Tahiti Infos

Angelo Ariitai Neuffer - Le retour du monstre sacré

Après plusieurs années d'absence, Angelo Ariitai Neuffer fait son retour actuellement sur la scène polynésienne. L'artiste tient une place privilégiée dans le cœur des Polynésiens. Impossible d'oublier cette figure centrale de la musique locale. Angelo a à son actif une vingtaine d'albums, chantant son identité polynésienne, défendant sa culture, sa nature contre le " pouvoir de l'argent ".


Angelo revient pour son public avec le sourire
Angelo revient pour son public avec le sourire
Angelo occupe une place particulière dans le cœur des Polynésiens, de sang ou de cœur. Auteur-compositeur-interprète prolifique puisqu’il a à son actif plus d’une vingtaine d’albums, Angelo s’est fait discret ces dernières années pour des raisons qu’il a voulu pudiquement garder pour lui.
 
Effondrement de la production musicale, disparition en 2003 d’Océane Production sa maison de disque, fermeture de la Spacem accusée d’avoir très mal redistribué l’argent des droits d’auteur aux artistes polynésiens…difficile de vivre de son art en Polynésie, même pour le n°1.
 
Celui qui est considéré par certains comme le « Bob Marley » Polynésien par son aura, par la profondeur et la puissance de ses textes, est bien toujours vivant, au fin fond de son quartier d’Outumaoro, habitant avec sa petite famille dans sa maison de tôle et de pinex. Il n’en est pas pour autant amer, bien au contraire.
 
Sourire en coin, œil malicieux et cœur sur la main, il est debout, apaisé, malgré une vie agitée faite d’excès. Nous avons pu passer un moment avec lui, le temps d’une interview. Angelo…la musique préférée de celui qui a quitté le fenua, pourquoi ? Peut-être parce que c’est celle qui est la plus proche de l’âme de la Polynésie, avec ses joies, sa nature flamboyante mais aussi ses inégalités, ses réalités et ses souffrances. SB

Angelo un artiste qui a le cœur sur la main
Angelo un artiste qui a le cœur sur la main
Parole à Angelo Neuffer
 
Tu cultives la discrétion ?
 
« J’avais besoin de me ressourcer, de réfléchir. Il y a aussi le fait que le monde de la musique n’est pas aussi florissant qu’on le prétend. Il y a des hauts et des bas. (…) J’ai appris à être humble, j’ai appris à reconnaître plein de choses dans ma carrière qui n’ont pas été bien. C’est sur cette base là que je me suis construit une nouvelle identité et c’est ce qui a donné naissance à mon nouveau spectacle. »
 
Le monde de la production musicale s’est effondré ?
 
« Oui, c’est difficile, il y en a qui baissent les bras. Moi j’ai baissé les bras pendant cinq années, après je me suis dit que « j’avais un public alors que d’autres artistes n’en ont pas ». Grâce à internet, mes amis m’ont dit « fonce Angelo, fonce Angelo, tu as un public, ne te laisses pas aller… ». C’est grâce à ces encouragements que j’y suis allé. J’étais là sans rien faire alors qu’il y avait quelque chose à faire. »
 
Plutôt que d’aller en studio tu as choisi le public ?
 
« Voilà, vu que faire des albums de nos jours cela ne « nourrit plus son homme » comme on dit, alors je me suis dit qu’il valait mieux faire des spectacles. C’est le seul moyen pour un artiste de gagner un peu d’argent. Il y a aussi le partage avec le public. Je ne sais pas si mon retour plaît à certains artistes, à certains hommes politiques…Le monde de la musique est impitoyable, certains me disaient fini mais il fallait que je me batte pour mon public. Quand le public ne voudra plus de moi, je prendrais ma retraite, pour l’instant ce n’est pas le cas. »
 
Tu as cette faculté d’être un auteur-compositeur-interprète ?
 
« Certains jeunes chantent plus en anglais qu’en tahitien. C’est dommage. Si j’ai réussi dans mon domaine, c’est parce que je chantais en tahitien. Le public se lasse vite des nouveaux qui chantent en anglais et veulent retrouver les anciens qui chantent en tahitien. Le public se reconnaît dans sa langue. J’aimerais refaire un album en tahitien. Je ne sais pas si c’est le système qui veut que nos jeunes perdent ce lien avec leur identité, avec leur langue. Il ne faut pas laisser faire ça, il faut se battre pour notre langue. »

Angelo habite une maison modeste dans le quartier d'Outumaoro, comme un citoyen lambda
Angelo habite une maison modeste dans le quartier d'Outumaoro, comme un citoyen lambda
Certains textes contre le pouvoir de l’argent, la sauvegarde de la nature sont toujours d’actualité ?
 
« Oui parce que le public se reconnaît dans cette situation. Le système n’a pas changé. La politique est là pour s’interposer. Avant, j’étais un chanteur rebelle mais maintenant j’ai pris de l’âge. Je reste dans le combat mais je suis modéré dans mes propos. Il faut faire attention à ce que l’on dit, c’est mieux comme ça, car les politiques ne vont pas se laisser faire. »
 
Tu restes un défenseur de la culture ?
 
« Oui, la vraie, car à la télé on montre une culture « travaillée », modernisée par certaines personnes pour qu’elle soit inculquée à nos jeunes. Nous, on reste avec notre culture ancienne. Quand on parle de culture, il y a beaucoup de danse maintenant. Si on avait un ministre chanteur, cela irait mieux pour les chanteurs ! Ils défendent leur culture, moi j’ai la mienne à défendre. »
 
Quelques mots sur ton processus de création ?
 
« Dès fois, cela me vient comme ça d’écrire. Dès fois, c’est en discutant avec des gens, je récolte ce qui est instructif dans la discussion. Tout ce que j’écris, c’est ma vie. Depuis petit. Cette gaité, cette souffrance, c’est moi, c’est ma vie que j’écris. Dès fois, je commence par les paroles, des fois par la musique. Selon la tonalité de la musique, je vois quelles paroles il faut mettre. »
 
Ton calendrier ?
 
« Le 7 septembre j’étais à Raiatea, le 8 j’étais à Bora Bora. Je serais au Hélios le 28 septembre et le 26 octobre je serais à la salle d’Excelsior. Il y des anciens et des nouveaux morceaux. Merci à tous, venez nombreux, j’espère voir tous mes amis ce soir-là. » Propos recueillis par SB

Rédigé par SB le Mercredi 26 Septembre 2018 à 19:31 | Lu 10820 fois