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Aire marine protégée des Australes : Pew Polynésie répond au ministre de l'Environnement


(Photo Pew Polynésie)
(Photo Pew Polynésie)
PAPEETE, 8 avril 2016 - L'antenne polynésienne de la fondation Pew charitable trusts a souhaité répondre aux déclarations faites jeudi à Tahiti Infos par le ministre de l'Environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, à son sujet et concernant le projet d'aire marine protégée aux Australes, sur lequel travaille Pew depuis 2014.

> Lire aussi : Aire marine protégée des Australes : le Pays est opposé

Droit de réponse : Le Ministre de l’Environnement de la Polynésie française, Heremoana Maamaatuaiahutapu a fait hier (jeudi 7 avril, ndlr) des déclarations erronées sur l’Organisation non gouvernementale (ONG) Pew dans la presse. Avec tout le respect que nous devons au gouvernement de Polynésie française, nous devons répondre à ces accusations à caractère diffamatoire pour rétablir la vérité.

Concernant le projet d’AMP des Australes, le Ministre dit "ce n’est pas le projet des maires ni de la population des Australes, c’est le projet de Pew". Nous rappelons que les cinq mairies des Australes ont voté en 2014 une délibération appelant à "la création d’une réserve marine dans la ZEE des Australes". Suite aux nombreuses consultations de la population menées dans cet archipel, le projet élaboré a été présenté cette semaine à Papeete par une délégation de 22 représentants des Australes. Nous déplorons le fait qu’aucun représentant des services du Ministre n’était présent à cette présentation. Le Ministre aurait pu réaliser que ce projet est bien celui de la population des Australes. La délégation des Australes a d’ailleurs créé l’association Rahui Nui no Tuha’a Pae [jeudi] et s’est exprimée directement sur ce projet.

Concernant Pew, le ministre dit : "ils se croient chez eux et mettent en place des projets sans que personne ne leur ait demandé quoi que ce soit". Cela est faux. Nous rappelons que l’ONG Pew a été invitée par un courrier [voir fichier ci-dessous] du Ministère de l’Environnement en mai 2014 à "dresser un état des lieux écologique et économique des patrimoines naturels et culturels de l’archipel des Australes".

Cet état des lieux a été financé par Pew et remis au gouvernement en juin 2015. Le gouvernement a également invité Pew à "développer par la suite les stratégies nécessaires à la gestion du territoire concerné". Le projet de réserve marine qui a été présenté cette semaine est une proposition de stratégie de gestion des ressources marines de cet archipel, élaborée de manière participative et concertée.

Le ministre dit "Pew est une fondation américaine financée par le lobby pétrolier". Cela est faux. Pew est une ONG internationale non-lucrative, non-politique, non-religieuse. Les financements de cette ONG proviennent des intérêts d’un fond de charité légué par la famille Pew en 1948. La famille Pew a certes fait fortune dans l’industrie pétrolière avant de léguer sa fortune, mais depuis sa création en 1948, l’ONG Pew est indépendante des intérêts de la famille Pew, de l’industrie pétrolière, et de tout autre intérêt privé et public.

Le ministre dit : "plus ils classent de km2 en zone intégrale, plus ils perçoivent de financements pour leur fondation". Cela est faux. Les financements de Pew proviennent des intérêts du fond de charité légué par la famille Pew et n’ont donc rien à voir avec le nombre de km2 protégé. Pew est particulièrement attaché au principe de transparence et publie sur son site Internet des informations relatives à sa situation financière et à son programme d’action.

Le Ministre dit : "ils se sont déjà fait virer par nos cousins de Hawaii". Ceci est faux. Pew a cofinancé en février dernier une conférence internationale à Hawaii sur les dimensions humaines des AMP. Pew travaille également avec les autorités de Hawaii sur l’extension possible du parc marin Papahanaumokuakea. D’ailleurs, deux "cousins" de Hawaii, Hano et Maile Naehu, étaient présents à Papeete cette semaine pour partager leur expérience et favoriser une coopération polynésienne pour la conservation de l’océan.

Le Ministre dit que Pew a un "comportement colonialiste". Ceci est une accusation grave et insultante. Nous considérons que donner la parole à des populations insulaires pour défendre leurs intérêts et protéger leur patrimoine naturel, dans le respect des cultures traditionnelles (comme le rahui), est loin d’être une attitude colonialiste, bien au contraire. Lors de notre dernière rencontre, le Ministre nous disait que "les gens des îles sont naïfs ; vous pouvez leur faire gober n’importe quoi". Nous n’avons pas la même considération des populations des archipels. Nous pensons au contraire qu’elles sont parfaitement capables de discerner ce qui est bon ou mal pour leurs îles.

Le Ministre dit que le Pays est en train de "transformer la ZEE en Aire Marine Gérée" et que Pew "ferait mieux de nous aider dans cette démarche". Nous sommes tout à fait disposés à accompagner le Ministre dans cette démarche. Nous le faisons d’ailleurs déjà en communiquant à la presse internationale que le Pays est le plus grand sanctuaire de mammifères marins et de requin du monde, favorisant ainsi le rayonnement de la Polynésie française au niveau international. Cela étant, nous n’avons jamais été invités, de même que les ONG locales, à nous prononcer sur ce projet d’Aire Marine Gérée, ni sur la modification du code de l’environnement polynésien, qui n’ont pas fait l’objet de consultation publique.

Sur TNTV, le Ministre dit que "Pew n’a pas réussi à répondre à un certain nombre de questions : qui va financer la gestion de cette aire ? Comment on peut morceler la ZEE du Pays ? Qui va avoir la responsabilité juridique ?". Le rapport présenté cette semaine répond à ces questions. La gestion d’une Aire Marine Protégée au large est essentiellement sa surveillance. L’armée française est compétente pour surveiller la ZEE et a déjà une stratégie de contrôle efficace. La création d’une Aire Marine Protégée au large n’entraînerait donc pas de coûts de surveillance additionnels selon l’armée. Il ne s’agit pas de morceler la ZEE du Pays, les grandes Aires Marines Protégées aux Australes et aux Marquises annoncées par le Pays au niveau international pourraient parfaitement s’intégrer au projet de grande Aire Marine Gérée proposé par le Pays à l’échelle de toute la ZEE. La responsabilité juridique de la gestion de la ZEE est de la compétence du Pays et la création d’une AMP ne modifierait en rien cette compétence.

Un conseiller d’Edouard Fritch dit "Pourquoi créer une aire marine protégée dans une zone où la pêche n’existe pas ?". C’est justement toute la philosophie du programme Héritage Mondial des Océans mené par Pew. Il ne reste plus que 10% des océans encore sains à l’échelle de la planète. La plupart des espèces commerciales du Pacifique sont surexploitées, avec par exemple une réduction de 84% des stocks de thons obèse. Pourtant, la pêche augmente chaque année dans le Pacifique. Créer une réserve dans une zone largement pêchée est très complexe, voire impossible. Et dans une zone surexploitée, il n’y a plus grand-chose à protéger. Il semble donc plus pragmatique de sécuriser la protection de certaines des dernières zones qui sont encore saines, avant que la pêche ne s’y intensifie. Les eaux des Australes sont encore préservées, mais pour combien de temps ? Selon l’Agence française de développement (AFD), sept dossiers de bateaux usines surgélateurs pour pêcher en Polynésie française ont été présentés à Bercy pour une défiscalisation. Les Australes ne veulent pas de ces bateaux usines dans leurs eaux, car ils pensent que leurs intérêts seraient nuls pour leur archipel alors que leurs impacts seraient importants pour la pêche côtière dont ces populations dépendent.

Le conseiller ajoute : "en revanche, une fois créée, l’AMP pourrait poser de sérieux problèmes à la population". Quels problèmes ? Le zonage proposé par la population des Australes prévoit une zone de pêche de 20 milles marins autour de chaque île pour les poti marara (il n’y pas de thoniers basés aux Australes). La population pourrait donc continuer à pêcher durablement au milieu de la plus grande réserve marine du monde. Les AMP, à travers leur notoriété internationale, entrainent également un développement de l’écotourisme. Par exemple, selon le Ministère de l’Environnement, la fréquentation touristique de l’île de Fakarava a été multipliée par sept, suite à la création de la réserve de biosphère de l’UNESCO il y a 10 ans. Plutôt que des problèmes, les AMP apportent donc des bénéfices directs pour les archipels.

Nous sommes peinés de devoir nous défendre publiquement face à ces accusations. Cependant, la vocation de Pew au niveau international est de stimuler la participation citoyenne au développement des politiques publiques. Donc nous sommes malgré tout heureux de voir que le projet de réserve marine proposé fait aujourd’hui l’objet d’un vrai débat public. Nous ne sommes pas rancuniers et nous sommes bien sûr disposés à continuer à travailler avec le Ministère et la population des Australes sur ce beau projet de Rahui Nui No Tuha’a Pae.

Rédigé par d'après communiqué le Vendredi 8 Avril 2016 à 15:32 | Lu 6883 fois