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Affaire Radio Tefana : Enquête ouverte sur les frais de défense d’Oscar Temaru


Tahiti, le 31 décembre 2019 – Plusieurs élus au conseil municipal de la mairie de Faa’a ont été auditionnés la semaine dernière par les gendarmes de la section de recherche dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte pour détournement de fonds publics, portant sur les conditions du vote de la « protection fonctionnelle » accordée à Oscar Temaru par la municipalité dans l’affaire Radio Tefana.
 
Plusieurs élus de l’opposition et de la majorité au conseil municipal de la mairie de Faa’a ont été auditionnés la semaine dernière dans les locaux de la section de recherche de la gendarmerie à Papeete, ont révélé mardi nos confrères de TNTV. Une série d’auditions libres menées dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte pour détournement de fonds publics, portant sur les conditions du vote par le conseil municipal de la « protection fonctionnelle » au maire de Faa’a, Oscar Temaru, en février 2019, pour prendre en charge ses frais de défense dans l’affaire Radio Tefana. Une affaire dans laquelle le leader indépendantiste a été condamné par le tribunal correctionnel le 10 septembre dernier à 6 mois de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêts, mais qui fait actuellement l’objet d’un appel formé par la défense.
 
A l’origine de cette affaire dans l’affaire, en décembre 2018, un mois après la garde à vue d’Oscar Temaru dans le dossier Radio Tefana, le premier adjoint à la mairie de Faa’a, Robert Maker, avait proposé une délibération au conseil municipal accordant la protection fonctionnelle au bénéfice du maire de Faa’a. Une disposition prévue par le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Mais à l’époque, le maire Oscar Temaru avait demandé le retrait de cette délibération le temps de vérifier la légalité de la procédure. S’il a un temps été question que le parti Tavini Huiraatira prenne en charge ces frais de justice, le conseil municipal de Faa’a a finalement voté la délibération accordant la protection fonctionnelle deux mois plus tard en févier 2019, toujours sur proposition du premier adjoint. Selon TNTV, la commune avait alors provisionné 12 millions de Fcfp pour couvrir les frais de défense d’Oscar Temaru dans le cadre du dossier Radio Tefana.

« Faute détachable »

Selon nos informations, l’enquête de la gendarmerie porte sur la question de la légalité de l’octroi de la protection fonctionnelle au maire de Faa’a. Le CGCT prévoit en effet que « la commune est tenue d'accorder sa protection au maire (…) lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions ». Toute la question est donc de savoir si l’éventuelle « faute » d’Oscar Temaru –l’affaire n’est pas définitivement jugée– commise dans l’affaire Radio Tefana est « détachable de l’exercice des fonctions » du maire de Faa’a. Toujours selon nos informations, les élus du conseil municipal ont également été interrogés sur le fait de savoir si d’éventuelles « pressions » avaient été exercées à leur encontre au moment du vote de la protection fonctionnelle.
 
Du côté de la mairie, on explique que l’usage veut généralement que l’on vote cette protection fonctionnelle au début de la procédure pénale, lorsque les faits reprochés ne sont pas connus précisément, et que cette protection soit éventuellement suspendue par la suite en fonction de la nature de la condamnation. On rappelle également qu’au moment du vote de la délibération en février 2019, le dossier pénal contenant le détail des faits reprochés au maire de Faa’a n’avait toujours pas été communiqué par le parquet.

« Colonialisme anachronique et nauséabond »

Contacté par Tahiti Infos, l’avocat des élus du conseil municipal, Me Thibault Millet, a réagi en indiquant que « la protection fonctionnelle est un droit pour tout fonctionnaire et pour tout élu poursuivi au pénal pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions. La commune de Faa’a n'a donc fait qu'appliquer la loi en votant la prise en charge des frais d'avocats nécessaires à la défense de son tavana dans l'affaire dite ‘Radio Tefana’. Cette décision s'imposait sans discussion au nom de la présomption d'innocence dont bénéficie M. Oscar Temaru. A ce stade, je peux vous confirmer que les charges imaginées par les autorités de poursuites sont misérables, et qu'elles n'ont aucune chance d'aboutir. »
 
« Je tiens également à souligner que la prétention de certains représentants de l'Etat à vouloir rechercher dans la défense de M. Oscar Temaru un invraisemblable délit pénal m'apparaît profondément choquante et déplacée. L'ouverture de cette enquête à la veille du procès en appel de M. Temaru ne peut être ressentie que comme une tentative d'intimidation de la défense », tacle également Me Millet. « Dans le contexte politique que nous connaissons, et à moins de trois mois des élections municipales, cette enquête qui se nourrit d'une insupportable violation de la présomption d'innocence du leader indépendantiste Oscar Temaru, dissimule mal une volonté de déstabilisation politique de la part de certains représentants de l'Etat. La défense s'indigne de cette enquête odieuse, et ne peut que regretter, en ce début d'année 2020, d'y voir l'expression d'un colonialisme anachronique et nauséabond. »

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 31 Décembre 2019 à 15:12 | Lu 4431 fois