autrement dit, est prioritaire mais au-delà de réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement face à la nette diminution des recettes, il faut également accroitre les dépenses d’investissement par l’autofinancement et un endettement raisonnable.

5) Un plan de relance mort-né
Autant dire que c’est mission impossible en ce qui vous concerne !

La marge de manœuvre dont dispose la collectivité pour, notamment financer et initier ses dépenses d’équipement est indisponible puisque l’épargne nette est redevenue négative de 497 millions F. CFP.

Le disponible pour l’investissement ne permet de couvrir plus que 16% des investissements contre en 2010, 58% des investissements couverts sur fonds propres, avec un taux de liquidation à 53%!

Et la situation de l’endettement est devenue préoccupante et la capacité d’emprunts relève bientôt du miracle.

Encore un plan de relance tué dans l’œuf ! Peut-on d’ailleurs l’appeler plan de relance ?

De but en blanc, voici ce que notre groupe pourrait proposer pour aller dans ce sens : 30 milliards d’investissements et 25 mesures d’aides, allant, pour ne citer que les principales, de l’accession au logement avec le PAP PIM et PIL, au développement du tourisme au travers du COST qui n’est pas encore obsolète,… Ah mais j’oubliais, à quoi bon donner de bonnes idées quand le gouvernement n’ a aucune marges de manœuvre budgétaires pour les réaliser.

Autant écrire un DOB qui n’aura comme débat que le nom !

Quand on accuse les aides au développement de créer uniquement de l’assistanat, cela frise le ridicule. Allez juger un outil alors que ses utilisateurs et son utilisation sont les seuls coupables ! A force de perdre le fil, ne faut-il pas mieux cesser de faire tapisserie ?

Nous entrons, mes chers collègues dans un cercle vicieux. En raison de la faiblesse de la demande interne liée à l’appauvrissement des revenus et un chômage grandissant, le pays est dans l'incapacité de lancer des projets d'investissement rentables et capables de déclencher le processus de développement.

Au final, les compromis qui ont été minutieusement négociés dans les salons feutrés des ministères vont laisser beaucoup de Polynésiens sur leur faim.

Les marchands de rêves sont devenus des marchands d’illusions !

Je vous remercie de votre attention.

INTERVENTION de René TEMEHARO ( Taoheraa' Huiraatira)

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Allocution de René TEMEHARO Débat d’orientation budgétaire 2013

Monsieur le président de l’Assemblée
Monsieur le Président de la Polynésie française
Monsieur le vice-président
Madame et Messieurs les ministres,
Chers collègues,

Pour débuter mon propos, je voudrais soulever une nouvelle fois l’inutilité d’organiser un débat d’orientation budgétaire 3 jours avant la date du dépôt du budget.

Ce débat a normalement pour objectif d’infléchir les orientations proposées par le gouvernement pour la construction du budget. Or, nous savons très bien que ce budget est d’ores et déjà bouclé et qu’il n’y a pas lieu de débattre préalablement de ses orientations.

Cet état de fait a d’ailleurs été rappelé, pour le déplorer, par le rapport de la chambre territoriale des comptes. Il vient également rappeler, Monsieur le Président Drollet, les limites des contrepouvoirs que vous souhaitiez pour notre assemblée.

Tout autant que cette absence de vrai débat de fond pose les limites du consensus souhaité par le gouvernement autour de sa vision. Si nous ne pouvons pas infléchir les propositions, comment peut-on réaliser ce consensus ?

Ceci étant, nous n’allons pas faire l’impasse du débat sur la vision qui est traduite dans votre document d’orientation budgétaire.

Sur la forme, d’abord, je note beaucoup, beaucoup trop, de similitudes avec le DOB de l’an passé, nombre d’orientations n’étant qu’un copier-coller de ce qui était précédemment écrit, avec il est vrai quelques développements et l’apparition d’une iconographie fournie. C’est vrai que quand on n’a pas grand-chose à dire de nouveau, les images meublent un peu l’absence de fond.

Votre constat de l’état de l’économie reprend, lui aussi sur la forme, le même langage obscur et impénétrable que l’an passé pour tenter de mieux masquer la gravité de la situation.

Je serais d’ailleurs curieux que Mme la présidence de la commission des finances puisse nous expliquer, par exemple, le sens de cette phrase : « l’éventuel retour désastreux de la fonte des effectifs salariés en 2013, en particulier ceux du secteur privé relève donc de relais dépressifs auxquels la contre performance économique 2012 ne présente pas d’ancrage pertinent en genèse ou remède, moins encore dont le pays dicterait la donne ».

Ce que nous avons bien compris, c’est que 2013 risque d’être pire que 2012, et que vous ne disposez pas des leviers suffisants pour redresser la situation, votre objectif étant tout au mieux de stabiliser les conséquences néfastes de la crise à leur niveau actuel. C’est ce que vous appelez, dans un joli vocabulaire, « une trajectoire « favorable » d’attente ».

Pour notre part, nous pensons que vous n’y arriverez pas avec les mesurettes que vous proposez.

Cette logique, nous l’avions déjà dénoncée lors de l’étude du DOB puis du budget 2012, attirant votre attention sur le fait que vous ne proposiez aucune mesure de relance de l’économie, le ministre du budget étant entièrement focalisé sur l’approche purement comptable de son plan de redressement des finances publiques.

Là encore, au travers du DOB, vous reconnaissez enfin que cette vision purement comptable a eu un effet dévastateur et que le prolongement de cette approche nous expose, et je cite votre rapport à la page 10, « au risque de ne pouvoir contenir son effet multiplicateur en une dépression économique ». Dépression dans laquelle nous sommes déjà bien entrés, soit dit en passant.

Alors, pour tenter de remédier à l’échec de votre politique depuis votre retour au pouvoir en avril 2011, qui s’est traduite notamment par un cortège de licenciements et un accroissement durable de la précarité, vous nous proposez un « plan d’immédiateté » pour « contenir et réduire les inégalités sociales ».

Tels les pompiers pyromanes vous allez tenter d’éteindre le feu que vous avez allumé.

Personne ne viendra contester votre volonté affichée de faire baisser les prix de l’énergie et des hydrocarbures en jouant sur la fiscalité. Nous avons bien compris que c’était la stratégie que vous aviez engagée lors de vos réunions de concertation avec les organisations patronales pour remettre à plat les aides attribuées à certains secteurs de l’économie.

Reste à savoir si en baissant la fiscalité, tout en gardant le même volume de recettes budgétaires par la diminution en parallèle des aides, vous parviendrez à atteindre votre objectif de baisse des prix.

Bien sûr, dans le même temps, vous nous proposez d’encadrer encore plus largement les prix en élargissant la liste des PPN. Là encore, nous ne viendrons pas vous contredire, si ce n’est que nous ne voyons pas clairement où se situe la nécessaire mutation de notre système économique qui devient, avec vous, de plus en plus dirigiste.

Nous ne voyons pas non plus où se trouve votre volonté de rompre avec le système de l’assistanat quand vous nous en proposez toujours plus, au travers de l’allocation parent au foyer, une mesure bien évidemment purement électoraliste. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point particulier.

Je parlais à l’instant de la mutation de notre système économique, et c’est ce que vous affirmez vouloir promouvoir dans le 5ème point de votre document.

Je ne m’étendrais pas sur les premiers volets concernant notamment l’éducation, la jeunesse ou la culture qui n’apportent rien de neuf et où l’on sait se payer de beaux mots.

Par contre, et dans le contexte récessif que nous connaissons, mon attention a bien sûr été portée sur le volet emploi et formation professionnelle.

Je passe sur le constat catastrophique déjà fait par le président Temaru lors de son discours d’ouverture de la session pour me concentrer sur les actions que vous entendez mener pour, je vous cite (p.40) « favoriser le maintien à l’emploi durable et cibler l’action publique pour l’emploi ».

Suit donc le catalogue de toutes les mesures dont nous disposons et qui, hélas, n’ont pas donné la preuve de leur efficacité dans le contexte dépressif actuel. Il est certain que les patrons souhaiteraient toujours pouvoir maintenir l’emploi grâce aux dispositifs comme l’IME ou le CRE, mais il arrive un moment où ces mesures ne sont plus de nature à garantir la survie de l’entreprise.

Donc, permettez-nous d’être assez dubitatifs en la matière, et ce d’autant que vous allez amputer les budgets d’intervention du SEFI de 500 millions pour financer en partie votre allocation électorale pour les parents au foyer. C’est vrai que dans votre conception, il est mieux de payer des gens à ne rien faire plutôt que de les aider à vivre dignement grâce à un emploi et un salaire.

Notons aussi que vous semblez apporter beaucoup plus d’importance, en volume rédactionnel tout au moins, à toute la panoplie de renforcement de la réglementation du travail et des contraintes pour les entreprises.

Vous avez bien compris par ailleurs que l’extrême faiblesse des engagements financiers en 2012 au soutien de l’économie avait été préjudiciable. Ainsi, vous nous proposez de relancer la commande publique pour, je cite une fois de plus le cruel constat (p.26), « compenser l’activité en plein déclin du secteur privé ».

Vous allez donc relancer le béton, contrairement aux incantations du président Temaru lors de son discours du 20 septembre dernier qui dénonçait, je le cite, « la sempiternelle méthode Keynésienne » et s’interrogeant sur le fait de savoir s’il allait falloir « bétonner toute l’île de Tahiti ».

Désolé de vous le dire, mais dans votre programme d’actions, nous sommes loin des chantiers « générateurs de plus value en priorisant l’investissement dans les outils de production »(p.26).

Où est l’investissement productif quand on nous propose de construire un nouvel hôtel des finances sur le front de mer ? Est-ce cela qui va attirer les touristes ?

Où est l’investissement productif dans la construction du nouveau bâtiment du service des transports terrestres à Pirae.

Reloger des services du pays est-il un investissement productif ?

Je ne parle pas de la construction de votre nouvel hôpital à 4 milliards à Taravao alors que nous ne pouvons déjà pas faire fonctionner les services de santé existant.

Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres qui démontrent votre totale contradiction avec votre affichage politique.

Sur un autre plan, celui du développement de nos ressources propres, nous vous suivons sur les grands principes. Il est bien évident que la mutation de notre économie ne peut pas faire l’impasse sur cet axe.

Par contre, nous vous trouvons bien trop optimistes sur le court terme. Comment croire, par exemple, que dès l’année prochaine nous pourrions atteindre au niveau de la pêche hauturière l’objectif de 7000 tonnes de captures, alors que nous ne débarquons depuis plusieurs années que 4000 tonnes au port de pêche.

Sauf bien sûr à vendre nos eaux aux armements étrangers comme vous n’en excluez pas la possibilité.

Avec vous, au train où ça va, notre pays va être vendu par petits morceaux aux intérêts chinois, russes, australiens où tout autre adepte du carnet de chèque, comme d’ailleurs dans la plupart des états insulaires indépendants du Pacifique.

Au sujet des activités perlières, je ne peux pas manquer de relever une contrevérité en page 17, quand vous expliquez que le basculement de cette économie s’est fait au début de la décennie 2000, alors que le vrai déclin s’est opéré à partir des années 2006 et 2007 quand le gouvernement Temaru de l’époque a confié ce domaine à des ministres issus de la profession perlicole.

Puisque nous en sommes à relever les petites perles de votre document, je ne peux m’empêcher de faire un petit clin d’œil à un ancien ministre du tourisme aujourd’hui président de notre assemblée lorsque le DOB, en page 14 note les efforts de promotion au travers, notamment de la campagne « invest in your love » de 2008 qui a coûté plus de 300 millions, alors qu’une page plus loin il est écrit : « malgré les moyens importants mis dans le financement d’actions de promotion, la fréquentation touristique n’a cessé de chuter depuis 2008 ». Tragique coïncidence !

Autre idée à relever, celle de réduire de 30% les coûts pour résoudre la problématique de la cherté de la destination Polynésie, par exemple en procédant à une dévaluation du Franc Pacifique. Les représentants de l’IEOM ont déjà souligné le caractère saugrenu, pour ne pas dire farfelu de cette idée.

Mais nous sommes tentés de croire que le président Temaru a trouvé la solution pour réduire les coûts de 100% en appelant la population à accueillir gratuitement des touristes.

Restons sérieux. Au-delà de l’immédiateté de certaines mesures, nous avons bien compris que, à l’aube d’une échéance électorale capitale pour le pays, votre principale préoccupation avait été de faire rédiger par nos services, et au besoin en faisant appel à des prestataires extérieurs, les bases de votre futur programme électoral.

Ce qui a d’ailleurs été confirmé de manière implicite par le vice-président Géros sur TNTV, le 2 novembre. Interrogé pour savoir si ce DOB n’était pas justement un programme politique pour la prochaine campagne, Monsieur Géros a candidement répondu : « et bien pourquoi pas ? ».

Vous qui n’avez de cesse de nous faire la leçon sur la bonne utilisation des fonds publics, vous faites la démonstration que vous êtes en train de détourner ces mêmes fonds publics pour votre seul profit électoral.

On comprendra donc que votre vision immédiate au travers de ce DOB, et demain du projet de budget, sera de tenter de limiter la casse sociale avant les élections, de lancer quelques mesures clientélistes, et enfin de repousser à plus tard les vraies réformes dont à besoin le pays pour se reconstruire.


Je vous remercie de votre attention.


intervention d’Armelle Merceron

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Notre pays souffre d’une crise économique et sociale historique : par sa gravité et son intensité (emplois, revenus, pauvreté-précarité, disparition d’entreprises, recul du PIB et pertes successives de recettes budgétaires), par sa durée, par la perte de confiance générale. Nous sommes à la fin d’un modèle économique et social hérité de l’ère CEP et non viable. Notre société doit absolument se réformer en profondeur pour entrer dans une ère moderne et offrir aux générations plus jeunes un avenir favorable. Car depuis quelques années nous vivons au dessus de nos moyens.
L’admettre a été difficile pour un grand nombre qui croyait à une crise passagère et espérait (et espère encore pour certains) un retour à l’ordre ancien. Ce manque de clairvoyance a retardé la prise de conscience, aggravé la situation, accentué les déficits et la fracture sociale entre ceux qui souffrent fortement de la crise et ceux qui s’agrippent à leurs avantages et rentes anciennes.
Or plus on attend, et plus les marges de manœuvres sont minces et les solutions brutales
Depuis que vous avez décidé de reprendre le pouvoir vous reconnaissez l’impasse dans laquelle notre pays se trouve puisque vous vous heurtez à la réalité budgétaire et aux exigences des financiers et de l’Etat. Mais hélas en 18 mois (sans instabilité !) vous avez démontré l’inefficacité de votre action : les indicateurs sont toujours aussi désastreux et la confiance des entrepreneurs, des investisseurs des prêteurs et des ménages polynésiens ne revient pas. Là ou il fallait un traitement puissant, vous avez préféré l’homéopathie ou l’attente … des aides de l’Etat. Votre plan de redressement des finances publiques est si peu actif que le gouvernement socialiste de Mr Hollande vous impose une gouvernance resserrée pour le mettre en œuvre. C’est tout dire. Qui paie contrôle ! Il me vient à l’esprit, monsieur le président, les accusations particulièrement agressives que vous lanciez aux autonomistes supposés, selon vous, être tenus en laisse par l’Etat colonisateur. Vous, vous êtes mis tout seul le collier avec la laisse. Mais le colonisateur socialiste doit être plus acceptable que le colonisateur de droite !
De plus là ou il fallait, parallèlement au rétablissement des équilibres budgétaires, entreprendre des réformes de fond, vous vous limitez depuis un an et demi à des mesures largement insuffisantes ou incohérentes. Et vos orientations budgétaires pour 2013 et vos annonces politiques poursuivent sur cette voie molle qui nous plonge encore plus dans la dépression et la déprime : - 6,9% de PIB en une année ! Incroyable et catastrophique
Des exemples :
- Notre protection sociale a besoin d’une réforme profonde et complète : l’assurance-maladie, la retraite, la solidarité, la famille, doivent être réformées tant sur le plan des équilibres financiers que sur le plan des prestations et de l’organisation. Sans cela, c’est l’effondrement à coup sur ! Les partenaires sociaux vous ont remis des propositions en juin 2011. Vous n’avez pas réagi si ce n’est pour nous présenter quelques textes épars et insuffisants. La situation s’aggrave :
o Assurance-maladie : page 45, il est écrit que le déficit cumulé de l’assurance maladie (des salariés) a atteint 18 milliards fin 2011. Combien fin 2012 ?
o La retraite « est entrée depuis 2009 dans une situation de déséquilibre structurel inquiétante » : 4,4 milliards de déficit technique en 2011, 6,4 milliards prévu fin 2012 et 7 milliards probable en 2013 ! Au total – 17,8 milliards cumulés en trois ans. La chute de l’emploi et l’augmentation du nombre de retraités ont aggravé la situation. Les textes qui ont été soumis à notre validation sont parcellaires et ne font que reculer les échéances de quelques années.
o Déficits acquis de l’Assurance maladie et de la retraite : c’est l’avenir que vous plombez et ce sont les actifs du futur qui devront payer la dette solidaire du passé.
o Vous devez imaginer des jongleries financières dans laquelle on se perd pour permettre au CHPf de survivre au jour le jour. Au risque de rompre la continuité des soins. Vous en êtes, vous et votre majorité, responsables. Non seulement vous avez réduit très mal à propos de 800 millions la dotation globale au CHPf, mais vous avez sciemment sous doté le budget du RSPf pour 2012 avec plus de 3 milliards d’impasse budgétaire. Je l’ai dénoncé ici il y a un an lors du vote du budget général. Sans réaction de votre majorité.
o Pour 2013 aucune détermination concrète à agir n’apparait dans le document des orientations budgétaires. Des phrases, des projets mais pas de trace d’une volonté forte d’enrayer la spirale dépressionnaires et de prendre à bras le corps le problème. Des annonces pour 2012 sont reprises pour 2013.
- Dans ce contexte de pénurie financière, vous avez annoncé il y a quelques jours votre décision de (re)mettre à l’ordre du jour l’allocation de mère au foyer, devenue allocation du parent au foyer pour être politiquement correct. Sur le fond il nous est difficile de contester le besoin d’augmenter les revenus des familles à faible revenus. Mais assurément ce n’est pas la bonne méthode ? Vos choix sont hautement contestables :
o Pourquoi agir dans l’urgence alors que depuis 18 mois vous aviez largement le temps de préparer une action sans bavure et cohérente ? Mesure électoraliste !
o Au lieu de préparer une loi de pays indispensable à une prestation légale permanente, assise sur des financements clairs et pérennes, vous reprenez le même scénario qu’en 2007 et imposez la voie non règlementaire de l’aide sociale ponctuelle par le FAS du RSPf. Alors que les travailleurs sociaux croulent sous la prise en charge de la misère sociale accrue, vous leur donnez 15 jours pour se plier à votre décision qui engendrera des tâches administratives d’enquête sociale cas par cas. Pour 5 000 familles estimées. Incroyable. Et en plus vous les charger de contrôler si le versement est justifié ou pas. Ce n’est pas leur métier.
o Parce que le temps vous est compté pour espérer vous refaire une santé politique avant avril 2013, vous avez imposé l’application de la mesure dès le 5 novembre. Avec la coopération docile du chef de service, mais le désaccord muet de votre ministre de la solidarité, vous raclez les crédits restants au FAS du RSPf pour les autres aides sociales d’ici fin décembre : personnes âgées et handicapées, familles sans enfants ou enfants de plus de 16 ans, adultes en situation vulnérable. Vous déshabillez les uns pour habiller les autres !
o Vous n’avez pas d’argent, vous êtes dans un plan d’austérité budgétaire et vous dépensez 1 milliard par an dans une mesure à contre courant.
o La forme même de votre aide est critiquable. Vous auriez pu augmenter tout simplement les allocations familiales de tous les enfants du RSPf. Vous limitez l’aide à l’âge de 16 ans. Un adolescent de 16 ans révolu est aussi une charge pour ses parents. Il faut le vêtir, le nourrir. Quand il va à l’école, il prépare son avenir et il est un investissement humain pour la société. Pour lui, ses parents n’auront droit à aucune aide. Pourtant à cet âge on a encore plus besoin de la présence éducative de ses parents ! C’est un feu vert pour le décrochage scolaire à 16 ans alors que les jeunes doivent être scolarisés le plus longtemps possible. Nous sommes au 21° siècle, Monsieur le Président, dans une société qui se veut ouverte sur le monde. L’école ne fabrique pas des crétins.
o Je relève comme d’autres l’on fait, une autre incohérence : vous dites que vous voulez encourager les Polynésiens à se lever pour leur pays, à travailler dans le secteur primaire notamment. Nombre d’hommes et de femmes tentent aujourd’hui de gagner dignement des revenus modestes par leur travail et leur esprit d’initiative. Je pense que vous casserez cette dynamique que l’on voit dans le développement de petits métiers et ventes du bord de route en leur accordant un don car la contrepartie en activité ne sera pas contrôlable. (Je vous l’ai dit les travailleurs sociaux ne sont pas des contrôleurs et de toutes façons ne sont déjà pas assez nombreux). Pourquoi ne pas consacrer une partie de ces sommes à promouvoir cet esprit d’initiative par des prêts à taux zéro dans l’agriculture, la pêche, l’artisanat, les métiers de proximité ? Par le financement de mesures d’accompagnement, de formation ? Au lieu de consacrer une fraction de ce milliard à un vrai programme de soutien à l’activité et à la production pour une économie plus endogène comme vous l’annoncez, vous allez encourager une consommation de produits largement importés. Ce mécanisme appartient à une économie de comptoir que vous dénoncez régulièrement. Pas à un pays qui doit gagner sa souveraineté alimentaire comme vous dites.
o Décidemment vous êtes pris en flagrant délit électoraliste !
- Restons dans notre principale richesse l’homme : le recensement de septembre 2012 révèle un solde migratoire négatif. Plus de sortants que d’entrants ! Parmi les émigrés, des Polynésiens, jeunes, dynamiques, qualifiés souvent, partis tentés leurs chances ailleurs, ou pas revenus de leurs études faute d’avenir ! C’est une perte humaine inquiétante pour un pays de voir sa matière grise la quitter.
o Il faut mettre le paquet en matière d’océanisation des cadres et des techniciens : vous envisagez plus de 1000 départs volontaires d’agents publics, à qui vous proposez des primes conséquentes et qui, une fois retraités, vont aggraver le déficit de la branche retraite des salariés : moins de cotisations, plus de retraite à payer, une perte brutale de savoir et d’expérience brutale puisque vous permettez à toutes les catégories de partir.
o A côté de cela la refonte nécessaire du service public est au point mort alors que vous mettiez cette réforme en avant dans le DOB 2012. Votre gouvernement n’a jamais manifestez un véritable engagement pour cette réforme indispensable.
o Pourquoi ne pas combiner l’allègement financier nécessaire de la fonction publique avec le recentrage des missions du service public mais aussi des engagements fermes à maintenir les postes qualifiés dans les secteurs et les îles où ils sont nécessaires ? Par exemple en prévoyant des départs progressifs à la retraite des cadres et techniciens plutôt que des ruptures brutales : le mi-temps des anciens permettant le recrutement moins coûteux d’un mi-temps de jeunes : pour les garder, pour leur faire confiance, pour bénéficier de leur dynamisme. Non, vous restez sur des schémas sociaux du 20° siècle. De la rigidité conservatrice plutôt que de la flexibilité des emplois, des horaires annualisés, pour que la Polynésie retrouve foi en elle-même.
- Je voudrais pour finir parler d’une autre incohérence : vous dites et répétez qu’il faut changer l’orientation économique et sociale : passer d’une économie de comptoir à une économie d’autosuffisance, et pour cela encourager les polynésiens à entreprendre, réduire les dépenses publiques. Soit. Mais le passage en revue des projets sectoriels montre qu’à part l’agriculture qui propose des actions concrètes, vos ministres ont fait remonter beaucoup de belles paroles, des idées non abouties ou répétées d’une année sur l’autre. Des annonces répétées (exemple, le 2d opérateur logement aménagement), des schémas directeurs de ceci et de cela (transports, énergie), des études pour ceci et pour cela. De la concrétisation peu.
- Vous dites vouloir changer notre système économique (plus de béton, plus de dépenses inutiles). Nous avons relevé que vous persistez dans votre décision de construire : le bâtiment de la direction des transports terrestres à Pirae - 1,750 milliards d’investissements pour le moment (mais ça monte régulièrement), le bâtiment des services financiers : pour le moment 1,2 milliard. Mais nous n’en sommes qu’aux études. Ca va grimper ! Pire vous utilisez un terrain qui vaut de l’or. Qui est géographiquement exceptionnel. Dans les deux cas, y a –t-il nécessité ? Ces services ne sont pas à la rue. Et surtout quel sera le coût de fonctionnement ? La règle devrait être que tout nouveau bâtiment public ait autant que possible un compte d’exploitation équilibré par des recettes propres.
Franchement ce type de choix démontre que derrière vos belles paroles, il n’y a pas de détermination à changer.


Projet d'intervention de Mme Emma ALGAN

Assemblée de Polynésie française: suivez les interventions du Débat d'Orientation Budgétaire
Le Débat d'orientation budgétaire, inscrit à l'ordre du jour de notre séance, constitue l'un des moments clés de la session budgétaire. En effet, ce projet doit nous éclairer sur l'action que votre gouvernement entend mettre en œuvre à court, moyen et long terme. Quand bien même, ce qui nous préoccupe avant tout est de savoir de quoi sera fait 2013...
Avant de rentrer plus en détails dans notre analyse, permettez-moi deux remarques sur la forme.
- D'une part, comme chacun d'entre nous ici, j’ai remarqué la lourdeur rédactionnelle dans la partie qui concerne les perspectives pour la Polynésie française . Pourquoi faire compliquer quand on peut faire simple ?... Tous les élus ici présents ne sont pas des techniciens de la finance.
- L’année dernière, à la même époque, ma collègue Armelle Merceron, vous en avait déjà fait le reproche dans le Débat d’orientation budgétaire de l’année 2011…
Pour illustrer mon propos, je voudrais citer deux passages. A la fin de la page 10, tout d’abord, on peut lire : « Le budget 2013 s'inscrit donc comme un acte contraint d'accoucher d'une concrétisation accélérée des réformes économiques majeures, la défection sur ces signaux attendus du tissu économique garantissant d'un déficit sans remède ». Ou encore, à la page précédente, 4ème alinéa: « L'éventuel retour désastreux à l'accélération de la fonte des effectifs salariés en 2013, en particulier ceux du secteur privé, relève donc de relais dépressifs auxquels la contre-performance économique 2012 ne présente pas d'ancrage pertinent en genèse ou remède, moins encore dont le Pays dicterait la donne ».
Peut-être, monsieur le président ou le vice-président, nous direz-vous en langage clair ce que tout cela signifie...?
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Ceci étant dit, sur le fond maintenant, que faut-il retenir du DOB 2012 !?
Sur les constats, nous sommes toutes et tous à peu près d'accord: « Notre autonomie économique doit se construire sur nos ressources propres... » comme il est écrit noir sur blanc en préambule du document. Mais la démarche n’est pas nouvelle, elle a constitué le socle du Pacte de progrès dans les années 90, et nul ne peut nier les progrès réalisés en matière de développement économique et social.

Quant à prétendre maintenant que le tourisme et le secteur primaire sont les deux piliers de notre devenir, tout le monde le savait, mais j'aurais pour ma part une vision plus large et donc moins restrictive. D'autant que, comme chacun le sait, la destination Tahiti et ses îles ne sera jamais à l’abri d’événements extérieurs, indépendants de notre volonté, tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou bien, la flambée du cours mondial du baril du pétrole qui déstabilise tout le transport aérien international.

La première partie du document relative à l’environnement économique n’appelle aucun commentaire de notre part. Si ce n’est sur l’annonce d’un décrochage brutal de notre Produit intérieur brut. En 2011, vous l’évaluez à 518, 6 milliards de francs pacifique, soit une chute de 6,7% par rapport à l’année précédente, ce qui nous placerait au troisième rang mondial des descentes en enfer derrière le Yémen et la Grèce. C’est dire l’ampleur du désastre. Sur ce point, je m’associe aux interrogations de l’économiste, monsieur Christian Montet, qui lui parle d’une chute de 4% : Sur la réalité de ce chiffre, je vous demande de bien vouloir nous le confirmer.

S’agissant de la grande réforme fiscale tant médiatisée, au-delà des grands principes qui vous guident tels que « faire prévaloir l’équité » ou bien « garantir les financements », il n’est pas expressément fait mention de la création d’un impôt sur le revenu. On le devine. Vous en avez pourtant fait votre cheval de bataille.

Si, aujourd’hui, tout le monde est à peu près convaincu que notre fiscalité, basée majoritairement sur les importations, a trouvé ses limites, la question de l’impôt sur le revenu nous oblige à une plus grande réflexion.

Que dire de votre « plan d’immédiateté » ? Vous annoncez vouloir, je cite, « contenir et réduire les inégalités sociales en luttant contre la cherté de la vie ». C’est un objectif que nous partageons, mais que proposez-vous concrètement et durablement ? Le soutien qui doit être apporté aux exclus de notre société ne peut en aucun cas se limiter à des mesures aussi soudaines, irréfléchies, ou opportunistes, voire électoralistes.

Nous remarquons qu’il y a un décalage entre vos ambitions et vos actions gouvernementales : En effet, qui a décidé de surenchérir les produits européens en nous promettant des baisses par ailleurs ? Et la taxe de 1% sur les articles électroménagers ? (Quel est le bilan sur la baisse du coût de la vie ? Donnez-nous des chiffres.) Sans parler de la hausse des prix des carburants à la pompe sous le prétexte de vouloir rééquilibrer le Fonds de régulation des produits hydrocarbures...
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Dans la deuxième partie du DOB 2012, vous passez en revue tous les secteurs économiques. Mais là où vous parlez de « réorientation », je n’y vois pour ma part que de la continuité, sans innovation.

Prenons l’exemple du tourisme : Monsieur le président, votre ambition est qu’il soit générateur, demain (mais quand ?), d’au moins 30% de nos richesses. Soit - si mes calculs sont exacts - environ 150 milliards de francs pacifique.

Mais pour atteindre cet objectif, vous préconisez ni plus ni moins qu’une « diminution du coût de la vie » dans les îles afin d’abaisser le tarif des prestations et parmi les pistes envisagées, il y a bien entendu la dévaluation du Franc pacifique. Souhait irréaliste, puisqu’il s’agit d’une compétence de l’Etat et nous ne sommes pas la seule collectivité concernée par le franc pacifique. Notre dépendance à l’importation (produits comme l’alimentaire ou les médicaments que nous ne produisons pas) va rendre les prix plus chers et la baisse du pouvoir d’achat des Polynésiens n’est pas la solution.

Aussi radical soit ce choc de compétitivité, il effraie plus qu’il nous rassure. Mais surtout, il rend encore plus improbable, voir impossible, l’objectif de triplement de nos recettes touristiques puisqu’à l’évidence les dépenses unitaires occasionnées sur le pays par nos visiteurs seront moindres. Soit dit en passant, ils continueront à payer aussi cher le voyage Paris ou Los Angeles – Papeete…

Par ailleurs, vous semblez occulter la problématique majeure de notre industrie touristique, c’est celle qui a trait à l’offre de desserte aérienne.

Saviez-vous, Monsieur le président, qu’entre 2006 et 2011, le nombre de sièges d’avion a diminué de 40% ? Pas un mot sur le sujet. Pas la moindre attention de votre part aux difficultés rencontrées par nos deux principaux transporteurs que sont Air Tahiti Nui et Air France : la première étant fortement endettée, la seconde menaçant d’abandonner la ligne, faute de retrouver l’équilibre financier. La défection de l’une ou de l’autre serait une véritable catastrophe. En ce qui concerne la venue prochaine des compagnies australienne et chinoise, vous savez pertinemment que ces projets ne sont pas mûrs !

Commençons déjà par obtenir une simplification des procédures de délivrance de visas… A ce sujet, je lisais récemment un article annonçant que Paris et Berlin venaient de créer un centre commun à Pékin pour faciliter ces démarches. Pourquoi ne pas prendre le train en marche… ?

Là où je vous rejoins, en revanche, c’est que notre destination doit sortir des sentiers battus. Le concept « lune de miel », pour ne citer que cet exemple, a vécu. Les actions de promotion ciblée, à l’instar de la campagne « Invest in your love » défendue par votre ministre de l’époque et qui nous a coûté 335 millions de francs pacifique, se sont avérées inefficaces, comme il est écrit dans le rapport.

Voilà monsieur le président, madame et messieurs les ministres, les quelques observations dont je souhaitais vous faire part concernant ce document qui, de toute évidence, n’augure rien de bon pour cette fin de mandature.

Je vous remercie de votre attention.

Rédigé par AFP le Lundi 12 Novembre 2012 à 10:52 | Lu 1594 fois