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A Ouvéa, Emmanuel Macron tente de « réconcilier les mémoires »


NOUMEA, le 6 mai 2018- Le président de la République a mené une visite officielle de trois jours dans l'océan Pacifique, se rendant d'abord en Australie, puis en Nouvelle-Calédonie. Sur place, à six mois seulement du référendum sur l'indépendance, il a fait des gestes symboliques envers les indépendantistes mais a aussi envoyé des signaux éloquents à ceux qui souhaitent que le pays reste français.

Il tenait au symbole malgré la contestation : Emmanuel Macron s'est rendu sur l'île d'Ouvéa, au nord de la Grande-Terre, samedi 5 mai, pour l'anniversaire des trente ans de l'assaut meurtrier de l'armée française sur une grotte où des militants indépendantistes kanak retenaient des gendarmes en otage. « Je suis venu au contact, je voulais venir à Iaai (le nom kanak de l'île) et je voulais venir ici dans cette année si particulière pour la Nouvelle-Calédonie !, a-t-il assumé dès son arrivée samedi matin à l'aéroport de la plus petite des îles Loyauté, au nord de la Grande-Terre. Tous les grands chefs, tous les élus et le maire sont là. Il n'y a qu'un Collectif, très minoritaire, qui s'exprime contre [ma venue]. Il faut entendre cette voix : voilà pourquoi je ne déposerai pas moi-même de couronne » sur la tombe des 19 Kanak tués par l'armée française, a-t-il seulement concédé. Le président a aussi rendu hommage aux quatre gendarmes tués par les militants indépendantistes et aux deux militaires français qui ont perdu la vie lors de l'assaut.

Il s'agissait pour lui de « faire la coutume », c'est-à-dire de montrer qu'il comprend et respecte les règles et le mode de vie du peuple kanak. Il s'agissait aussi « de reconnaître que des crimes ont été commis » par la France et que si les mémoires sont douloureuses en Nouvelle-Calédonie, elles peuvent aussi être « réconciliées ».

Un point de vue et un positionnement politique qui n'ont pas convaincu le « Collectif de Gossanah », une tribu à proximité immédiate de la grotte où se sont produit l'assaut de l'armée française et ses exactions, il y a trente ans. « Je suis déçu, il y a eu trop de mises en scène : nos traditions ont été gâchées et nous avons été divisés par cette venue », se désolait après-coup Faysen Wéa, membre de la tribu de Gossanah et animateur du Collectif contre la venue du président à Ouvéa. « Il est venu pour semer la pagaille et avec la journée d'aujourd'hui des tensions sont montées et des mots ont été prononcés qui n'auraient pas du être dits... »

Pour autant, Faysen Wea et les membres de son collectif ont été tenus à distance par un cordon de gendarmerie, au moment des commémorations et de la visite du président. La mise à l'écart de la contestation a permis à Emmanuel Macron de conclure - quelques heures plus tard de retour à Nouméa, la capitale sur la Grande-Terre - le grand discours qui allait clôturer sa visite dans le Pacifique : « J'étais à Ouvéa, ce matin, j'ai planté un cocotier et nous l'avons appelé « l'arbre de l'avenir ». Je l'ai planté avec une enfant, Ginette. Nous ne devons avoir qu'une seule priorité : que Ginette puisse grandir en ayant la meilleure formation, les meilleures chances dans la vie, parce que ses grands-parents, ses frères, ses oncles auront décidé ensemble de regarder l'avenir. »

Cet, avenir, Emmanuel Macron l'envisage pour la Nouvelle-Calédonie, au sein de la France.

Selon lui, « la France sera le seul pays de l'Union européenne à être présent dans le Pacifique, après le Brexit. » Un temps long et des perspectives géopolitiques avec le grand projet « d'axe indo-pacifique, qui irait de New-Delhi (Inde) à Camberra (Australie) en passant par les archipels de Polynésie Française et de Nouvelle-Calédonie. Un avenir stratégique, militaire et commercial »

A six mois du référendum sur l'indépendance, le président a tenu à souligner que pour lui, « la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie », une manière de sortir de la réserve habituelle que s'imposent les représentants de l'État, qui se contentent d'organiser un scrutin « sincère » et surtout « incontestable ».

Le 4 novembre prochain, les Calédoniens devront répondre à la question « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Ce jour-là, il sera crucial que les mémoires soient « réconciliées » parce que, ainsi que l'a souligné le président de la République avant de repartir pour Paris, « le jour d'après, quel que soit le résultat, tout le monde devra vivre ensemble ».


Rédigé par Julien Sartre le Dimanche 6 Mai 2018 à 17:02 | Lu 1233 fois