Tahiti Infos

A Montpellier, des entomologistes en première ligne face au moustique tigre


A Montpellier, des entomologistes en première ligne face au moustique tigre
MONTPELLIER, 13 août 2012 (AFP) - Derrière les portes étanches d'un laboratoire du sud de la France, des entomologistes en combinaisons protectrices étudient des moustiques rayés de noir et blanc, capables de propager de redoutables maladies infectieuses en Europe.

Les moustiques tigres élevés ici sont originaires de l'Asie du Sud-Est et les maladies qu'ils transmettent sont tropicales, mais le risque pour l'Europe est réel et ne cesse même d'augmenter.

Les envahisseurs ont pris pied sur le continent européen au cours de la dernière décennie. Aidés par le changement climatique et les échanges mondiaux de personnes et de marchandises, ils progressent régulièrement vers le nord et l'ouest.

En 2007, les insectes ont provoqué une épidémie de chikungunya d'origine autochtone en Italie. 300 personnes ont été infectées, dont une est décédée.

En 2010, 10 cas de dengue d'origine autochtone ont été enregistrés en Croatie, ainsi que deux cas de dengue et deux cas de chikungunya dans le sud de la France.

"Le risque de maladie est très faible (...) mais il augmente", explique à l'AFP Jean-Baptiste Ferré, au siège de l'Entente interdépartementale pour la démoustication (EID Méditerranée) à Montpellier (Hérault). "Plus il y a de moustiques, plus le risque augmente", relève l'entomologiste.

Le moustique tigre, ou Aedes albopictus, qui se nourrit de sang humain, peut facilement causer une épidémie. Il suffit qu'il pique une personne infectée de retour d'un pays où une maladie comme la dengue ou le chikungunya sont endémique. Le virus est stocké dans les glandes salivaires du moustique, puis transféré à d'autres personnes, lorsqu'il les pique à leur tour.

"L'Europe n'est pas protégée contre les virus exotiques transmis par Aedes albopictus", met en garde Anna-Bella Failloux, de l'Institut Pasteur à Paris.

Repéré pour la première fois en Albanie en 1979, le moustique a colonisé environ 20 pays européens en une douzaine d'années, principalement sur le pourtour méditerranéen, mais aussi une partie de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas.

En avril dernier, des scientifiques de l'Université de Liverpool ont attiré l'attention sur le fait que les conditions climatiques devenaient plus propices à sa propagation dans le nord-ouest de l'Europe et les Balkans.

Un citadin

A Montpellier, Jean-Baptiste Ferré et ses collègues de l'EID sont en première ligne dans la prévention d'une épidémie : il suivent la propagation de l'envahisseur grâce à quelque 1.500 pièges disséminés dans le pays. De tels pièges seront bientôt mis en place en région parisienne.

L'entomologiste montre sur une carte de 2004 un petit point rouge représentant la première localisation d'Aedes albopictus, au sud-ouest de Menton (Alpes-Maritimes).

Les cartes montrent la progression tentaculaire des moustiques tigres vers le nord et l'ouest. L'année dernière, ils ont atteint Montpellier, 300 km environ à l'ouest de Menton.

Les moustiques tigres sont des animaux agressifs, robustes et très prolifiques durant les 10 jours de leur courte vie. S'alimentant de jour, ils peuvent piquer plusieurs personnes d'affilée, et leur progéniture peut éclore après de longues périodes sans eau.

"Il est impossible de les tuer tous", explique Anna-Bella Failloux. "Même s'il n'y a plus de moustiques adultes autour de vous, il reste des oeufs quelque part qui attendent les prochaines pluies pour éclore".

Le tigre asiatique est d'autant plus difficile à cibler qu'il est citadin : il n'a pas besoin de grandes étendues d'eau et pond ses oeufs dans des pots de fleurs, jouets laissés dehors ou caniveaux bouchés.

Au laboratoire de l'EID, les scientifiques étudient leurs modes d'alimentation et leur cycle de vie.

Lorsque des personnes reviennent infectées de pays où la dengue ou le chikungunya sont endémiques, l'EID lance des attaques insecticides : avant l'aube, la zone concernée est pulvérisée sur un rayon de 200 m. Cinq opérations de ce type ont été menées cette saison.

"Il est impératif de tuer les moustiques avant qu'ils ne transmettent la maladie", souligne Grégory Lambert, de l'EID. Généralement les zones sont traitées avant même le résultat des tests de laboratoire confirmant la présence du virus.

mlr/vm/fa/ed

Rédigé par AFP le Lundi 13 Août 2012 à 06:20 | Lu 696 fois